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Arrivés à Cartagena de los Indias, dernière étape de notre périple, nous vous souhaitons à tous une excellente année 2020, et un joyeux réveillon.

Un grand merci à toutes celles et ceux qui nous ont envoyé leurs vœux, ou nous ont témoigné leur amitié par leur fidélité à suivre ces récits de voyage.

Et en guise de carte de vœux, ce « pêcheur d’étoiles » qui, même lorsque son filet remonte vide, relance inlassablement: l’espoir est toujours là….

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Agnès & Patrice

Vendredi 20 décembre Jour 66  Maria La Baja / Cartagena

Arrivant de l’ouest, l’accès à notre bivouac, situé à l’est du centre historique, sera malaisé

Le site est exceptionnel, presqu’ile entourée de lagunes, facilement défendable et totalement fortifié. Ces fortifications doivent être contournées par les passages obligés constitués par quelques ronds- points et une traversée de quartiers populaires. Qui dit populaires dit congestionnés, et les traversées de rues se font à l’intimidation.

Arrivés à l’hôtel Bellavista, remarquablement situé sur le malecon, nous serons fort déçus par le standing de l’établissement. Appartenant à un couple, frère et sœur français déjà âgés, il semble ne pas avoir été entretenu depuis sa création, et la zone où nous nous garons à tout de l’arrière -cour d’un mécanicien en faillite. Nous décidons de ne pas y séjourner plus que nécessaire et l’après midi sera consacré à des formalités indispensables : recherche de cash, réservation de nos billets de retour à l’aéroport, premier contact avec l’agent qui gèrera l’expédition du véhicule (seul avantage de l’endroit, c’est à 100 mètres) et réservation de l’hostal où nous passerons nos derniers jours

N 10.43515°   O 75.53872°

Km 73   Total 8942

Samedi 21 et dimanche 22 décembre Jour 67 & 68   Cartagena / Taganga

Depuis Bellavista, on quitte facilement la ville par une belle 4 voies. Direction Santa- Marta. La route a été tracée sur une étroite bande de terre entre mer et lagunes. Au niveau de Cinagua, les villages de pêcheurs, le long de la route-digue sont en très triste état, lagunes dépotoirs aux portes des cubes de parpaings qui constituent les logis. Mais sur la route, de petits kiosques exposent les produits de la pêche, on pourra s’y procurer 1kg d’ énormes gambas.

On ne souhaite pas s’arrêter à Baranquilla, ville dont on nous a dit, « c’est Marseille, en pire », son contournement nous prendra quand même une bonne heure.

Santa Marta présentant peu de bivouacs attractifs, nous contournerons un piton côtier pour atteindre Taganga, village de pêcheurs devenu petite station balnéaire très fréquentée et centre de plongées. On trouve un hostal sympa, Sierra Aventura,tenu par un couple belgo colombien. On y prend une chambre climatisée et on y restera deux jours. Au programme : ceviche, tranches d’espadon frais pêché qu’on négocie sur la plage, mojitos dans les bars sur le sable.

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La visite de Santa Marta sera un peu décevante : cette ville, à l’important port minéralier d’où est exportée la production colombienne de charbon, possède un centre colonial réduit avec une cathédrale plutôt banale, quelques rues joliment décorées et le musée Tairona, où s’éteignit en 1830, à l’âge de 47 ans et dans un isolement d’exilé, Simon Bolivar. Malheureusement, le musée est fermé pour travaux.

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N 11,26646°   0 74,18790°

Km 239 Total 9181

Lundi 23 / mercredi 25 décembre   Jour 69 à 71    Taganga /Palomino

Nous poursuivrons vers l’est. Le gros village de Palomino, « aux plages paradisiaques », n’est qu’une enfilade d’hostals pour routards, avec une plage que la mer a complètement absorbée, et où ne subsiste qu’un maigre passage. Une nuit nous suffira, et on cherchera vite autre chose.

Heureusement, à quelques km, il y a le camping « casa playa  Bernabe », la plage y est effectivement conforme aux descriptions dithyrambiques du guide Gallimard, on s’y gare sous les cocotiers.

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Et, heureuse surprise, alors que nous n’avons croisé aucun « overlander » depuis des semaines, 8 autres véhicules sont venus s’y poser pour les fêtes : allemands, suisses, brésiliens, français, et même un camping- car colombien, espèce rare !

Peu après notre arrivée, un jeune français vient nous inviter à participer au repas « auberge espagnole » pour la soirée de Noël. Nous nous empressons d’accepter, la soirée sera chaleureuse et se terminera sur la plage, les yeux dans le vague devant un feu de camp.

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Et le 25, naturellement, on bulle…

N 11,26060°      O 73,58319°

Km 94  Total  9275

Jeudi 26 décembre  Jour 72  Palomino / Boca de Camarones

Notre objectif est la réserve des flamands, migrateurs qui passent la saison dans l’immense lagune qui borde le village de Boca de Camarones, à quelques km de Camarones. Nous bivouaquerons dans la cour de l’hostal « La Consentida », seul endroit un peu souriant dans un village bien tristounet. Là, comme ailleurs, il y règne une chaleur de four mais la bière y est fraiche, et le patron accueillant : il nous procurera un guide pour la visite de la réserve, et un kg de crevettes, toutes décortiquées…

N 11,43138°  O 73, 08666°

Km 78  Total 9353

Vendredi 27 décembre Jour 73  Boca de Camarones / Palomino

Dès 6 heures, le guide nous rejoint à l’hostal. Une courte marche et nous embarquons dans une barque à fond plat pour une traversée de 30mn de la lagune qui ne fait pas plus de 60 cm de profondeur et s’assèche en avril. Grâce à une voile latine bien vite hissée, le guide, un pur waku de l’ethnie qui contrôle la réserve, pourra s’économiser à la gaffe et nous atteindrons plus vite la zone où se nourrissent les flamands..

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Sur la lagune, il est trop tard pour les cormorans qui filent par milliers vers la mer, mais pas pour les flamands, qui se dirigent vers nous.

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Nous ne nous attarderons pas à Camarones, « Bernabe » est bien plus accueillant. On quitte donc le village, qui restera le point le plus septentrional de notre périple. Plus loin, c’est désertique, et les plages « paradisiaques », on a déjà donné…

Retour donc à « Bernabe ». On y remarquera l’un des mannequins que les colombiens préparent, bourrés de pétards, pour les brûler le soir de la St Sylvestre, en guise d’adieu à l’année écoulée.

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Km 80 Total 9433

28 décembre Jour 74  Palomino / Punta Canoa

On rembobine le film : contournement de Santa Marta, bande côtière, contournement, atroce, de Baranquilla, et on vient se poser à l’hostal « Punta Canoa », dans le village du même nom. Petit, fréquenté en cette période de fêtes, bien tenu et avec une petite piscine, c’est l’endroit idéal pour y préparer l’embarquement

N 10,55585°    O 75, 50044°

Km 310     Total 9743

29 décembre au 1° janvier  Jours 75 à 78    Punta Canoa

On fait les valises, on jette ce qui ne peut plus servir, on vide le frigo, on nettoie et prépare le véhicule, on se fait un petit repas de fêtes avec deux jeunes allemands (foie gras et gambas, classique..) et on attend la suite.

Le 30, nous nous rendons en bus à Cartagena pour signer les documents de transport du véhicule. Expérience décoiffante, ici, comme dans toutes les villes d’Amérique du sud, les chauffeurs parient à qui sera le plus rapide, des chronométreurs jalonnent les parcours et remplissent les fiches enregistrant les performances, abondamment commentées par le chauffeur et son aide. Il faut voir celui ci, à chaque arrêt, sauter en marche, hurler les destinations du bus, rameuter les éventuels passagers et les presser de monter pour ne pas perdre de temps. Pour être honnête, il aide aussi les mémés à monter leurs paquets et fait grimper les enfants. C’est également lui qui passe  encaisser, sans tickets et ayant mémorisé ceux qui n’ont pas encore payé. Avec un tel système, coulage garanti..

Ensuite, on n’a qu’à bien se tenir, le chauffeur se contrefout des passagers, ce qui compte, c’est sa perf… Et même si le bus est plein à craquer, des marchands ambulants montent sans cesse pour vendre glaces, beignets, boissons et friandises, quand ce n’est pas un évangéliste qui pousse la chansonnette en s’accompagnant du doux crissement produit en grattant une tige métallique sur une espèce de râpe à fromage. Ambiance, et moiteur, garantie.

Le dernier soir, la cellule étant encombrée, nous dormirons dans une des chambres, avec clim, bien sûr, occasion pour nous d’admirer la créativité décorative colombienne : un hublot est obturé par….. un couvercle de cuvette de WC !

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2 janvier à ce jour    Jours 79 à 82

Départ dès 7h30, nous devons déposer les bagages qui nous accompagneront en avion à la « Casa 41 », le point de chute à Cartagena qu’Agnès nous a sélectionné, puis nous avons rendez-vous chez « Enlace Caribe », notre agent, à 8h40.

L’épouse du patron, Mme La Rota, nous précèdera en voiture, accompagnée d’un douanier, jusqu’au port, à une vingtaine de km. Port très sécurisé, avec plusieurs contrôles successifs et les formalités d’entrée seront aussi longues que celles préliminaires à la remise du véhicule au personnel du port. Quant au douanier, il se contentera d’une signature. On se demande pourquoi il est venu…

Km 50 Total 9793   Fin du périple

Lorsque je reviens au bâtiment administratif, Agnès est entourée de secouristes et d’un médecin : la gastro qui s’est déclarée, violente, lors de la nuit du réveillon l’a beaucoup affaiblie, malgré les médicaments tirés de notre réserve, ce qui a inquiété Mme La Rota. Le contrôle de la tension, correcte, nous rassure et une boisson réhydratante devrait améliorer la situation.

Le lendemain je dois repartir à 7h30 avec Santiago La Rota, un des fils, pour le contrôle « narcoticos ». Agnès se reposera à l’hôtel. Arrivés sur place, et une fois accomplies les formalités d’entrée, on nous annonce que le contrôle est reporté à 14h30 …. On repart donc, nous reviendrons l’après midi.

Et l’après midi se passera à attendre, le policier chargé du contrôle se pointera à 17h30….

Lorsqu’il arrive, avec son chien, il commence par me dire d’ouvrir les fenêtres et de vider le véhicule. Je lui réponds que c’est impossible, nous avons blindé les fenêtres et le coffre extérieur, démonté, encombre maintenant l’espace repas. Il accepte la situation, grimpe à bord, allume la radio pour vérifier qu’elle n’est pas factice, ouvre et palpe le contenu des placards et se contente d’une inspection sommaire. Ouf !, je n’ai pas dû tout démonter et vider.

Contrôle spectaculaire ensuite, 4 personnes assistent à l’opération et photographient, sans que j’en comprenne la raison. Ils espèrent sans doute être les témoins de la saisie du siècle…

Le maitre- chien dirige sa bête, qui commence par pisser au pied du véhicule, puis dépose un bel étron. A mon grand étonnement, vu les tas d’immondices qui bordent les rues hors du centre historique, le flic sort un sac plastique de sa poche et ramasse le cadeau.

Puis il fait grimper la chienne dans la cellule, dans la cabine, ouvre le capot, lui fait renifler le tout, répète la série d’opérations puis se tourne vers moi : esta bien…

Je serai de retour à l’hôtel à 20h, l’état d’Agnès est, disons, stable, sans amélioration.

Le lendemain ça va mieux, on entame une ballade dans Cartagena. C’est la ville la plus visitée du pays, et la plus renommée d’Amérique du sud. Elle le mérite, pour son centre historique, pas pour ses faubourgs où les terrains vagues et les quartiers déshérités alternent avec les immeubles du front de mer : la population ne recueille que des miettes de la manne touristique, le cœur de ville ayant été accaparé par la bourgeoisie colombienne et les étrangers, telle une Marrakech des Caraïbes.

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Néanmoins, dès que l’on prend un peu de hauteur, la vue est si belle…

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Et les rues de la ville coloniale, enchassée dans ses remparts, sont à craquer, que ce soit dans le quartier populaire Getsemani ou dans le cœur touristique, autour de la Torre del reloj.

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De la terrasse d’un centre commercial flambant neuf, on ne peut manquer  le « Castillo San Felipe » énorme forteresse bâtie pour protéger la ville qui abritait l’or et l’argent pillés par les conquistadores, avant le transport vers l Espagne. Bien peu esthétique, mais imprenable.

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En fin d’après midi Agnès subit une nouvelle crise de gastro, nous nous rendrons donc dans une clinique à moins de 500 m de l’hôtel où elle recevra des soins, perfs et prescriptions. Sortis très tard, je ne pourrai trouver une pharmacie que ce matin, heureusement, ici, on bosse aussi le dimanche, et dès 7heures.

Les deux journées seront consacrées au repos et, les médicaments ayant produit l’effet attendu, nous pourrons enfin profiter de nos ultimes heures  dans la ville coloniale, avant notre départ, ce mercredi 8.

A bientôt, et merci de votre fidélité

 

Mardi 21 et mercredi 22 janvier.

De notre chambre, au 5° étage, j’aperçois les navires à quai, malgré le brouillard. Visibles par-dessus les toits, grâce aux phares qui les éclairent d’une lueur glacée, leurs superstructures dominent les immeubles qui nous séparent du port. On devine, en cette fin de journée, une activité qui ne s’éteindra pas avec la nuit.

Lorsque Enrique La Rota, le patron de l’agence « Enlace Caribe » nous avait proposé un transport vers Bremerhaven, même si nous imaginions le contraste à venir entre Cartagena de los Indias, perle de la Caraïbe, et ce port hanséatique, nous ne nous attendions pas à ce que nous avons découvert lors d’une brève promenade, emmitouflés dans nos parkas : quelques jolis immeubles de style flamand épargnés par les bombardements de 1943-1944, noyés entre des bâtiments édifiés à la va vite dans le style lugubre de l’après- guerre, et de tristes magasins bas de gamme . Des kebabs tous les 50 mètres et même un ciné porno; ça existe encore !

Le brouillard, d’où émerge de loin en loin la lueur orangée des lampadaires, vient amortir tous les sons, troubler les silhouettes et créer une atmosphère à la Simenon, peu propice à la flânerie. Ne manquent que les mugissements des cornes de brume…

Nous rentrerons bien vite nous mettre au chaud, après avoir toutefois pu trouver, faute de « gaststatte » quelques sushis qui nous permettront d’échapper à la tristesse des kebabs.

Par paresse, j’avais recherché une chambre sur un site bien connu, qui n’a pas besoin que je lui fasse de la pub, et privilégié, à tort, l’économie. Il ne s’agira donc pas d’un hôtel 5 étoiles mais d’un appartement avec vue sur le port, fort heureusement récemment rénové, dans une HLM quasiment vide, aux couloirs glacés.

Fraiche ambiance donc, qui ne vient pas calmer notre légère inquiétude pour la récupération du camping car.

Nous avons en effet été informés, par Birgitt, l’employée de l’agence chargée de gérer les formalités de sortie du port, qu’il nous manquait un certificat d’exportation qui aurait dû nous être remis lors de notre départ, il y a deux ans. Faute de ce foutu papier, nous risquons d’être taxés de 30% de la valeur du véhicule, ce qui n’a aucun sens, car il est immatriculé en France . La TVA a évidemment été acquittée lors de l’achat !

Contactés, Grimaldi, la compagnie maritime que nous avions utilisée lors de notre traversée vers l’Uruguay, aussi bien que l’agence Seabridge, nous ont confirmé ne jamais remplir de formalités douanières lorsque des passagers embarquent avec leur véhicule, et être dans l’impossibilité de nous fournir autre chose qu’un  bill of lading,, « connaissement » attestant du chargement mais sans valeur pour les douanes.

Nous ne parviendrons pas à clarifier si cette situation résulte de la négligence des sociétés opérant à Anvers, comme le pense Birgitt avec un poil de racisme anti belges, ou si les procédures sont plus lourdes lorsque le véhicule est expédié au lieu d’être accompagné, auquel cas nous aurions dû  anticiper cette contrainte lors de notre première traversée.

Quoiqu’ il en soit, la seule solution suggérée par Birgitt, sera, une fois récupéré le véhicule, de tenter une sortie du port, la bouche en cœur, comme si nous étions venus gentiment visiter les installations portuaires, en ayant pris soin de supprimer au préalable tous les éléments qui révèleraient que le véhicule est fraichement débarqué d’un navire.

Cela ne nous enchante guère, mais nous n’avons pas de plan B..

Et nous voilà donc le lendemain, à la première heure, toujours dans le brouillard, en route vers les bureaux de l’agent situés en lisière de cet immense port. Longue errance à deux pas des navires, entre les parkings, les voies ferrées, les bureaux des transitaires, souvent arrêtés à des passages à niveau où défilent lentement les convois.

Terminal conteneurs, bien sûr, comme tous les ports modernes, Bremerhaven est avant tout un des premiers ports au monde pour le trafic des navires Roro, et le 1° en Allemagne : Il accueille 1200 bateaux de ce type par an, traite 1,6 millions de véhicules et peut en stocker 90 000 sur 240 ha de parkings. On imagine la noria des jockeys qui, jour et nuit, pilotent les véhicules depuis les trains ou les parcs jusque dans les hangars des navires.

Il faut bien exporter les BMW, Mercédès et autres VW qui font la gloire de l’industrie allemande et la prospérité du pays !

Pas étonnant que l’on s’y perde. Plus surprenant, nous avons franchi le contrôle d’entrée sans le voir, les douaniers devaient être planqués au chaud dans leur guitoune, et nous sommes dans l’impossibilité d’atteindre notre destination, bloqués par des clôtures ignorées des GPS.

Je me résous à appeler Birgitt, qui nous propose de nous rejoindre, nous guide vers le parc où est stocké notre véhicule, accomplit les formalités de livraison, nous confirme que nous sommes bien dans une zone sous douane et que nous devrons donc la quitter avec deux véhicules !

Elle nous abandonne ensuite, non sans nous avoir prodigué ses derniers conseils : que Madame passe devant avec la Renault et surtout ne s’arrête pas si Monsieur est bloqué avec le camping car…

Voilà qui nous met en confiance.

Halte dans un parking pour y préparer le Ford : il s’agit de décoller les scellés posés sur les ouvertures par la brigade anti narcos, dont l’adhésif est conçu pour laisser des traces lors de l’arrachement. Nous avons prévu le coup, amené le solvant qui va bien, mais il faut frotter..

Il nous faut aussi remonter le coffre extérieur, démonter les blindages de fenêtres, et faire comme si.., en remplissant le frigo, et le sac à linge sale ( ! )

Une bonne heure de boulot, et nous voilà prêts pour tenter une sortie.

Agnès s’engage vers le poste de contrôle, je laisse passer quelques véhicules et la suit. Elle efface la guitoune sans s’arrêter, devant un douanier indifférent.

A mon tour, je marque un léger arrêt, très léger, jette un coup d’œil vers le douanier, qui manifestement s’en tape, passe la première, et file..

Nous sommes enfin dehors, soulagés, mais curieusement un peu frustrés : tout ça pour ça ! La rigueur allemande n’est plus ce qu’elle était….

Il ne nous reste plus que 1500km à faire, à travers l’Allemagne, les Pays bas, la Belgique, puis la France, pour rentrer à la maison.

Quand repartirons-nous ? Et vers quelle destination ? Trop tôt pour le dire, mais nous espérons que vous serez encore avec nous pour partager paysages, découvertes, émotions et rencontres.

Hasta Luego

Patrice & Agnès

 

 Suze la Rousse

Jeudi 19 mars.

Mais quelle drôle d’idée qu’un récit de voyage en période de confinement !

Quelle mouche le pique ?

Et bien deux trois raisons :

Parce que le clavier me démange. Ce ne sont pas mes petits camarades du Bureau de CINEBOL qui me démentiront : ils sont courtois, ils ne protestent pas encore devant l’avalanche de messages dont je les bombarde, mais ça me pend au nez.

Parce que on ne peut pas regarder les chaines d’infos en boucle.

Parce qu’on ne peut pas pleurer toute la journée sur notre retraite qui se barre, nos économies qui fondent, notre assurance vie qui s’évapore, nos artères qui se bouchent et nos articulations qui coincent.

Parce que cela peut constituer un lieu d’échanges, et permettre de créer du lien dans une petite communauté, un peu plus large que le cercle familial, dans ces circonstances anxiogènes

Et parce qu’il faut penser à nos ami (e)s confiné (e)s, parfois seul (e)s, et qu’un peu de distraction, sans prétention, peut les aider à passer un moment

Nous sommes donc, toutes et tous, partis pour un voyage dans un continent inconnu, le confinement.

Je vais essayer, voyageur bavard, de vous transmettre, comme d’habitude, nos impressions, nos émotions, et parfois nos colères. Il y aura moins de photos que d’habitude, moins de rencontres, on s’en doute, mais plus de prises de position. A chacun ( e)  de réagir, la partie commentaires est faite pour ça.

Bienvenue à bord donc. N’en veuillez pas trop à l’agence de voyage qui l’a organisé, elle a négligé les équipements de sécurité, mais c’est gratuit, ouvert à tous et sans formalités d’inscription !

Je jette un œil en même temps sur « C dans l’air » On peut y entendre le Dr  Hamon, président d’un syndicat de médecins qui déverse un tombereau d’imprécations sur ces irresponsables qui nous gouvernent, incapables de fournir des masques!

On peut comprendre sa colère car il est contaminé, mais quand on lui demande comment il l’a été, il précise qu’il disposait bien d’un masque lors de sa visite chez un patient infecté, mais qu’il l’a mis trop tard !  Son message devient tout de suite un peu moins convaincant…

Comme sont peu professionnels tous ces journalistes qui, interrogeant experts auto proclamés et politiques retors veulent leur souffler leurs réponses : ne pensez- vous pas que … ? est ce que vous êtes préparés à faire du tri entre ceux qui seront soignés et les autres… ?

Bien sûr qu’ils trieront, ils n’auront pas d’autre choix, alors pourquoi, d’avance , vouloir faire pleurer Margot?

Mais revenons aux masques, ici, comme ailleurs, c’est la pénurie.

Avec le dévouement, la compassion et l’énergie qui la caractérisent, Agnès s’est jetée dans la confection de masques en tissus. (Il faut que je soigne son égo, nous sommes confinés..)

Clémentine lui a trouvé un tutoriel, j’en communique l’adresse pour ces messieurs dames experts en couture. Je dis messieurs sans beaucoup d’illusions, mais je veux éviter les remarques de René et des suffragettes de CINEBOL sur mon machisme latent.

Adresse du site, donc :

https://moman-imparfaite-com/2020/02/coudre-un-masque-de-protection-tuto-couture-1/

Le principe est simple, il faut insérer un tissu quasi imperméable, le bul (?), entre deux étoffes, coudre en forme et rajouter des élastiques de fixation.

Le bul étant introuvable actuellement, on peut, et ce qu’a fait Agnès, utiliser le textile imperméable constituant les protège matelas. On y a sacrifié les alèzes des lits d’enfants, gare aux prochains pipis au lit..

Principe simple donc, mais mise en œuvre longue, Agnès est clouée sur sa machine depuis trois jours.

On peut quand même choisir son style: pour sa première production, Agnès a privilégié les petits pandas. Nos petites filles ont adoré.

Normalement on ne publie pas de photos d’enfants sur internet, mais ce blog est privé et tous ses lecteurs de confiance, non ? Et on a l’accord des parents.

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Elles sont mimi, Lou, l’ainée est tout le portrait de son père, Emma, celui de sa mère, et les masques leur vont à ravir.

Côté pandas, Eulalie, notre cadette, 33 ans déjà, a aussi aimé. Par contre elle l’a mis à l’envers, la pointe en bas, au motif que, sinon, les pandas auraient eu la tête en bas ! ( ne nie pas, on a les photos )

C’est bien la peine qu’on lui ai payé, fort cher, des études supérieures pour un tel résultat ! Et pas étonnant alors qu’un pays dirigé par des énarques ne soit pas capable d’avoir les stocks de sécurité indispensables..

J’arrête de la charrier : il faut surtout y voir l’absolue confiance qu’elle a dans la rigueur et le sens de l’esthétique de sa mère qui, en temps normal ne transige pas avec les principes. Mais là, la nécessité d’économiser la matière première et l’urgence du besoin ont eu raison des contraintes décoratives, les pandas ont donc parfois la tête en bas. D’ailleurs, maintenant, elle est passée aux rayures.

Agnès a confectionné une quarantaine de masques, les a distribués aux infirmières libérales, ravies car démunies, et aux commerçants. Plus réservés au début, ceux là, car ils craignaient d’effaroucher leurs clients. Depuis, ils s’y sont mis, sauf la boulangère, qui a fait le masque, si j’ose dire : « c’est pas légal… »

On ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif, selon le bon sens populaire.

La fromagère, elle, s’est étonnée qu’Agnès lui en propose gratuitement et, en retour, lui a offert un demi- Maroilles.

Un Maroilles ! A Suze ! Et à une lilloise en plus ! (Authentique, je n’aurais pas pu l’inventer..)

J’y vois une preuve de plus des ravages de la mondialisation.

Macron ayant annoncé des mesures de rupture pour lutter contre le phénomène, j’espère qu’il interdira la commercialisation du Maroilles au-delà d’un rayon de 50 km autour d’Avesnes sur Helpe : il faut privilégier les circuits courts.

Redevenons sérieux : le Maroilles est une des manifestations du génie humain. J’aurais voulu écrire « français », mais le nationalisme se porte mal en ce moment. Pour les croyants, c’est une preuve de l’existence de Dieu.

Alors, pour la fête de réouverture du cinéma, il y aura une énorme tarte au Maroilles, mais il faudra pouvoir la réchauffer : il faut que ça sente, et fort.

A très bientôt, et restez au chaud.

Suze la Rousse. Dimanche 22 mars.

Merci pour tous vos commentaires, on est heureux d’avoir ainsi des nouvelles.

L’impatience mentionnée par certain (e)s  à la suite de la 1° publication me donne le trac : il va falloir assurer !

Et si la crise dure, à, mettons, deux éditions par semaine, ça fera une douzaine de textes à produire. Serais-je en capacité de maintenir l’intérêt sur la distance ?  (Avez-vous remarqué ? je pratique la novlangue : plus personne ne dit « je suis capable de.. », mais affirme « je suis en capacité de.. »  ça doit être performatif, comme on dit aussi beaucoup aujourd’hui)

L’avenir le dira. Une chose est sûre, personne ne m’y a forcé. Et lorsque je partirai en vrille, pas de doute, j’aurai des réactions.

De toute façon, cela sera toujours sous le contrôle de ma commission de censure : Agnès a en effet, malgré son indulgence à mon égard, et grâce à (à cause de ?) une mère instit et une éducation catho, une grande intuition sur ce qui est convenable. Je ne publierai rien sans son imprimatur, et ça me permet de diluer ma responsabilité..

Un petit rappel avant de commencer. Pour ceux qui se demandent où est ce foutu bled de Wuhan, vous pouvez vous référer à l’article « 2015 -06-26 – Chine Hunan et Hubei » de ce même blog. Nous y avions vécu une expérience gastronomique instructive. Heureusement, pas du pangolin !

Revenons aux masques : Agnès a poursuivi sa tournée chez les commerçants, et le receveur des postes lui en a demandé pour toute son équipe. Dix facteurs à équiper ! ça promet encore quelques heures, courbée sur la machine. Elle en aura confectionné en tout 60 …

On attend avec impatience le prochain passage du préposé : dans une voiture jaune, un bec de canard blanc sur un uniforme bleu, ça va être croquignolet. Et il ne faudra pas qu’ils se plaignent, ils auront échappé aux pandas roses !

Dommage que les élections soient passées. Avec la notoriété qu’elle vient d’acquérir, Agnès aurait été élue au premier tour. A propos d’élections, à Suze, une liste d’opposition, menée par un parfait inconnu, huissier qui plus est, a recueilli 49% des voix. Faut-il que les sortants aient été à ce point mauvais, sans vision et surtout préoccupés de bonifier leurs terres agricoles en les rendant constructibles, pour susciter aussi peu d’envie…

Pour revenir à l’actu anxiogène, vu il y a trois jours dans « 28mn », sur Arte, une interview de René Fregni. Ce visiteur de prisons, promoteur de la littérature auprès des détenus, nous a fait découvrir une réalité ignorée : les détenus ne supporteraient l’enfermement que grâce à quelques petits câlins glanés lors des visites, et surtout aux chichons du soir procurés par leurs familles.

L’interdiction des visites, imposée récemment en raison des risques de contamination, entraine non seulement l’arrêt de l’apport de linge propre (j’ignorais d’ailleurs que c’était à la charge des familles), mais aussi de l’approvisionnement en cannabis. Selon lui, le manque, puis les insomnies à venir provoqueront sous peu une explosion de violence comme on en a rarement vécue. Glaçant ! C’est d’ailleurs ce qui s’est produit en Italie.

Les autorités en sont conscientes. Le « Monde » d’hier nous informe des actions en cours au niveau de la chancellerie pour désaturer les prisons, en limitant pour les petites peines, les incarcérations et en anticipant les libérations. L’extrême droite va brailler !

N’empêche, sur 72 000 détenus en France, 46 000 sont dans des cellules qui regroupent 3 à 4 détenus, et près de 1700 dorment sur des matelas, au sol.

Un système de santé en déroute, une magistrature harassée, une administration pénitentiaire impuissante, des instituteurs sous- payés, des flics à qui on ne règle pas les heures sup , et le taux de prélèvements obligatoires le  plus élevé de l’OCDE . Comment en est-on arrivé là, dans la 6° puissance économique du monde ?

Que ceux qui ont des idées, m’expliquent, je suis preneur.

Allez, la télé n’est pas toujours aussi inquiétante, elle offre aussi de jolis moments. La nuit dernière, mais à 3h du matin, une bio de Jean Ferrat. J’avais oublié à quel point ses chansons étaient belles et sa voix prenante. J’ignorais également qu’il avait été marié à Christine Sèvres, chanteuse réaliste des années soixante. On a pu la voir interpréter une chanson que je n’avais jamais entendue en entier, mais que notre père fredonnait, faux, quand nous étions enfants, sans jamais parvenir à dépasser le 1° refrain : « faudrait voir à pas mélanger les torchons avec les serviettes… »

Et surtout, un cadeau, ces quelques vers du moustachu, qui vous chatouillent la nostalgie :

Faut-il pleurer, faut il en rire ?

Faut il en rire ou en pleurer ?

On n’a pas le cœur à le dire

On ne voit pas le temps passer..

 

Bon. Ce n’est pas ça qui nous ramènera le sourire. Alors on va changer de registre :

Hier matin, nous avons franchi une étape dans les mesures de rétorsion vis-à-vis des infractions aux règles de confinement.

Cela fait des années que les poules du voisin s’autorisent des incursions dans notre jardin.

Il faut que j’explique, pour celles et ceux qui ne connaissent pas « la Garriguette » : isolée, à 500 m du premier voisin, nous l’avons achetée à un agriculteur, qui y élevait des autruches, des volailles et des cochons. Il y avait aussi un labo, dans lequel il transformait, pour la vente directe, sa production.

Après nous avoir vendu la ferme, il s’est exilé à deux kilomètres, puis ayant connu quelques déboires, est revenu installer son exploitation dans la parcelle mitoyenne. Nous n’avons pas protesté, nous sommes, on l’a dit, partisans des circuits courts

Plus court, tu meurs : nous voisinons avec ses volailles, et un peu plus loin, avec les cochons dont la production a été reprise par son fils. Pas de problèmes d’odeurs heureusement, le vent vient rarement du sud dans la région.

Ce ne sont pas des « patta negra », dommage, mais la charcuterie est excellente. Philippe le sait bien, qui vient parfois se faire payer un café quand il effectue, le vendredi matin, sa recharge en cholesterol.

Pas des patta negra, donc, mais ça doit être une variété de cochons baladeurs, les plus espiègles venant de temps en temps creuser leur bauge dans notre gazon, ça agace.

On a même vu une truie et ses douze petits défiler devant nos fenêtres pendant un repas de noël. Et on n’a pas pu, alors, leur montrer ce qui les attendait : cette année-là, ce n’était pas « jambon braisé au champagne » mais « oie farcie aux truffes ».

Jérémy, le fils, est tellement adorable, et courageux, qu’on ne saurait se fâcher avec lui. On a donc, pour éviter les chicayas, déployé des mesures « barrière » et installé une clôture électrique modèle « sangliers », ça les a calmés.

Quant aux pintades, c’est bien connu, ça gueule tant que ça peut. Alors, à 8 heures quand on se met à la fenêtre pour applaudir les soignants, tout seuls dans notre campagne, il n’y a qu’elles pour se joindre à nous. On leur en est reconnaissants.

Mais les poules… Rien ne les arrête, elles gratouillent dans nos plates- bandes, arrachent les fleurs. On a longtemps supporté, on en a rebalancé des dizaines, pialliantes, par-dessus les clôtures, Bonjour chez vous !

Cependant, maintenant, elles risquent de saloper notre béton. (Quel béton ? On en reparlera, il faut que je garde de la matière pour la suite)

Rétorsion donc. Il faut sévir, faire un exemple, et ce matin, j’ai choppé une récidiviste.

J’en profiterai, en préparation d’un confinement extrême, pour remplir le congélo.

Attention, le passage qui suit contient des scènes d’une violence insoutenable qui risquent de heurter les personnes sensibles. Elles sont déconseillées aux femmes enceintes et interdites aux moins de 16 ans.

Il m’a fallu retrouver des gestes séculaires. Passer et repasser la lame du couteau sur le fusil, en tester le fil sur le pouce, chercher les carotides, trancher, le geste, faute d’expérience, trop imprécis, puis m’écarter rapidement.

Ensuite ébouillanter, plumer, le duvet colle partout, et vider la bête. Là je ne détaille pas, c’est une sensation dégueulasse.

Griller les piquots qui résistent, laver, puis égoutter avant d’emballer. Laisser trois jours au frigo avant de congeler.

Un conseil, pour celles ou ceux qui voudraient pratiquer sur leur balcon : lier les pattes, les ailes si on peut, mais c’est plus difficile. Sinon, comme on dit à Valenciennes, ça espitte…

 

Hélas, une fois déparée de son plumage, la pauvrette était un peu maigrichonne.

Je ne voudrais pas que cette dernière formulation, sans doute excessivement teintée d’anthropomorphisme, ne suscite de douteuses interprétations.

Je rappelle que ceci est une fiction, et que toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé, est purement fortuite.

Et si d’aventure, des lecteurs ou lectrices pinailleurs (euses) venaient à m’objecter qu’il s’agit forcément d’une réminiscence d’une expérience vécue, et s’ils (elles) insistaient beaucoup, alors j’avouerais sans doute que, en un temps très lointain, celui de l’adolescence où la peur de manquer pousse à faire feu de tout bois, alors là, oui, peut être…

Mais, comme l’affirmait le cardinal Barbarin, grâce à Dieu, c’est prescrit…

Et puis merde, les filles maigres, elles aussi, ont aussi droit à l’amour !

Agnès se demande si je n’ai pas fumé de la moquette. Vous aussi sans doute, mais moi, je vous avais prévenu que ça partirait en vrille. Le confinement….

 

Suze la Rousse.  Jeudi 26 mars.

Merci de tous vos messages, c’est fort agréable de recevoir des nouvelles et des compliments, mais, s’il vous plait, n’oubliez pas de signer, le système ne permet pas toujours d’identifier l’auteur du commentaire…

Agnès continue à fabriquer des masques, mais à un rythme moins soutenu : Il faut dire que tous les commerçants et les facteurs sont maintenant équipés, la demande s’est tarie.

Et il y a peut- être de la concurrence. Chacun s’y met, la créativité se libère : on a vu, sur internet, des couples partager un soutien-gorge et se coller les bonnets sur le museau. Pourquoi pas, au fond, mais si madame s’épanouit dans des bonnets H, il risque d’y avoir des problèmes d’étanchéité.

Et même les entreprises de textile s’y mettent : la société « Le Slip Français » a lancé des productions, on espère qu’ils ne se tromperont pas d’emballage.

Plus important : nous avons découvert dans le « Canard enchainé » de cette semaine, la cause de la pandémie : le frère de Tariq Ramadan, cul béni et bas de plafond comme il en existe (trop) dans toutes les religions, a affirmé que c’était un châtiment divin, punition du comportement débauché des sociétés occidentales, perverties par le stupre et la fornication. Il faut dire que, vu le parcours judiciaire de son frangin, il sait de quoi il parle.

Et donc la prochaine pandémie sera à la hauteur du péché : un SIDA +++

On n’ose imaginer les équipements de protection que nous tricoteront les cousettes à domicile.

Bon, ça, c’est fait…C’était ma petite revanche sur Clémentine. La génétique est implacable : instit, et donc normative, comme sa grand-mère, elle a décidé de me mettre sous tutelle. Si on la suit dans cette voie, encore un écart, et c’est la camisole !

Heureusement, vous m’avez défendu. Surtout Josette, qui, par ses brillants articles de voyage m’a donné envie de l’imiter. Josette, une fois déconfinés, je viens te faire la bise !

 

J’ai intitulé ce babillage « Nostalgies » et pas « Gaudriole ». Il faut donc que je me reprenne.

Nostalgies car j’ai constaté que l’épisode de la poulette avait fait surgir, chez certaines d’entre vous, des souvenirs lointains, et l’émotion qui va avec. Il ne faut pas gratter très longtemps la carapace pour retrouver l’enfant que nous avons été.

L’enfance pour nous, ça a surtout été « Brétoche », la bicoque que notre grand père avait construite, pièce par pièce, je devrais dire parpaing par parpaing puisqu’il les moulait unitairement, à la sortie de la guerre, à Brétigny sur Orge, une trentaine de km au sud de la capitale. Habitant Paris, nous y allions, en famille, passer les longs weekends et les vacances, au « bon air ».

Il fallait nous voir, le soir tombant, au débarqué du train, traverser vaillamment « la plaine », vaste étendue consacrée aux plantations multicolores du semencier « Lucien Clause », les gamins et les mamans chargés de balluchons, les hommes portant, reliées par une ceinture, les valises sur l’épaule, tous chantant « les gaulois sont dans la plaine.. » ou « 1km à pied, ça use, ça use.. », avant d’atteindre, à 4 km, la maison, et son odeur si particulière après une longue fermeture.

La nostalgie, ce n’est pas cultiver le conservatisme réactionnaire du « c’était mieux avant », ce qui n’était évidemment pas le cas au vu de ce qu’ont vécu nos parents et grand- parents, dans un siècle qui enchaina guerres mondiales et coloniales, mais c’est revivre les moments heureux et l’insouciance de l’enfance, c’est retrouver l’acidité sucrée des « Mistrals gagnants »

Il m’est difficile de comprendre aujourd’hui comment nous parvenions, la dizaine d’adultes et les 8 cousins, à tenir autour de la table. Quand nous retournons, rarement, à Brétigny, la pièce principale, dont les meubles n’ont pas changé depuis, parait tellement petite et encombrée !

Pour le couchage, c’était plus simple : on déployait les lits pliants, et après un chahut joyeux, les marmots y dormaient tête bêche. Quant aux adultes, s’ils parvenaient à trouver le sommeil, c’était le dos ruiné par les matelas défoncés et les sommiers d’un autre âge.

Nous nous régalions de la cuisine de notre grand-mère, en particulier les plats italiens des jours de fête. Les raviolis « maison », à base de ricotta et d’épinards, que l’on se chamaillait pour découper à la roulette de bois, et surtout la polenta, d’une simplicité absolue, mais qu’il fallait mériter, au prix de 3 heures de cuisson, car à l’époque la semoule de maïs précuite n’existait pas.

Pas question d’arrêter de tourner le rouleau de bois qui permettrait de limiter la formation de la croûte, en fond de marmite. Limiter, pas éviter, car c’était impossible, inhérent au procédé, et il fallait donc se relayer, les bras rompus, pendant l’opération.

Puis, consistance atteinte, déverser la masse sur la large planche qui garnissait la table, l’étaler au rouleau, la napper d’une mince couche de sauce tomate, avec des cèpes les grands jours, quand on en avait reçu d’Italie, la saupoudrer de parmesan, prédécouper des rectangles, et ensuite, à l’attaque : chacun, armé d’une fourchette, s’efforçant d’engouffrer au plus vite la portion devant lui, c’est dur, quand on rit de plaisir, avant d’attaquer, en douce et en détournant son attention, celle du voisin…Le nirvana de la convivialité…

On était, on l’aura compris, chez les ritals. Maçons, plombiers, manutentionnaires aux halles, leurs épouses élevant la marmaille, faisant des ménages, les Leonardi, frères et sœurs, cousins proches, chassés par la misère, avaient choisi la France après la grande guerre, celle de 14. Bien que regroupés, faisant « communauté », pour mieux affronter les angoisses du déracinement, ils n’avaient pas totalement coupé les ponts avec le pays, mais décidé l’intégration.

A aucun de leurs enfants ne fut donné un prénom italien, aucun ne parlerait la langue de leurs pères. Mais leur génération garderait ses recettes de cuisine, continuerait à pratiquer la « briscola » jeu de cartes aux règles qui me resteront mystérieuses, à entonner en chœur, à la fin des repas de fêtes, la « Mazzolina dei fiori », les ténors se surpassant au final dans les contre-chants, et à utiliser quelques expressions dialectales, qui ne ressurgissaient que dans de rares circonstances, toujours les mêmes.

Qui pourra traduire « a basen ! », répété crescendo lorsque la boule de pétanque inexorablement, se rapproche, et arrachant le point, s’immobilise enfin, à touche-touche du bouchon ?

Car, à Brétoche, il y avait un terrain de boules, où notre grand père entrainait les hommes, pas toujours enthousiastes, à l’heure de la sieste, et pour les femmes, celle de la vaisselle, chacun sa place quand-même, on était bien chez les ritals !

Il y avait du progrès d’ailleurs : à ce qu’on nous disait, du temps des arrières grands-parents, la nonna restait debout pendant le repas du patriarche, attentive à le servir.

Nous, les gamins, aux boules, on tenait l’ardoise pour compter les points.

Et, les jours de canicule, les baignades dans l’Orge, vélos abandonnés sur les berges, dans les hurlements de rire et les éclaboussures…

Si nous nous sentions plus proches de nos grands-parents maternels que de notre « papé » provençal, c’était, bien sûr, parce que la distance nous le rendait plus étranger, et parce que, ayant eu 11 enfants et une ribambelle de petits enfants, il ne pouvait, sans doute, être aussi attentif à chacun.

Ils étaient, eux, toujours présents, d’une gentillesse infinie et d’une simplicité absolue. En témoignent ces souvenirs si personnels que, sans le confinement qui favorise l’introspection et l’impudeur, je ne les aurais sans doute jamais partagés : le jour de ma communion, sans malice, je racontai à mon grand- père qu’un de mes camarades avait reçu une montre en cadeau. « En veux tu une ? », me dit- il en débouclant son bracelet et me tendant la sienne, …Je l’ai conservée longtemps.

Quant à ma grand-mère, alors qu’étudiant, je logeais chez eux durant un travail d’été que mon oncle, détaillant en fruits et légumes, avait eu la gentillesse de m’assurer, et avec qui je connus des moments inoubliables, les chaudes nuits d’août, dans ce monde nouveau pour moi, le marché de gros de Rungis, ma grand-mère donc, qui me proposa de recoudre un accroc que j’avais fait à un vêtement.

Elle me le rendit, résultat pas terrible avec ses mains déformées par l’arthrose, en me disant, dans son français mal maitrisé : « j’ai fait ce que j’ai poulu »

La larmichette me vient.

Alors, pour retrouver bien vite le sourire, une autre histoire de nostalgie, pour les amoureux de cinéma :

Me revient en mémoire, un journaliste télé conduisant, à une heure de grande écoute un entretien avec Jean Rochefort, au soir de sa vie, et qui le questionna, avec l’onctuosité d’un Jacques Chancel :

« Après une centaine de films, réalisés par les plus grands, avec les plus séduisantes actrices, auriez- vous, cher Jean Rochefort, des regrets ? »

Et le vieux brigand, yeux malicieux et moustache frissonnante, de répondre :

« Oh que oui ! Je regrette mes érections de jadis »

Même hors des périodes de confinement, les journalistes peuvent connaitre des grands moments de solitude….

A très bientôt

 

 

 

Suze la Rousse.  Vendredi 03 avril.

J’avais dit : deux chroniques par semaine, mais je n’ai pas tenu le rythme. Aussi j’ai eu des reproches, il va donc falloir que je me rattrape.

« I banbini son l’allegria da ca. » comme disait ma grand-mère. Les enfants amènent la joie dans la maison. Où l’on verra que ça n’est pas toujours vrai….

Et d’abord, des nouvelles du front. Agnès s’est remise au turbin : après avoir accosté un gradé de la gendarmerie sur un barrage (drôle d’endroit pour une rencontre !) elle a proposé ses services, avec succès : elle a équipé toute la brigade de Suze.

Il a fallu se mettre d’accord sur le modèle. Elle leur a proposé un coton bleu légèrement passé, très tendance, et très adapté, car les bébés pandas sur fond rose, pour des pandores, ça ne l’aurait pas fait.

Et une coupe ajustée, seyante mais fonctionnelle, avec des poches plaquées pour ranger le sifflet. Non, là je galège, elle l’a joué efficace, il fallait aller vite et elle n’a pas eu le temps de broder les galons, ni la petite grenade à 7 flammes, en fil d’argent, c’est la territoriale.

Ils ont fait avec…

Et ensuite, elle a fourni le service déchets de la Communauté de communes, car les éboueurs étaient démunis. Eux, ils n’ont pas eu le choix du coloris. Elle doit en être aujourd’hui à une centaine de pièces.

Rien que pour ça, il est temps que ça s’arrête ou je vais me joindre à, la meute : « Où sont les masques ? Que fait le gouvernement ? Vite, une commission d’enquête ! Vite, la Cour de Justice » Au parlement, ça gesticule comme chez Guignol. Moins ils sont nombreux dans l’hémicycle, plus ils gigotent. On a les revanches qu’on peut…

Revenons au sujet.

7 juillet 2005.

Eulalie est à Londres, pour un séjour linguistique. A bientôt 19 ans, il y a longtemps qu’elle ne part plus en vacances avec nous, mais on a quand même tenu à ce qu’elle ait des vacances « utiles », obsession familiale, sans doute. Petites, nos filles ne partaient pas sans cahiers de devoirs de vacances dans leur valise.

Dans la matinée, nous sommes informés qu’une série d’attentats a ensanglanté Londres. Des bombes ont explosé au même moment dans trois rames de métro, puis une heure plus tard dans un bus, causant la mort de 55 personnes et blessant des centaines de voyageurs.

Longs moments d’angoisse, jusque à ce que nous parvenions, enfin, à joindre Eulalie, dans les locaux de l’université où ont lieu les cours.

Elle y restera confinée (déjà !) toute la journée. Le soir, elles rentreront à pieds, une heure 30 de marche quand même, tout le réseau est à l’arrêt. Le lendemain, certaines de ses camarades refuseront ce moyen de transport. Une autre, voyant un sikh en turban dans le wagon, et le prenant sans doute pour un islamiste, connaitra une crise d’angoisse et devra quitter la rame en vitesse. Pour l’anecdote, elle a fait du chemin depuis en politique, elle est devenue la suppléante de Christian Estrosi. Il faut espérer que son jugement s’est affiné entre temps…

En Angleterre, le climat s’est alourdi, mais les cours sont maintenus.  A son retour, nous irons l’attendre à Lille Europe, et en avance, d’impatience sans doute, on s’installera dans une brasserie. L’Eurostar, parti de St Pancrace, est en approche quand une escouade de flics vient s’engouffrer dans la gare, et nous fait évacuer les lieux : alerte à la bombe !

Malgré l’alerte, le train ne sera pas stoppé, et s’arrêtera le long de quais vides. Eulalie, que l’on tient informée par téléphone, nous dira, dans un murmure : si on ne se revoit pas, je vous aime..

A l’angoisse, elle aura rajouté l’émotion.

Avril 2009.

Eulalie est à Mexico pour 6 mois, dans une association de commerce équitable. Elle a fait une année de césure pendant ses études, qu’elle a décidé de scinder en trois périodes. Après 5 mois de stage en Equateur, puis Mexico, elle terminera par un job d’été à Londres.

On l’appelle, car ici, les médias annoncent les prémisses d’une épidémie de « grippe porcine » : le virus H1N1 vient de provoquer les premiers décès au Mexique…Elle comprend alors pourquoi beaucoup de monde, tout soudain, s’est mis à porter un masque, elle n’en savait rien.

Et quand le 1° ministre, commentant cette épidémie, est informé d’un tremblement de terre, oubliant qu’il est en direct, il s’exclamera : putain ! il ne nous manquait plus que ça..

Elle décide très vite de quitter Mexico, pour se réfugier à Queretaro, 200km au nord. Elle y a des amis, y ayant passé un semestre d’études universitaires. Etudes, façon de parler, car, si elle a clairement travaillé son espagnol, pour le reste, il semblerait que ce soient surtout les programmes touristiques et festifs qui aient été approfondis. Mais bon, dans les écoles de commerce, on insiste sur la capacité à se constituer un réseau. Sur ce plan, ça a l’air réussi…

Elle y retrouve donc ses potes, et une bande d’étudiants de tous pays. Et quand les universités qui les ont envoyés annonceront leur rapatriement, ils décideront de rester, par solidarité. On n’abandonne pas les camarades face à l’ennemi, même invisible. No pasaran !

Pendant ce temps- là, à l’arrière, nous, on se ronge, on envoie des masques, du Tamiflu qu’on s’est procuré, chut, en douce. Mais le colis n’arrivera jamais à sa destinataire…Il aura profité à quelqu’un d’autre.

L’épidémie s’éteindra au Mexique, après avoir affecté 5500 personnes, ne tuant que (!) 89 personnes, selon les chiffres officiels de l’époque. On signerait aujourd’hui pour ça !

Pas étonnant que Roselyne Bachelot se soit fait piéger avec ses millions de doses de vaccin et son milliard de masques. On l’a crucifiée, mais plus d’un, aujourd’hui, se réjouit de bénéficier des résidus du stock, même périmés.

Quelques semaines plus tard, Eulalie est à Londres. Elle loge dans un coin prolo, en coloc avec une équipe de chinois et une néo-zélandaise, chez un « marchand de sommeil » qui se fait payer cash à la semaine, elle a toujours eu un petit côté Arlette Laguiller.

Mais le virus l’a précédée, l’épidémie se répand dans Londres et gagne le quartier indo-pakistanais. Elle ressentira vite les premiers symptômes, mais ça n’affole personne, ses colocs ont été contaminés avant elle, n’ont rien dit, et se portent bien. Et elle pourra bénéficier des grandeurs du NHS, le système de santé britannique, ruiné par la mère Thatcher et ses descendants conservateurs : impossible de consulter un médecin, il faut aller sur internet s’auto diagnostiquer, et obtenir une prescription standard…

Elle s’en remettra vite, mais au vu de tout ce qui précède, elle mériterait le surnom de « La Scoumoune »

Elle est actuellement confinée à La Ciotat avec Thomas. N’allez pas par-là, on ne sait jamais…

 

Quant à Clémentine, Paul et elle ont décidé, rapidement, de se marier. Rapidement n’est peut-être pas le bon mot, puisqu’ils vivent ensemble depuis 10 ans et ont deux filles, mais comme nous avons vécu la même chose pendant 18 ans, ça nous parait rapide. Date de la fête : le samedi de Pentecôte.

Vu la brièveté de l’anticipation, ils n’ont pas trouvé de salle de réception disponible alors, dans ma grande inconscience, j’ai proposé notre hangar au motif que j’avais prévu d’y faire couler une dalle de béton. (Le béton ! Jacqueline, ça vient…). Ça a surpris, il faut croire que je n’en avais parlé à personne.

Sauf qu’un hangar agricole, même avec un sol tout neuf, ça n’est pas une salle de mariage : il a fallu le vider, et d’une, avec une douzaine de voyages à la déchetterie, remorque pleine. C’est fou ce qu’on entasse en 15 ans. Il y avait même deux ou trois cartons jamais ouverts depuis notre déménagement.

Il faudra le nettoyer, le peindre (ça, c’était pas prévu..), amener l’électricité, l’éclairage, rénover la distribution : il ne s’agit pas que tout saute quand le D.J. mettra le paquet !

Et pour commencer, faire la dalle. Le terrassier a tout remis de niveau, le maçon terminé son ferraillage.

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Et la centrale à béton a fermé ses portes, pour cause de confinement.

Depuis, on attend. Clem et Paul ont dû annuler le mariage. Ça a été un moment difficile, mais c’était la seule décision raisonnable, ça leur a au moins permis de cesser de vivre dans l’incertitude et de se projeter dans l’avenir. C’est repoussé d’un an, comme les jeux olympiques…

Ça aura au moins l’avantage de nous permettre de fignoler l’aménagement du jardin, qu’on avait un peu négligé pendant nos tribulations andines, ces jeunes gens ayant des idées très précises pour l’agencement de la cérémonie.

Et, inspirés par Clémentine qui s’est convertie au bio,  on s’est mis à la permaculture. Hier nous avons planté des Charlottes, on s’entraine à l’auto- suffisance, si ça durait.

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Agnès a fait un pain, il est magnifique, et aussi bon que beau.

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Et puis, on va essayer de répondre aux deux questions existentielles que se posent tous les français en ces temps d’incertitude :

Qu’est-ce qu’on mange aujourd’hui ?

Qu’est-ce qu’il y a à la télé ce soir ?

La prochaine fois, je vous expliquerai pourquoi j’ai montré mes fesses à un légionnaire….

 

D’ici là, restez au chaud…

 

Suze la Rousse.  Jeudi 09  avril.

La situation empire à Guayaquil, si jolie ville d’Equateur où nous avions séjourné en novembre. Selon « Le Monde » on ne parvient plus à évacuer rapidement les corps des victimes, qui restent sur les trottoirs dans les barrios surpeuplés, où le confinement est une vue de l’esprit.

Si la pandémie semble proche de son apogée en Europe, ce qui nous rapproche à grands pas de jours meilleurs, le pire reste à venir en Amérique du Sud, en Afrique, au Moyen 0rient, dans le continent indien.

Ne reste qu’à prier pour eux, si ça pouvait avoir de l’effet, et rester chez soi.

Quant aux USA, pour imaginer ce qui va se produire, il suffit de se baser sur le contraire de ce que dit Trump. En matière de guignolades, difficile de lutter avec lui.

Qu’un type comme lui soit aux manettes, ça fait froid dans le dos, alors qu’on a besoin de notes d’espoir… Alors, je ferai preuve d’un incurable optimisme en affirmant qu’on a toutes les chances de guérir d’une grave infection pulmonaire, et, je vais me permettre, une fois de plus, de parler de moi….

Début août 2005 :

Demain, je suis en vacances.

Il y a quelques jours, j’ai passé deux journées dans une salle sans ouvertures, avec trois collègues japonais. Nous devons en effet annoncer la fermeture d’une usine en Europe de l’ouest et une grève dure est inéluctable, Pas question cependant d’arrêter une ligne de montage chez un constructeur, en particulier japonais, ça n’est même pas imaginable. D’où la vérification, article par article de l’état des stocks avec chacun des responsables commerciaux concernés.

Il me reste à terminer quelques dossiers, quand une douleur fulgurante me transperce le côté gauche. Impossible de continuer à bosser.

Je quitte le bureau, fonce vers une pharmacie et me gave de paracétamol avant de revenir bâcler le travail, puis rentre à la maison.

Dès le lendemain, consultation. J’explique au toubib que nous avons déplacé des meubles le weekend précédent, que j’ai dû faire un faux mouvement, mais que la douleur est calmée. Il m’ausculte, ne détecte rien d’anormal, et me manipule pour remettre en place ce qui le mérite.

Et nous partons à Suze, retrouver Claire, sœur d’Agnès et Jean. Le jour suivant, une petite ballade au Ventoux s’impose, vu le grand beau temps. Il y a foule au sommet et, je me gare un peu près d’un touriste belge.

Il râle et me le fait savoir. Je précise que c’est un flamand, pour ne pas me fâcher avec mes amis d’outre Quiévrain.

Agnès estime que je me gare toujours comme un pied. Je m’inscris en faux : il m’arrive de bien me garer. Rarement, c’est vrai, mais je ne supporte pas qu’on m’en fasse remarque. D’où ces stimulants débats d’idées qui pimentaient notre vie intellectuelle, aux beaux jours d’avant le confinement. On les regretterait presque..

A peine rentrés, un coup de poignard derrière la clavicule me cloue sur une chaise, je gémis de douleur, et transpire à grosses gouttes. Agnès appelle un médecin, pendant que Jean, douillet pour deux et hypocondriaque, donc expert médical, me répète : « Prends sur toi !  Ça va passer, prends sur toi !»

Quinze ans après, je lui en veux encore.

Le médecin prescrit calmants et antibiotiques, il a diagnostiqué une pneumopathie à gauche et s’en va, en recommandant de l’appeler dans trois jours, pour faire le point.

Je passerai les trois jours suivants allongé sur un transat, sans amélioration : fièvre de cheval, grande faiblesse, semi- léthargie, sans le courage, ni l’envie, de bouger le petit doigt. Effet des médocs ou d’une infection ?

Contacté, le médecin prescrira une radio pulmonaire. On se rend rapidement à Valréas. Je suis dans le gaz dans la salle d’attente, une fois les clichés faits, quand le radiologue arrive en coup de vent : il faut l’hospitaliser d’urgence, il n’a plus qu’un poumon…

Agnès, sur recommandation du radiologue, dégotte une place à la clinique de Nyons, qui aurait un bon service de pneumo, où je suis admis dans l’heure.

Un test rapide de mesure du taux d’oxygène dans le sang révèle immédiatement un taux critique, pas étonnant que je sois affaibli, je n’oxygène plus que sur une patte. Et je frôle les 40°..

La jeune femme médecin responsable du service m’expliquera que j’ai une pneumonie, doublée d’une pleurésie, poche de liquide entre les deux parois de la plèvre. Ils vont donc me garder, en changeant immédiatement d’antibiotiques et en augmentant les doses..

Agnès me confiera, bien plus tard, que le toubib se demandait comment j’en étais arrivé là, et me jugeait dans un état critique, le poumon droit commençant à être affecté.

De mon côté, inconscient de la gravité de l’infection, même pas particulièrement inquiet, je suis satisfait d’être pris en charge. Et les infirmières, accortes forcément, seront aux petits soins …

Je serai brutalement ramené au réel : un grand type efflanqué, le cheveu ras, entre dans la chambre et se présente, avec un fort accent allemand :

Je m’appelle Kurt, je suis votre infirmier…

Celui- là, les premières fesses qu’il a piquées, ce devaient être celles des légionnaires du 1° Régiment Etranger de Cavalerie, à Orange ! Je crains le pire, quand mon tour viendra…

A l’usage, il s’avèrera vite qu’il avait les mains douces, et expertes : dès le lendemain, est prévue une ponction. En attendant, il installe les perfs.

Manque de pot, on est en août et la salle d’op étant en réfection, ils vont devoir faire la ponction à l’aveugle. Je suis assis sur le lit, tournant le dos au médecin et à l’infirmier qui m’enfoncent un trocart entre deux côtes. J’ai évité de regarder le diamètre de l’aiguille, et je l’entends qui guide la toubib

Ils y vont en force, ça résiste, mais c’est moins douloureux qu’attendu. Et, pour échapper à l’épreuve, mes pensées vagabondent, vers cette inversion des rôles, où l’ancien dirige son jeune chef, suprématie de l’expérience sur le grade.

Cela me renvoie au film de Shoendoerffer, « la 317° section » dans lequel Bruno Cremer, adjudant ayant vécu la campagne de Russie en tant que « malgré-nous », seconde, dans la jungle de Dien Bien Phu, Jacques Perrin, incarnant un lieutenant tout juste sorti de St Cyr.

Ce parrainage, dans des organisations très hiérarchiques, est manifestement la reconnaissance de l’expérience, en dépit du plafond de verre séparant des statuts aussi discriminants. Les similitudes entre les deux mondes sont troublantes. D’ailleurs, chez les sous offs comme chez les infirmières, le grade le plus élevé n’est- il pas identique, celui de « major » ?

Et comment ne pas penser, aujourd’hui, à « Hippocrate », ce film très juste, visionné il y a quelques semaines à la télé, où un jeune interne, qui est en permanence « materné » par ses infirmières, ne saura supporter les conflits nés d’un dilemme très actuel : jusqu’à quand faut-il- réanimer ?

On s’est éloigné du trocart, Mieux vaut l’oublier, car la tentative de ponction a échoué : il n’est pas possible de la réussir « à l’ancienne », sans le matériel d’imagerie adéquat. Ça sera dans un autre établissement, mais pas avant une semaine, il faut d’abord faire tomber la fièvre, et trouver un lit disponible, on est en août !

Agnès commencera les allers retours entre Suze et Nyons, et, malgré son inquiétude fera la liaison avec l’entourage. Elle interviendra même auprès du PDG de la filiale française dont je suis salarié, délice des organisations matricielles, afin que mon patron japonais cesse de me harceler.

Il semble qu’avec moi, il soit le seul inconscient de mon état, et ne comprend pas que le personnel d’une de nos usines françaises soit maintenant en vacances, bien que le plan de production n’ait pas été accompli avant la fermeture estivale. Il veut des explications.

Je lui proposerai bien d’aller négocier avec la CGT, il comprendrait ce qu’est une barrière culturelle. Dûment chapitré, cependant, il finira par me foutre la paix.

On percevra peut- être chez moi un poil de ressentiment envers les japonais.

J’ai longtemps pensé que j’ai été contaminé lors de ce huis clos avec mes trois collègues arrivant de Chine. Le SRAS ? Nous sommes deux ans après l’épidémie, ça n’est pas exclu, le virus aurait déclenché l’infection.

Ou bien la maladie du Légionnaire due à la clim ? (Rien à voir avec Kurt, si vous voulez en savoir plus, consultez Wikipedia, je ne vais pas tout vous mâcher).

On ne connaitra pas la cause de l’infection, le traitement massif par les antibiotiques rendant les analyses vaines.

Et la fièvre, ne disparaitra que très lentement. Tous les matins, je suis tellement trempé qu’il faut changer draps, oreillers et cette coquine camisole d’hôpital, de celles qui s’enfilent par devant, sans boutons, et vous obligent, dans les couloirs, à marcher en crabe en rasant les murs, sous peine d’exposer votre postérieur à la curiosité ambiante.

Mais, pour l’instant, pas question de trainer dans les couloirs, j’en suis incapable. Et j’ai perdu 4 kg.

Valenciennes ne peut me recevoir, Douai et Liile idem, les hôpitaux sont en régime de congés. L’ami Lionel, prof de médecine, devra user de son influence pour dégotter une place à Lens. Pourquoi pas ? Vu le passé minier, avec la silicose, Lens, les poumons, ils connaissent.

Et après avoir dûment remercié Kurt, le médecin et tout le personnel, qui a effectivement été, pendant cette semaine, aux petits soins, je me vois embarqué sur une civière, accompagné en ambulance par un infirmier d’Europe Assistance. Très pro, il ne se contentera pas de vérifier sur dossier mes paramètres cliniques, il s’assurera que tension, rythme cardiaque, taux d’oxygène sont corrects avant de me prendre en charge, puis les vérifiera toutes les heures.

Voyage pas désagréable finalement, j’ai de la lecture, et la conversation de l’infirmier, qui assure des missions d’assistance pour changer de la routine, est intéressante. Au bout de la route, l’hôpital de Lens, ce n’est pas la clinique de Nyons, c’est une vraie ville..

La patronne du service m’accueille en personne, Lionel est vraiment très respecté. Elle m’explique ce qui va m’arriver ; ponction, antibios.

Et là je vais faire plus court : branché sur une pompe qui aspire le liquide pleural et  injecte une solution ad hoc, je n’ai plus qu’à attendre la résorption

Mon compagnon de chambrée est un malheureux sous assistance respiratoire, dont la machine fait un boucan d’enfer, et qui regarde en permanence à la télé des niaiseries, son au maxi. C’est vite insupportable.

Ma demande de chambre individuelle surprend, ici on n’est pas en clinique, mais dès le deuxième jour, on me fait une fleur et on déménage le lit de mon voisin, et lui avec….

Je l’entends réclamer, sous son masque, « Ma télé, ma télé ! » Je me sens coupable, je n’avais pas imaginé ce scénario. Je m’en inquiète et il récupèrera vite sa télé.

Les jours s’écouleront lentement, rythmés par les bons moments, les visites d’Agnès, le petit déjeuner, délicieuse régression avec chocolat et tartines de confiture et les moins bons : soirées interminables et longues nuits sans sommeil.

Et, curiosité des hôpitaux du nord, en guise de goûter, un potage de légumes. On s’y fait et, au bout de quelques jours, on l’attend…

Tout le personnel sera formidable de gentillesse et d’efficacité, du médecin à l’aide-soignante, de l’infirmière à la jeune femme qui vient, tous les jours, désinfecter l’ensemble du mobilier. Une exception : les brancardiers, qui déplacent les malades, sur leur lit, d’un service à l’autre.

On me dira : il ne faut pas stigmatiser, ils ont des excuses, c’est un boulot physique, ils sont mal payés et surchargés… Peut-être, mais moi je n’ai vu que des râleurs, se plaignant d’être surmenés au cours de longues conversations de couloir.

Il faut dire qu’il y en a un qui m’a laissé devant la porte du service de radiologie, dans un sous sol froid, sans explication, avec juste une légère couverture. Pause repas ?  J’y resterai plus d’une heure, gelé, source sans doute de mon ressentiment.

D’un autre côté, être de mauvaise humeur, c’est bon signe  !

Et ça s’améliorera doucement: deux semaines plus tard on me laissera sortir avec seulement une légère diminution de ma capacité respiratoire, un mois d’arrêt et des séances de kiné. Pour ça, je suis en de bonnes mains.

La prochaine fois, j’arrête de parler de moi, mais, pour terminer, en témoignage de reconnaissance pour les soignants, d’hier et d’aujourd’hui, et même pour les brancardiers, ces quelques vers de Barbara :

Dans le couloir,
Il y a des anges
En sandales
Et en blouses blanches
Qui portent, accroché
Sur leur cœur,
La douceur de leur prénom.

Pour ceux qui aiment la longue dame brune, je peux fournir les paroles complètes de la chanson « Le couloir  »

A bientôt, et restez au chaud..

 

Suze la Rousse.  Lundi 27  avril.

J’ai longtemps hésité à intégrer dans ces publications une chronique sur les cons : la tâche est immense…

Et comme le dit mon camarade Philippe, on est toujours le con de quelqu’un. Ç’est risqué..

Et puis mon addiction aux chaines d’infos, qui en fournissent abondamment la matière par la variété des cons qui s’y épanouissent, m’a incité à en tenter un recensement.

Je le soumets à la lecture critique de ceux qui ont l’indulgence de me suivre, et sollicite même leur contribution, afin d’enrichir cette modeste tentative d’encyclopédie de la connerie.

Et, pour commencer, hors concours :

Le con primé : Donald Trump, bien sûr, qui à lui seul nourrit les colonnes de la presse internationale. Plus de 16 500 mensonges et contre- vérités énoncées depuis son accession au pouvoir, et on ne compte plus les stupidités. La dernière : pour lutter contre le virus, il suggère une pulvérisation de désinfectant ménager dans les bronches, ce qui a contraint le corps médical et les fabricants desdits produits à publier de vigoureux avertissements pour décourager les amateurs d’auto-médication.

A ce compte- là, pour la prochaine épidémie de gastro, il nous prescrira un lavement au Canard WC..

Je sais, ça commence fort, mais le personnage le mérite…

Le con testé : Jair Bolsonaro, dans le déni absolu, qui continue à serrer des pognes et à prendre des bains de foule, alors qu’au Brésil, on creuse des fosses communes, et que ses ministres, Santé et Justice en tête, quittent le navire gouvernemental.

Les cons disciples : les évangéliques, qui par leur frénésie de contacts rapprochés, leurs communions bécoteuses et leurs séminaires prosélytes ont propagé le virus plus vite que la Bonne Parole, à Mulhouse, ou dans les territoires Navajos.

Et, allez savoir pourquoi, ils sont les plus fidèles supporters, au Brésil comme aux Etats unis, des sus visés, qu’ils ont grandement contribué à amener au pouvoir.

Le con sentant : Ramzan Kadyrov, dictateur tchétchène, qui tient le pays sous sa botte, et règne par la terreur avec le soutien de Vladimir, depuis 15 ans.

Pour vaincre le virus, son truc à lui, c’est l’ingestion d’une décoction de citron, de miel et d’ail. Avec ça, il doit avoir l’haleine fraiche.

Le con plexe : le Professeur Raoult, dont le monde médical reconnait le brio scientifique, mais qui s’épanche à longueur de touiteur et de fessebouc pour faire la promotion de traitements miracles, de méthodologies douteuses et de pronostics hardis,

Et comme il s’estime génial, il montre combien il méprise le vulgum pecus en dynamitant les codes comportementaux et vestimentaires de sa profession: regardez comme je suis grand; j’emmerde les bien- pensant!

Sur ce plan, il me fait penser à Cédric Villani.

Et vous auriez envie, vous, de vous faire soigner par un toubib aux cheveux crassouilles ?

Le con sultant: trop souvent, il sait tout, mais n’y connait rien.

Tel Alain Bauer, ancien Grand Maitre du « Grand Orient de France », ancien conseiller  de Chevènement, Sarkozy et Valls, la belle palette !

Criminologue, expert ès Gilets Jaunes, spécialiste de gestion de crises et devenu aujourd’hui l’expert ès Covid 19 qui déclara, au cours de l’émission « C dans l’air » où il a table mise:  » Dans les pandémies virales, comme celle de l’Anthrax… », ce qui provoqua la réaction exaspérée du virologue présent, le Professeur Chauvin, qui fut obligé de corriger: « l’Anthrax n’est pas un virus, mais une bactérie ».

Le con plotiste: L’hurluberlu, dont j’ai eu la flemme de vérifier l’identité , oui, je sais, ce n’est pas bien, il faut toujours garantir ses sources. L’abruti donc, qui professe, Urbi e Orbi, que le virus est une création humaine, mise au point dans un labo militaire chinois, pour détruire les ennemis de l’Empire du Milieu.

Le con pensateur : Pour une fois, l’espèce est représentée par une femme, Christiane Lambert, patronne de la FNSEA : en cas de sécheresse, elle réclame des compensations, s’il pleut trop, itou.

Le cours du soja monte, il faut compenser, la grande distribution écrase les prix : compensons, compensons, vous dis-je !

Et elle vient de pondre une perle : « les français se remettent à aimer leurs agriculteurs » ! Si elle parle du producteur de légumes bio, du viticulteur qui peaufine amoureusement ses cuvées, de l’éleveur de chèvres qui moule ses picodons à la louchette, c’est sûr.

Mais ce sont surtout les grands céréaliers, les partisans de l’agriculture intensive, les badigeonneurs de pesticides, les bénéficiaires de la PAC qu’elle défend à longueur d’année.

Et eux, on les apprécie moins.

Le con pulsif : Celui là a une idée fixe : tacler le gouvernement.

Prototype : Eric Ciotti, le roquet varois. Sa dernière trouvaille : vouloir démontrer que si des émeutes éclatent actuellement dans les quartiers « difficiles », c’est parce que l’on a libéré des condamnés en fin de peine. Il oublie qu’il y a plutôt moins d’incidents que d’habitude, que, de toutes façons, les « libérables » seraient sortis dans un mois, et que la désaturation des prisons a manifestement calmé les détenus.

Avec son allure à la Mussolini, il veut nous faire comprendre qu’il va, un jour où l’autre, rejoindre Mariani au Front National. Ce n’était pas nécessaire, on le savait depuis longtemps.

Le con sternant : lui, on l’a beaucoup aimé quand il s’épanouissait, aux petites heures, sur France Inter.

7h45, les petites heures, mon œil ! A l’époque, on était déjà en route depuis longtemps, mais aujourd’hui, pour des retraités confinés, 7h45, c’est l’aube.

Les analyses de Jean Michel Apathie étaient pénétrantes, ses jugements équilibrés, ses colères fondées. Trente ans plus tard, sur LCI, il dit n’importe quoi : » pour le déconfinement, les enseignants devront avoir des masques FFP2, sinon, impossible .. ». Comme pour les réanimateurs, exposés en permanence à des charges virales infernales !

Apathie, ou comment contribuer à la confusion ambiante.

Le con tempteur : Jean Paul Hamon, Président de la Fédération des médecins de France,  activiste et défenseur virulent, si j’ose dire, de la médecine libérale: Il affirme, lors d’un débat sur la réforme nécessaire de notre système de santé : « il faudra que l’hôpital arrête de piquer les malades aux médecins de ville ». Entendre ça sans tomber de sa chaise nécessite une assiette digne d’un écuyer du Cadre Noir.

En voilà un qui a bien vite oublié qu’avant de plaindre les médecins de ville, mal payés c’est vrai, il faudrait d’abord pouvoir les consulter.

Les déserts médicaux résultent, certes, d’une politique aveugle de réduction des dépenses de santé, mais surtout des tares de la médecine libérale : numerus clausus, outil d’un paupérisme corporatiste acharné, et liberté totale d’installation.

Les médecins sont héliotropes, comme les retraités (suivez mon regard). C’est peut-être pour ça qu’ils sont concentrés chez le compulsif décrit plus haut, et pas installés là où on a besoin d’eux.

Le con burant : Par définition, ce qui est nécessaire à l’inflammation d’un combustible. On trouvera dans cette catégorie les faiseurs de « buzz », les amateurs de petites phrases, les butineurs de piques acérées.

Elle ne nous y avait pas habitués, mais Patricia Loison, présentatrice du « Soir 3 », s’est laissé récemment tenter : lors d’un entretien avec un expert virologue, pondéré, pédagogue, mettant les difficultés et les lacunes en perspective, et qui se gardait de mettre en cause les autorités, elle finit par lâcher, frustrée : « mais les masques, il y a polémique, quand même ! »

Le con vivial :  autrichien, mais aussi allemand, ou hollandais, s’il va aux sports d’hiver à Ischgl, petite station autrichienne, ce n’est pas pour la neige, mais pour le sexe et les alcools forts.

Dans cet « Ibiza des Alpes », au Kizloch, bar réputé, le sport favori est le beer- pong dont les règles sont d’une simplicité biblique et d’une connerie abyssale :

« Le Beer Pong oppose deux équipes de deux joueurs. Chaque équipe dispose 10 verres en forme de pyramide devant elle. Le but est de lancer des balles de ping-pong dans les verres de l’équipe adverse. Lorsqu’un joueur marque dans un verre, l’équipe adverse doit l’enlever et le boire. Pour gagner, il suffit qu’un joueur marque dans le dernier verre de l’équipe adverse. Chaque partie doit se dérouler de manière gentleman et fair-play »

On ne s’étonnera pas que Ischgl fut le point zéro de nombreuses contaminations en Europe du Nord.

Au passage, ça n’a sans doute rien à voir, mais Autriche, Allemagne et Pays bas sont les plus farouches adversaires d’une mutualisation des dettes, et les fossoyeurs de ce que pourrait être une Europe solidaire.

Le con servateur :  Boris Johnson, militant du Brexit, adversaire déterminé des dépenses sociales, vilipendeur du système de santé, opposé à l’immigration intra européenne, et qui, contaminé, a failli y laisser sa peau.

Il doit peut- être la vie à ces médecins immigrés à qui, il y a encore un mois, il voulait faire retraverser le Channel.

Et, par association d’idées, n’avez-vous pas, comme moi, été surpris de voir tous ces médecins africains qui font tourner nos hôpitaux, ces 5 à 6000 « Padhue » Praticiens à diplôme hors Union Européenne » ?

Ils sont exploités, leurs gardes durent deux fois plus longtemps que celles des nationaux, mais assument les même responsabilités. Et ils sont sous-payés, avec des salaires n’atteignant pas la moitié de ceux de leurs confrères.

Encore un effet du numerus clausus : on a cassé des générations d’étudiants, asséché les hôpitaux, mais on compense, grâce à des comportements esclavagistes..

Les con jurés : ils poussent, ils poussent, tous ensemble, pour abattre la citadelle honnie : les 35 heures : Bruno Retailleau, pilier de L.R. supporter N°1 de Fillon, qui n’a toujours pas compris pourquoi il avait perdu, Geoffroy Roux de Baizieux, patron du MEDEF et ancien commando Marine, qui lui, au moins, sait quand il faut battre en retraite, et Agnès Pannier- Runacher, la brillante « business woman », Secrétaire d’Etat à l’Economie.

Même si, à titre personnel, j’ai eu beaucoup de réserves sur la mise en œuvre des 35 heures, sur leur inefficacité pour le partage du travail, et sur leur profonde inéquité, (je suis prêt à argumenter), c’était il y a vingt ans.

Aujourd’hui, c’est ancré dans les mœurs, et il me parait d’une stupidité crasse d’en faire un enjeu politique, en demandant aux actifs de travailler plus, quand un tel sentiment d’inégalité imprègne la société, et où tant de français craignent pour leur boulot.

Et, déjà,  il nous faudra nous quitter, mais sur une espèce plus délurée :

Le con génital : celui-là, on l’a un peu oublié pendant le confinement, il doit être le seul à s’en réjouir : Benjamin Griveaux, porte-parole du Gouvernement de la République, qui a trouvé judicieux, face à l’objectif de son smartphone, de se manipuler les génitoires et l’appendice connexe, et de diffuser le tout.

Dans le but, on le suppute, de stimuler, en une entreprise de séduction ahurissante, les désirs de la jeune convoitée.

Il ignorait, on l’espère, qu’elle était la maitresse d’un allumé post soviétique, probablement téléguidé par le FSB.

 

Des cons, j’en ai forcément oublié, n’hésitez pas à compléter ma collection, et, pour finir, méditez cette pensée profonde de quelqu’un qui m’est cher : les cons, il en nait tous les ans, le problème, c’est que ceux de l’an prochain sont déjà arrivés…

A bientôt, et restez au chaud

 

Suze la Rousse.  Samedi 02 mai.

 

D’abord, un grand merci pour vos suggestions très con-structives.

A ma grande surprise, je reçois plus de commentaires quand mes chroniques ont une légère connotation érotique, que lorsque je les consacre aux merveilles pré colombiennes.

Pourtant, ceux qui me font l’amitié de les suivre, et qui appartiennent, pour la plupart, à ce que les gens de marketing qualifieraient d’un « segment générationnel », m’auraient semblé plus enclins à considérer ce sujet comme appartenant à la catégorie « nostalgies », qu’à celle qu’on aborde dès que les enfants sont couchés….

Comme quoi, même pendant les confinements, tous les espoirs sont permis.

Angoisse ; faut-il perdre sa pureté rédactionnelle et donner au peuple ce qu’il réclame ?

Ou faut-il refuser d’en rabattre sur les principes, et maintenir ces chroniques au niveau élevé d’exigence intellectuelle que je me suis efforcé de promouvoir depuis les origines, malgré les attaques répétées de certains ?  (Je ne citerai pas de noms, ils se reconnaitront)

Je n’en dors plus.

Alors je m’en sortirai par un stratagème, pour ne pas trancher ; un titre racoleur, pour attirer la pratique, une amorce caleçonnesque pour ferrer, et ensuite, on laisse filer, en slalomant, si on y arrive, entre les sujets qui fâchent.

Pour commencer, je vous dois des comptes, au sujet de Benjamin Grivois : pourquoi cette expression : « les génitoires et l’instrument connexe » ? J’ai, en effet, eu des remarques.

Vu le qualificatif « congénital » que j’avais choisi, « génitoires », étymologiquement, s’imposait. J’ignorais alors, le Larousse me l’a appris depuis, qu’il s’agissait d’un terme argotique, je le pensais d’origine médiévo-médicale.

Mais bon, l’argot, ça m’allait aussi.

Quant à l’organe viril, comment le localiser ? « Tangentiel », ou « adjacent » auraient été, par rapport aux susdites, géométriquement inattaquables et anatomiquement adaptés, mais ça sentait un peu trop sa prépa scientifique. On n’écrit pas pour les « Techniques de l’ingénieur », quand même….

« Annexe » était une autre option, mais, qualifier ainsi ce qui fait la fierté du mâle occidental, ce sur quoi il a assis sa domination (c’est une image, si vous essayez de mettre en pratique, attention, ça peut être douloureux !),  annexe, ça vous a une petite connotation péjorative.

Ne restait plus que « connexe »

Et pour nommer l’objet, quoi de mieux que le vocabulaire musical ? Comme chez les virtuoses qui parviennent à obtenir de leur violon des sonorités bouleversantes, le terme « archet » aurait convenu, mais c’était un peu trop démonstratif.

Par ailleurs, pour ce qu’il en est des virtuoses, discutable, si l’on en croit Georges Brassens : 95 fois sur 100, la femme…Je vous passe la suite.

On a donc préféré banaliser et retenir le terme  » instrument »…

Pas d’autres questions ? Alors, fin de la caleçonnerie, retour au sujet du moment.

Laissons de côté, s’il vous plait, les débats sur les cons : on aura remarqué que j’avais pris soin de n’épingler que les commentateurs, les radoteurs, et, parmi les dirigeants, une sélection des plus croquignolets, bien loin de chez nous.

Ici, la sous- estimation initiale du danger, les contradictions intra gouvernementales, les informations erratiques sur les masques et les tests, le changement de la Ministre de la Santé au milieu du gué, les retards dans les prises de décisions, les erreurs de com, tout ça avec un style présidentiel agaçant et un fond idéologique à géométrie variable, posent légitimement question.

Mais pour les masques, les placards étaient vides quand ils sont arrivés aux manettes et pour leur production, comme pour les tests, il y a bien longtemps que tout a été délocalisé en Asie. Pour leur distribution, les lourdeurs logistiques, résultant de notre système jacobin, ne sont pas nées avec le macronisme. Dommage, par contre, que nos dirigeants n’aient pas parlé franc dès le début, ils y auraient gagné en crédibilité.

Cependant, je trouve que ça tire beaucoup sur l’exécutif pendant une crise sanitaire et économique d’une ampleur et d’une gravité exceptionnelle, et qu’ils ont bien d’autres choses à faire que de devoir en permanence se justifier devant la représentation nationale.

Si le besoin de revanche des oppositions n’est pas surprenant après le cataclysme politique de 2017, certains diraient même de bonne guerre, je n’avais pas remarqué qu’elles avaient fait mieux en matière de politique de santé quand elles étaient au pouvoir.

Et elles ne se sont pas couvertes de gloire dans l’épisode des municipales : je revois Christian Jacob, à l’idée de repousser le 1° tour, hurler au coup d’état dans les couloirs de l’assemblée. Il est plus discret, aujourd’hui qu’on en connait l’impact sur la dissémination.

D’ailleurs, il suffit de remarquer qu’il y en a deux autres qui font profil bas et que l’on n’entend plus depuis trois mois : Sarkozy et Hollande. Pas parce qu’ils sont confinés, mais parce qu’ils n’ont pas de meilleur plan à vendre. C’est sûrement la 1° fois qu’ils ne regrettent pas de ne plus être en responsabilité !

Vous n’êtes naturellement pas obligés d’être de mon avis, tout ça, c’est juste pour causer…

Dans ces circonstances, Nico et François doivent avoir le temps de lire.

A ce propos, merci à  Jeannette et Christine, qui nous ont opportunément rapporté ce qu’écrivait Madame de Sévigné à sa fille Pauline de Grignan :

« Surtout, ma chère enfant, ne venez point à Paris !
Plus personne ne sort de peur de voir ce fléau s’abattre sur nous, il se propage comme un feu de bois sec. Le roi et Mazarin nous confinent tous chez nous. Cela m’attriste, je me réjouissais d’aller assister aux prochaines représentations d’une pièce de Corneille dont on dit le plus grand bien.
Nous nous ennuyons un peu et je ne peux plus vous narrer les dernières intrigues à la Cour, ni les dernières tenues à la mode.
Heureusement avec ma chère amie, Marie-Madeleine de Lafayette, nous nous voyons discrètement, et nous nous régalons des Fables de La Fontaine, dont celle, très à propos, « Les animaux malades de la peste » !
« Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés » ».

Je vous envoie deux drôles de masques ; c’est la grand’mode. tout le monde en porte à Versailles. C’est un joli air de propreté, qui empêche de se contaminer,

Grignan, à moins de 20km d’ici, où c’est toujours la routine :

Agnès a franchi le cap des 250 masques et va pouvoir passer le relais à l’industrie textile, il était temps, elle y a sacrifié 5 protège matelas. Admirez le choix des motifs.

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Et le modèle « Gendarmerie Nationale », plus sobre:

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Mais tout ce travail valait la peine, ses efforts ont été reconnus dans le monde entier, merci pour ça à François.

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Entre temps, la centrale à béton a réouvert. 3 toupies, et la dalle était coulée.

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Deux semaines de prise et on peut se déplacer dessus pour nettoyer au karscher les murs du hangar, avant peinture.

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Comme j’ai, pour cette opération une belle combinaison intégrale verte, Agnès, espiègle, m’a inscrit au casting pour la pub Cetelem.

Quoi d’autre? Ah, oui, nous avons préparé des falafels.

Avec difficulté: notre mixer n’est pas très adapté, la pâte se colle aux parois, et la lame brasse de l’air. Pour s’en sortir, une seule solution, allonger avec de l’huile et de l’ eau.

Mais alors, impossible de former des boulettes. On se contentera de frire des genres de pancakes. Si, quand on les retourne, on a le geste vif et la main sûre, c’est présentable. Mais si la main tremble, ce qu’on obtient ressemble au fruit des amours coupables d’un falafel et d’une galette bretonne, après un accident..

Entre temps, on regarde pousser les salades et les Charlottes, on tiendra jusqu’à l’hiver.

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Avant de se quitter,  pourquoi « Le journal du Hard « ? Parce-que, aujourd’hui, Hélas, il A Rien à Dire…

Restez au chaud et à bientôt.