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Vendredi 15 décembre. Jour 22

Nous poursuivons toujours plein sud sur la route N°3, jusqu’à Rio Gallagos. Ville sans grand intérêt, assez active cependant, difficile de s’y garer. Un commerçant, fort obligeant, nous propose sa cour pendant que nous partons en chasse d’une connexion internet. On essaye deux cafés, qui ont bien la wifi, mais dont l’accès internet ne fonctionne pas, et on laisse tomber, on a du boulot : il faut cuisiner tout ce qui peut l’être, les produits frais étant bloqués à l’entrée au Chili. Nous  laissons le reste à la boutique qui nous a accueillis, et la commerçante nous en remerciera avec effusions… ça ne m’empêchera pas, au prochain apéro, de regretter mon saucisson lâchement abandonné en cours de route.

Pourquoi passer au Chili ? Pour tout ceux qui n’ont pas la carte de la Patagonie en tête, on précisera que, lors de négociations avec le Chili en 1843, la Terre de feu a été comme sectionnée par une frontière Nord/ Sud rectiligne purement artificielle, au niveau de l’entrée atlantique du détroit de Magellan, la partie est, capitale Ushuaia, attribuée à l’Argentine, sans communication terrestre avec le reste du pays, l’ouest étant chilien. Pour atteindre Ushuaia, il faut donc passer la frontière chilienne à Monte Aymond , puis traverser le détroit de Magellan et de nouveau, la frontière.  Bien plus tard, en 1978, et suite à un conflit avec le Chili tranché par référendum, les îles au sud du canal de Beagle lui furent concédées.

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Peu avant la frontière, nous faisons un saut à Laguna Azul, petit lac de volcan avec un double cratère. Nous y retrouverons nos hollandais. Ils comptent y rester, pour consommer toutes leurs réserves. A quoi tiennent les programmes de voyage !

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Alentour, des espèces de fleurs qui nous sont inconnues.

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Nous entamons la « route du bout du monde », et atteignons la frontière.

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Les formalités y sont expédiées en ½ h : dans un même local, 4 guichets, police et douanes pour chaque pays, on passe de l’un à l’autre et  le ticket de suivi s’enrichit d’un coup de tampon à chaque guichet.  Dernière obligation : la visite du véhicule pour  le contrôle sanitaire, expédiée rapidement.

Arrivés au bac, nous sommes chanceux, la queue est courte (pas pour les camions) et le bac arrive très vite.

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Nous embarquons à 17h  pour une traversée de moins de 30 mn, paiement à bord, avec un taux de change très désavantageux lorsqu’on paye en monnaie argentine, mais comme il n’y a pas de banques entre la frontière et le détroit, ils savent ce qu’ils font. Le prix reste cependant raisonnable :35€ pour un camping car. Du bac, accompagnés par des dauphins de Comerson, nous apercevons l’entrée du détroit, côté Atlantique.

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Nous ferons halte pour le plein de carburant à la première bourgade,  Cerro Sombrero, trou intégral mais où pullulent les pick ups des sous traitants de l’exploitation pétrolière. En sortie de station, inattendu, nous serons abordés par un français, surpris d’y trouver notre cellule Touareg. Présentations faites, il s’agit d’un couple breton, les Vicogne, qui voyagent dans une cellule identique, montée sur un pick up Isuzu par les frères Jaillot, quelques semaines avant la nôtre !

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Nous prendrons naturellement l’apéro (un peu maigre, la cambuse est vide) pour partager nos expériences et découvrirons que nous avons eu des démarches parallèles : nous avons, à la même époque, testés nos véhicules en Islande !!

Cerro Sombrero, donc, est un trou, mai possède un petit camping et surtout une bibliothèque équipée d’un serveur fonctionnant en permanence. Garés tout contre, on aura l’accès internet toute la nuit, on blogue, le rêve….

Km 327  Total   5441

S 52° 46’ 27.5’’   W 69° 17’ 13.7’’

Samedi 16 décembre. Jour 23

Traversée bien monotone de  la partie chilienne de la Terre de feu.

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La steppe, qui jusque là présentait un tapis de broussailles persistantes en mélange avec des graminées est maintenant rase, on y voit encore des moutons, quelques guanacos, mais moins fréquemment, et des oies, dans les zones humides.

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Frontière au milieu de nulle part, avec un grand nombre de voitures venant d’Ushuaia. De notre côté, nous sommes seuls. C’est moins bien organisé qu’à l’entrée, les flux entrants et sortants aux mêmes guichets. Il nous faudra  45 mn  côté Chilien, et 15km plus loin, 15mn côté  Argentin.

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Arrivés à  Rio Grande, grande ville plaisante en bord de mer, siège d’une grosse base militaire, avec de nombreux commerces et supermarchés, nous nous réapprovisionnons. La région est devenue un haut lieu de la pêche à la mouche, suite à l’introduction de plusieurs variétés de truites par un américain, dans les années 30, mais nous ne savons pas attraper les mouches….

L’après midi, direction Ushuai. Pas de problème de navigation, c’est tout droit, par la  RN3. Après Punta Maria l’environnement évolue : L’altitude s’élève (raisonnablement, on ne dépasse pas 400m..) et nous rencontrons les premiers arbres après plus de 3000km. Etrange cependant, la proportion d’arbres morts est considérable, de très nombreux sont couverts de barbes de lichen, le tout  prend  un aspect lugubre.

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Nous cherchons l’Estancia Rolito, sur la «  route complémentaire A » et y parvenons après 14km d’une très jolie piste à travers la forêt.

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Petite, elle semble déserte, jusqu’à ce que nous trouvions deux personnes en train de s’activer dans un potager, derrière le bâtiment principal. La charmante propriétaire, dans un excellent français, confirme qu’ils fonctionnent bien comme un gîte, regrette de ne pouvoir nous recevoir pour dîner, la cuisinière étant de repos, mais accepte que nous y passions la nuit. De notre conversation, nous retiendrons que les espèces endémiques, proches du hêtre, ne parviennent pas à s’ancrer dans un sol dont la couche d’humus est peu profonde et sont arrachés par le vent, sans que les lichens ne contribuent à ce phénomène.

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Face à notre étonnement de voir à nouveau des vaches dans les pâturages, elle nous expliquera que, comme la plupart des « estancieros », ils ont dû renoncer à l’élevage des moutons en raison des pertes dues aux chiens errants. A l’entrée de l’estancia, nous remarquerons un panneau invitant à protéger les chiens qui protègent les troupeaux des attaques de chiens. Qui à dit « la vie est ironique ? »

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Belle nuit, 6/13° et vent de folie.

Km 301 Total 5742

S 54° 17’ 3.8’’  W 67° 3’ 17.5’’

Dimanche 17 décembre. Jour 24

A la descente, halte devant un groupe de ces autels qui jalonnent toutes les routes en Argentine. Il s’agit de la manifestation visible de la vénération dont témoignent les argentins pour « Gauchito Gil », jeune déserteur durant la guerre qui opposait, après l’indépendance, les fédéralistes aux constitutionnalistes sur le grave sujet des institutions (fédération de provinces égales ou nation jacobine dirigée de et par Buenos Aires ?) Gauchito Gil, donc, version locale de Robin des bois, rançonnait les riches pour donner aux pauvres. Capturé, son exécution donna lieu à un miracle. (T’as vu, Paulo, il y a des Gil partout. On va t’offrir une panoplie de gaucho pour Noël.)

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Nous atteignons, par une longue piste, le Lago Yehuin. Bel endroit, désert, avec nos premiers sommets enneigés dans le lointain.

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A Tolhuin , nous recroisons les  Vicogne, dans la cafeteria de la station YPF, hâvre des accros d’internet.

Pique nique à Puente Yuco  sur le lac Fagnano, puis  Route 3 par le col  Garibaldi (400m !). Nous nous engageons sur la route 18 le long du canal de Beagle, chargeons une jeune stoppeuse qui s’est faite larguer par son jules au croisement vers Puerto Almenza, (l’infâme salaud), dépassons l’ estancia Harberton, croisons plus loin le jules qui réembarque sa copine. On n’aura pas tout compris, mais conclu : l’Argentin n’est pas qu’un danseur de tango, il a aussi le sang chaud…

Le canal de Beagle est somptueux. Bivouac à 10km de l’estancia Moat, en bord de piste.

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S 54° 56’ 29.2’’   W 66° 52’ 59.4’’

Lever du soleil 4h43.  Coucher 22h03  5°/14°

287km Total 6029

  Lundi 18 décembre. Jour 25

De bon matin, le canal de Beagle est toujours aussi somptueux.

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Nous avons décidé d’aller jusqu’au bout du bout : l’estancia Moat est située sur le rio Moat, qu’on franchit par un pont rustique, à la fin de la route provinciale « i » et du canal de Beagle, sur l’Antarctique.

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En fait d‘estancia Moat, il ne subsiste qu’une maisonnette  portant la mention « Estancia Santa Clara. 1914 », quelques chevaux et, sur la pointe, une station météo. Nous y pénétrons et le jeune gardien, ravi de la visite, (il doit en avoir 3 par an), nous accueille chaleureusement et nous présente son compagnon de pause café, sans doute le propriétaire de l’estancia, célèbre pour avoir sauvé des naufragés au prix d’une course à cheval de 3 jours.

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Il nous commentera ensuite le panorama au sud, l’île « Picton », et sa forme d’homme couché, et les petites  iles « Nueva » et Lennox, toutes trois rendues au Chili en 78. Au-delà, les îles du Parc National du Cap Horn. Plein est, le long de la côte, le phare de la Punta Falsa.

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Heureux d’avoir égayé leur journée, nous rebroussons chemin jusqu’à l’estancia Harberton.

 

Indépendant depuis 1816, et sous la coupe de caudillos pendant presque tout le XIX° siècle, l’Argentine s’engagea à partir de 1879 dans la « Conquista del desierto », campagne militaire visant à nettoyer les frontières de la partie colonisée du pays. Dans ce cadre elle envoya en 1884 une frégate en Terre de feu pour reconnaitre les rives du Canal de Beagle. Son équipage aura la surprise d’y découvrir une mission, dirigée par un pasteur anglais, Thomas Bridge, tête de pont de l’expansionnisme britannique. Celui-ci, orphelin adopté par des missionnaires, avait grandi aux îles Malouines où il apprit la langue Yamana. Suffisamment convaincant, lors de séjours en Angleterre,  pour rassembler les fonds nécessaires à l’établissement d’une mission en Terre de feu, il parvint ensuite, avec sa famille, a évangéliser en 15 ans un millier de membres de l’ethnie Yamana, auprès desquels il sut établir un climat de confiance et d’échanges, lui permettant, entre autres, de compiler un dictionnaire de 32 000 mots Yamana, unique en son genre.

Bref apparté : la Terre de feu était peuplée au XIX° siècle  de 4 ethnies réparties en petits groupes familiaux, vivant dans des conditions pré « âge de fer », de la pêche de coquillages et de la chasse aux phoques et pingouins pour les uns, de l’élevage de guanacos pour les autres, plus au nord. Les yamanas vivaient dans la partie sud est, dénués de tout mais non sans une riche cosmogonie, quoiqu’en ait jugé Darwin, qui participa à une expédition sur le canal de Beagles et les qualifiait de « sous hommes sans spiritualité »…

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En témoignage de reconnaissance pour son action, et souhaitant sans doute l’éloigner d’Ushuaia, dont la construction sera entreprise à cet endroit afin d’établir l’autorité sur la région, le gouvernement offrit à Thomas Bridges de s’installer sur un autre lieu, à sa convenance. Il choisira ce qui deviendra l’estancia Harberton, du nom du village natal de son épouse : 20 000 hectares, 75 km à l’est, sur la rive nord du canal de Beagle.

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La famille Bridges, y construira sa maison, importée d’Angleterre.

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Elle développera une exploitation moderne, spécialisée dans l’élevage de moutons et le bucheronnage, qui occupera une cinquantaine de personnes et fonctionnera jusque dans les années 2000.

Complètement autonome du fait de l’isolement, elle aura  ses propres moyens de navigation pour assurer l’approvisionnement et l’expédition des produits, ainsi que la transhumance vers les pâturages d’été dans les iles de l’archipel. Désenclavée depuis 1978 et la construction de la route « i », elle est aujourd’hui entièrement tournée vers le tourisme. On y visite l’exploitation, dont le bâtiment où s’effectuait, en série, la tonte des moutons, et le parc, la maison restant réservée aux propriétaires, descendants des fondateurs.

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Thomas Bridges, lui, mort en 1898, aura sans doute eu la douleur de constater les effets concrets de la « Conquista del desierto » : l’extermination des populations indigènes, obstacles à la colonisation, par l’armée argentine. Ils seront remplacés par des colons bien plus sympathiques : les bagnards, qui construisirent la ville.

Petit saut à Puerto Almenza, qui a dû connaitre de meilleurs jours grâce à la pêche des crabes royaux, complètement éteint et misérable aujourd’hui : les pancartes mettant en garde contre la  Maria Roja, une algue toxique, en sont elles l’explication ?

Et enfin, Ushuaia la mythique.

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Bivouac à côté de la patinoire. S 54° 48’ 51.0’’   W 68° 19’ 14.0’’

Km 160 Total 7902

Soleil 4h41 / 22h08      9°/15° 

Mardi 19 décembre. Jour 26

Ushuaia, se veut la ville du bout du monde. C’est inexact, car c’est en réalité l’apanage de Puerto Williams, sur la rive sud du canal de Beagles, un gros casernement autour d’une base navale chilienne.

Rendue célèbre en France par Nicolas Hulot, Ushuaia est devenu un passage obligé pour la jet set, mais aussi pour les routards du monde entier. Elle y a gagné la prospérité économique grâce à une forte activité commerciale tournée vers l’ « outdoor » et la montagne, qui font ressembler l’artère principale, la rue San Martin, à ses cousines des stations alpines (salaisons et fromages en moins..) et on y trouve même un « Hard Rock Café » et des promeneurs de chiens, comme à la capitale.

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Son attrait est  unique puisque des bateaux de croisières (même des français…) mouillent dans le port de cette station de treks, à deux doigts de l’Antarctique. Elle y a perdu son charme originel, défigurée, sur le front de mer par le casino, vilain bâtiment de béton face au ponton du part de plaisance.

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Elle a néanmoins conservé quelques maisons qui permettent d’imaginer ce qu’était Ushuaia avant Nicolas H.

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Et le remorqueur, échoué dans le port depuis 1954, reste le symbole le plus connu de la ville, surveillé par les goélands.

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Notre journée sera utilitaire : courses, laverie, cartes postales, internet, la routine quoi….On aura quand même le temps de faire un tour en ville et de visiter le musée maritime. Ce musée, qui rassemble au sein d’une base navale  plusieurs musées thématiques, est géré par une association à qui l’état, trop heureux, a concédé l’exploitation de l’ancienne prison. Ushuaia a en effet accueilli trois établissements pénitentiaires, prison « ordinaire », récidivistes, et bagne militaire. Ce dernier, établi dans l’ile des Etats, a été transféré en 1902 vers Ushuaia pour raisons « humanitaires », on en imagine les conditions effroyables…

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Regroupés dans cet établissement, les bagnards construisirent leur prison ( sans clôture, où auraient ils pu aller?), puis la ville, et en assurèrent l’alimentation en bois de chauffage jusqu’en 1947, date de la fermeture du bagne. Une aile a été conservée « dans son jus », comme disent les agents immobiliers qui veulent vous vendre une ruine, les autres abritent des expositions dont une, passionnante, de maquettes des navires qui explorèrent la région et l’Antarctique.

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Les bagnards étaient transportés jusqu’aux coupes de bois par un petit train à voie étroite, qui fonctionne encore pour les touristes, et les conduit au coeur du Parque Nacional Tierra del Fuego.

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Bivouac à la gare du petit train

S 54° 49’ 54.3’’   W 68° 25’ 26.5’’’

Km 37 Total 7939

Soleil 4h39 / 22h09      12°/18°

Mercredi 20 décembre. Jour 27

Visite du Parc. Matinée scrabble, il tombe des cordes. Nous braverons les intempéries l’après midi, pour suivre le sentier « Hito XIV » le long du lac Acigami (ex Roca) . Très belle ballade de 3h dans une superbe forêt, qui se terminera à la balise , bien symbolique, marquant la coupure artificielle Nord/Sud avec le Chili .

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Et les vues sur le lac, à deux heures d’intervalle, montreront combine le temps change rapidement en Terre de Feu!

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Nous nous rendons jusqu’à Bahia Lapataia, à l’extrême ouest du parc. Au passage, nous constaterons les dégats causés par les castors : 25 couples ont été importés du Canada en 1946 dans l’intention de développer une activité pelletière. Sans prédateurs, ils se sont multipliés et ont colonisé toute la Terre de feu, ravageant le lit des rios, les espèces de faux hêtres présents dans la région ne supportant ni les coups de dents des rongeurs, ni l’immersion de leurs racines dans les retenues d’eau derrière les barrages créés par les castors. Et, ironie toujours, la qualité de la peau des castors de la région les rend impropres à l’industrie de la fourrure, qui est par ailleurs bien mal en point.

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A Bahia Lapataia, fin de la route N°3 (Buenos Aires : 3079km), belle vue sur la baie et, dans le lointain, les iles du Canal de Beagle.

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Bivouac au camping de laguna Verde, avec les oies.

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S 54° 50’ 44.0’’   W 68°34’ 47.8’’

Soleil 4h37 /22h11

Km 20 Total 7959

Ce message est expédié de Ushuaia, que nous quitterons demain.

JOYEUX NOEL A TOUS
Agnès & Patrice

 

 

 

Depuis El Calafate, aux portes du parc National des Glaciers, en Argentine, nous vous adressons nos meilleurs vœux pour une excellente année 2018

Agnès et Patrice

  Jeudi 21 décembre. Jour 28

Dès le matin, belle ballade de 3 heures dans le parc, sur le Sendero costero.

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Il part d’une crique où se trouve le bureau de poste le plus austral du monde (fermé, c’est l’avant saison)

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Nous y observerons les effets de champignons, ressemblant à des vesses de loup et dont les spores provoquent d’énormes kystes sur les branches des faux hêtres, espèce quasi unique de cette superbe forêt.

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Nombreux oiseaux, au bord, et sur l’eau, qui n’attendent que le photographe…

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Et de belles espèces d’arbustes.

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Halte au Rio Pipo avant de quitter le parc pour quelques emplettes en centre ville, puis  nous regagnons notre bivouac, à la patinoire, l’endroit étant relativement abrité du vent, le réseau internet de la ville accessible, et, là aussi, relativement, stable.

Km 29 Total 5988

Soleil 4h46 / 22h11    9°/17°

Vendredi 22 décembre. Jour 29

2h30 de randonnée jusqu’au glacier Martial et son dénivelé de 500m qui nous laissera quelques courbatures.

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Le glacier est banal, seule la vue sur Ushuaia et le canal de Beagle  vaut le coup.

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Nous quittons l’agglomération, constatons de nouveau les dégâts causés par les castors et dépassons Tolhuin pour retourner à l’estancia Rolito, dans l’espoir qu’ils puissent nous recevoir : aucun contact téléphonique ou mail n’a en effet été possible, et l’office de tourisme incapable de nous assister, Google à ses limites. Nous tentons le coup..

Sur place, nous rencontrerons la famille, parents et frère, de la jeune femme qui nous avait reçus lors de notre précédent passage. Accueil très chaleureux, ils parlent un français parfait, et tournée de maté, tout le monde suce le même embout pour aspirer le breuvage, pas si amer qu’on l’aurait craint. Bonne nouvelle, il reste une chambre de libre pour le lendemain. Avant de nous rendre au bord du lac Fagnano, nous chercherons la panaderia qui, selon nos guides, vend les meilleurs gâteaux de la région. Très courue en effet, elle nous décevra beaucoup pour les gâteaux, mais les empenadas sauveront l’honneur.

Bivouac venteux sur la plage du lac Fagnano

S54° 31’ 42.8’’   W 67° 13’ 51.7’’

Km229 Total 6217

Samedi 23 décembre Jour 30

Nous gagnons Tolhuin et son hot spot internet à la station YPF. Compréhensive, la serveuse acceptera de baisser le son de la télé pour nous permettre deux petites vidéo conf. avec la famille Blanc/ Léo qui fête Noël avec un jour d’avance, chez Michel et Jo, à Montpellier, puis avec Eulalie et Thomas, à Bordeaux. Les écrans de smartphones sont bien petits, mais nous aurons le plaisir de voir, et d’entendre tout le monde, les plus jeunes n’étant pas les moins expressifs.

Etant attendus à Rolito dans l’après midi, nous pousserons, par 50 km de gravel road (ici appelé ripio) le long de la côte, jusqu’à  Cabo San pablo. Nous n’y trouverons que quelques cabanes de pêcheur, l’épave du Desdemonia, échoué là depuis une vingtaine d’années et une volée d’Ostreos negros, qui, comme leur nom l’indique, se nourrissent de coquillages.

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Nous aurons la surprise, sur la plage, de retrouver les mêmes résidences, en ruine, qu’au bord du lac Yehuin.

Nous apprendrons, à Rolito, qu’il s’agissait d’un projet gouvernemental de dynamisation de la région par le tourisme, qui n’avait pas vraiment tenu compte des conditions météos hivernales et des problèmes d’approvisionnement en fuel : faute de combustible, les installations sanitaires ont gelé, condamnant les bâtiments à l’abandon, puis au pillage.

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A l’ Estancia Rolito, Pepe Gonzales et sa femme Ana Luna, nous réservent le même accueil chaleureux que la veille.    A peine arrivés, Pepe nous embarque pour une ballade en forêt. Son engin, qu’il a assemblé lui-même, est unique : châssis et moteur Land Rover, boite de camion Bedford, carrosserie Jeep et suspensions home made.

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Comme il n’y a que trois places, et qu’un jeune couple français s’est joint à nous, Pepe m’emmène dans une remise où sont garés 4 quads. Ils servent à l’exploitation pour transporter du matériel, mais les chevaux restent irremplaçables. Il nous en  confie un, celui de Ana, après de brèves explications. N’ayant jamais piloté de quad, je serai surpris par la direction, assistée et très directe, et par l’accélérateur à levier, brutal. Nous traverserons la piste  4 ou 5 fois en zig zag, à manquer de peu les clôtures, jusqu’à ce que je comprenne les principes de conduite et que nous puissions suivre la jeep, puis la précéder, tout fiérots.. Je dois par contre encore avoir des bleus sur mes poignées d’amour, là ou Agnès s’est cramponnée bien fort, au démarrage…

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Ballade extraordinaire sur les pistes de cette estancia, dans la forêt, jusqu’à atteindre les pâtures où  grandissent les génisses.. On n’aura pas tout exploré, l’estancia , (une petite, 17 000 hectares seulement, les plus grosses atteignent 160 000…), compte 400 km de clôtures et 500km de pistes…

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De retour, la  fille de Pepe et Anna nous fera visiter le hangar où se pratique la tonte des moutons.

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Se pratiquait, plutôt, car  l’estancia ne possède plus que 150 moutons. Les carnages provoqués par les chiens errants, impossibles à éliminer dans cet environnement vallonné et boisé,  et malgré les talents de tireur d’élite  d’ Anna (Pepe dixit), provoquaient la perte d’un millier de bêtes par an sur un troupeau de 8000 ovins. Pepe, chirurgien reconverti en estanciero suite à un accident de moto, eut la tentation de vendre et de se réinstaller en Uruguay. Ana, descendante de la famille fondatrice, sut le convaincre d’y renoncer et ils engagèrent dans les années 2000  la reconversion en élevage de bovins de race Herreford. Leur troupeau compte aujourd’hui 800 têtes, ce qui leur imposa de vendre 7000 ha de bois et d’acheter 5000 ha de prairies, les vaches étant moins rustiques que les moutons. C’est aussi un élevage moins rentable, imposant des clôtures plus résistantes, d’un entretien couteux, et nécessitant d’importer à grand frais un complément de fourrage pour l’hiver depuis le nord de l’Argentine, les vaches étant incapables, contrairement aux moutons, de trouver leur nourriture sous la neige. Il occupe Pepe, Anna et leurs deux enfants, ainsi que deux ouvriers agricoles, nombre fort réduit  aujourd’hui, si l’on en juge par le nombre d’habitations visibles sur l’estancia.

Leur fille, vétérinaire, qui élève et prépare par ailleurs des chiens de berger, forme le projet de reprendre une petite activité ovine avec 500 têtes, ce qui ravit ses parents, manifestement génétiquement et affectivement liés aux moutons….

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Nous serons neuf à la table du dîner, un couple allemand étant également de la partie, en plus de nos jeunes français, et nous pourrons, autour d’un gigot  servi à volonté, comprendre un peu mieux le mode de vie de ces éleveurs à la ténacité admirable, dans un environnement aussi rude l’hiver, venteux l’été et dont la culture, la curiosité d’esprit et l’humanité, en font des hôtes exceptionnels.

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Nous abandonnons le véhicule pour la nuit, et redécouvrons le plaisir d’une vraie chambre.

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S 54° 17’ 3.8’’  W 67° 03’ 17.5’’

Dimanche 24 décembre Jour 31

Après un agréable petit déjeuner en compagnie d’Ana nous quittons les lieux en ne manquant pas de les recommander à ceux qui auraient eu le goût de lire ces notes et décidé de venir jusqu’ici : Estancia « Rolito » -  Rio Grande –Thorne 345 (9420) Tierra del Fuego.

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Compte tenu de l’isolement, sans accès internet et avec un téléphone peu fiable, la famille ne récupère ses messages à Tolhuin qu’une fois par semaine. (rolitodf@hotmail.com , tel. 02901492007)

Halte à Rio Grande, nouvelle video conf de Noël dans une station YPF puis direction San Sebastian. Très peu de monde sur la route ni à la frontière, où nous sommes à 13h. Passage rapide à l’immigration et la douane, plus long au contrôle sanitaire : la préposée est souriante, mais vigilante, elle fouille tout, et nous saisira des pois chiches et des pois cassés : même secs, ce sont des graines, prohibido.  On apprendra qu’il vaut mieux répondre « Oui » sur la déclaration d’importation de produits interdits, et ne pas en avoir, que de faire l’inverse,  et se faire piquer. Dans ce cas, il faut en effet retourner au guichet, récupérer la déclaration initiale et attendre que le préposé ait coché la bonne case puis détruit les produits par aspersion d’une solution ad hoc, avant de  pouvoir repartir vers le nord.

Dès la « Punta Maria » franchie, le long de la côte, nous avons retrouvé le paysage typique de la pampa patagonienne, steppe infinie et milliers de moutons.

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Ensuite belle piste Y71 le long de la côte, plein ouest, qui longe la  Bahia Inutil (curieux nom) jusqu’à la pingouinerie de Pinguins Reys.

Dans ce coin désolé, cas unique en Amérique du Sud, s’est réinstallée il y a une dizaine d’années, une petite colonie de 100 ’individus de Pinguins Rey, (pingouin roi) dont l’allure et la taille sont voisins de celles des pingouins « Empereur » popularisés par le film « La marche de l’Empereur » On peut les observer derrière une palissade, ainsi que pratiqué dans certains parcs, comme au Marquenterre.

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Nous filons ensuite jusqu’à Porvenir, 130km de Ripio, en  nous réjouissant à l’idée d’un dîner de poissons dans ce petit port de pêche où ont également lieu les embarquements pour Punta Arenas.

Sur la piste, nous assistons à la poursuite d’un mouton échappé. L’animal, serré par le chien s’effondrera sur place si brutalement que nous l’avons cru mort, il était seulement vaincu.

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Les pattes rapidement liées, le gaucho le hissera sur son cheval pour le ramener au troupeau.

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La région, qui semble désolée, possède en fait une riche faune, qui se laisse facilement découvrir, à ceux qui se lèvent tôt.

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Peu avant Porvenir, plages de gravier où les pêcheurs hissent leurs embarcations à l’aide de cabestans, selon une technique séculaire, ça nous encourage dans notre projet de réveillon « coquillages et crustacés ».

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Sur place, enfin, nous n’aurons pas l’enthousiasme de nos guides qui la décrivent comme une petite ville pleine de caractère : l’endroit est tristounet et semble mort.Est-ce la préparation du réveillon ?

Le particularisme de Porvenir tient à sa population : la région a été peuplée à la fin de XIX° siècle par des immigrants européens, notamment croates, et des chiliens originaires de l’île de Chiloe, attirés par l’épopée de la laine. Les noms des rues et des magasins ont des consonances qui en rappellent l’origine …Le restaurant le plus réputé, le « Club Croatia », en ce soir de Noël, est fermé. Nous sillonnerons toutes les rues en faisant halte à chaque restaurant (ça sera vite fait..) avec, quand quelqu’un se manifeste, toujours la même réponse : « cerrado ».

Nous nous résolvons à suivre la côte pour bivouaquer au pied du phare et nous préparer un petit repas festif, pour ce réveillon de Noël. Vu la maigreur de nos ressources en raison des restrictions  sanitaires, ça demandera un peu de créativité.

Nous débuterons  par un « Consommé de volaille façon Tierra del fuego ».. Suivez bien, la recette nécessite attention et rigueur : Décortiquez soigneusement un cube de bouillon, réservez. Préparez une poignée de vermicelles, réservez. Pendant ce temps, portez à ébullition un litre d’eau, d’origine locale, ce point est déterminant pour la réussite de la recette.  Y plonger le cube de bouillon. A complète dissolution, ajouter le vermicelle en pluie tout en fouettant le tout. Maintenir à légère ébullition 3mn, servez chaud.

Nous aurons au préalable débouché notre bouteille de Champagne, (le singulier est de rigueur, elle est unique) : Damien- Buffet, Blanc de Noirs pour les connaisseurs, avec quelques crackers. Elle accompagnera tout le repas (soyons fous !!!). Cela ira très bien avec les gambas, congelées à Rawson, qui seront sautées à l’huile d’olive et relevées d’ail et persil lyophilisés, épices ayant  échappé à l’inquisition sanitaire.

Au dessert, alfajores étouffe chrétiens de Tolhuin, on n’est pas mécontents d’en finir avec eux, et, pour terminer une lampée du whisky hors d’âge que nous avaient offert Laurence et Patrick, nous en avions en réserve une flasque de poche pour fêter les grands évènements. C’est bien le cas.

Nous dormirons très bien.

S 53° 18’ 50.6’’  W 70° 27’ 28.0’’

Km 390  Total 6736

Lundi 25 décembre. Jour 32

Nous chercherons en vain les rochers en forme de cygnes, sensés peupler la lagune, à quelques km de Porvenir. Impossible de s’en rapprocher.

Attente ensuite du ferry pour Punta Arenas, et quitter la Terre de Feu, une île, rappelons le. Nous avions réservé par internet via  smartphone, (et ça avait fonctionné, à notre grande surprise) Réservation bien inutile, le ferry est à moitié vide pour cette traversée de trois heures, le détroit de Magellan étant le plus large dans cette région.

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A noter cependant : une douzaine de bikers allemands chenus, et apparemment courbatus après des km de ripio, dont la vitalité pour entreprendre une expédition de ce type nous stupéfie. Elle nous impressionne autant que celle de ce jeune couple à vélo, tirant remorque porte bébé et accompagné d’un chien, que nous dépassâmes sur une route de Patagonie, au milieu de nulle part, pédalant face au vent.

Tant que l’on croisera des individus aussi fous, et aussi déterminés, on ne désespérera pas de l’espèce humaine, malgré Donald Trump…

Deux heures de traversée, la ferry à fond plat roule fortement, et nous voilà rendus à Punta Arenas. Plein de gazole, 20% moins cher qu’en Argentine, retrait de cash sans difficulté, là aussi ça nous change.

Petite ballade dans l’agréable centre ville, avec sa place Mùnoz Gamero aux cyprès centenaires, entourée de bâtiments cossus, demeures somptueuses des barons de la laine, immigrants enrichis à la fin du XIX°. L’un d’entre eux se verra attribuer par le gouvernement un territoire d’un million d’hectares !

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Pour une fois nous serons au bivouac avant 17h, dans le parc Maria Behety, du nom d’une héritière d’un empire lainier.

Malgré un vent frais, le soleil est brûlant, il faut se méfier des UV, phénomène déjà rencontré en Islande : « Au printemps, la conjonction des températures très froides et  du retour du soleil dans les régions polaires entraine la destruction rapide de l’ozone stratosphérique par les CFC et la formation du « trou dans la couche d’ozone ». Avec l’été, les températures grimpent et l’ozone se reforme, jusqu’au printemps suivant ». (guide Lonely Planet)

S 53° 18’ 50.6’’   W70° 27’ 28.0’’

30km Total 6766