Archives mensuelles: octobre 2019

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Les sacs de voyage se remplissent (curieuse entrée en matière, non? on dirait que ça se fait tout seul), mais on n’a pas échappé  aux questions existentielles: quels vêtements emporter ?

On ne se souvient plus de ce qu’on a laissé dans le véhicule, c’est si loin, déjà 10 mois!

Par contre, côté culture, on est paré: Agnès m’a offert le dernier Piketty « Capital et idéologie ». 1200 pages, 170 graphiques, un pavé de 1128g, avec ça, je tiens jusqu’en Alaska, mais je ne ferai pas de notes de lecture…

Nous avons dû retarder notre départ, l’année a été difficile pour Agnès qui a enchainé quelques soucis de santé avec, en point d’orgue, une intervention au genou pour régler un problème de ménisque. Elle n’est pas encore prête pour crapahuter, mais il est temps de partir et nous serons très prudents dans nos projets de randonnées, tant qu’elle ne sera pas au top.

Décollage prévu le 16 octobre, et arrivée à Cusco en fin de journée, sauf surprise. L’heure sera tardive et nous avons réservé un hôtel près de l’aéroport: arriver de nuit et dormir dans un véhicule froid, encombré de matériel et sans électricité ne nous parait pas judicieux…

Ensuite, visite de la partie amazonienne du Pérou (ce qui n’a pas brûlé..), puis le nord du pays. Et après, c’est le brouillard total: nous pensions visiter l’Equateur, puis la Colombie, et enfin expédier le véhicule  depuis Cartagena vers Veracruz, au Mexique, où nous avions l’intention de le laisser 6 mois en gardiennage.

Cela parait sévèrement compromis vu la situation en Equateur où les routes sont barrées et l’état d’urgence proclamé. Pas les meilleures conditions pour le tourisme!

Nous recherchons donc un plan B, pour l’instant rien en vue.

A bientôt donc, pour les prochaines éditions de ce journal et bienvenue aux nouveaux lecteurs  « abonnés » : Jean-Pierre et Michel, Rémy et Jacqueline.

Mercredi 16 octobre . Jour 1  

Que voilà un voyage qui commence mal : longue attente à l’enregistrement d’Iberia à Orly, puis l’employé qui nous demande de lui présenter notre billet de retour. Stupeur !

Les règles internationales, que nous avions oubliées, et qui d’ailleurs ne nous avaient pas été appliquées lors de notre précédent voyage vers Montevideo, imposent cette disposition pour les voyageurs sans visa, ce qui est notre cas puisque nous resterons moins de trois mois au Pérou. Nous protestons, sans succès, demandons à rencontrer le supérieur hiérarchique à qui nous présentons les documents douaniers du véhicule prouvant qu’il est en dépôt sur place et que, vu la limitation dans le temps de l’autorisation temporaire nous quitterons forcément le pays.

Rien n’y fait. A notre demande, elle appelle son propre supérieur, ne parvient pas à le joindre, et nous intime d’attendre pendant que l’enregistrement continue.

Il va être clos, nous laissant tout marris.

Seule solution : acheter un billet au départ de Lima, le moins cher possible. Mais Iberia n’est pas une compagnie low cost, et le délai qui nous est laissé rend impossible un achat sur internet, on n’est pas si geeks que ça, malgré l’assistance téléphonique d’Eulalie qui fait de son mieux pour nous trouver une solution.

Bien coincés, on achète, cher, deux places sur un vol Lima – Santiago, qui ne nous serviront pas, on enregistre les bagages, derniers passagers du vol, et on se rend en hâte à la salle d’embarquement.

Puis, là, ça traine, et de nouveau dans l’avion : nous décollerons avec une heure de retard. C’était bien la peine de nous mettre la pression ! Evidemment on arrivera à Madrid à la bourre.

Sur place, nous découvrons que l’embarquement du vol pour Lima est dans un terminal éloigné, qu’il faut prendre une navette ferroviaire et que le transfert nécessite au minimum 27 mn. On cavale (enfin, on se dépêche, nos sacs cabines sont lourds, chargés d’ordi, de liseuses et d’appareils photos), jusqu’à la salle d’embarquement que nous découvrons vide, l’avion est parti, sans nous….

Le service clients Iberia nous trouve un vol sur Latam à 1h du matin, et nous fournit des coupons pour les repas dans un resto de l’aéroport. Et il nous faut d’abord récupérer nos bagages, ils n’ont pas été chargés dans le vol pour Lima (on aurait été surpris qu’ils courent plus vite que nous).

On attaque par un repas dans « Le » resto qui accepte les coupons. Plats de cantine, boulettes frites ou poulet de batterie frites : c’est le menu réservé aux voyageurs laissés pour compte. Je comprends mieux la mimique de l’employé quand je le remerciais chaleureusement pour ces repas de gastronomie espagnole…

Longue après midi d’attente dans le terminal, de temps en temps on marche pour se dégourdir les guiboles (6km quand même au podomètre sur la journée) et, pour le repas du soir, même menu dans le même resto, il n’y en a pas d’autre qui accepte les coupons.

On laisse tomber et nous rabattons sur le stand de jambon ibériques, où on s’envoie une assiette de pata negra de ballotta (**** , le ***** est vraiment trop cher) , sur du pain grillé imprégné d’huile d’olive, arrosé d’un verre de blanc.

Même plaisir que lors de notre précédente escale à Madrid, il faut bien compenser. (A propos, est ce que le concept existe en France ? ça ferait un tabac)

Long vol, 11h 30, jusqu’à Lima, et à l’immigration, on ne nous demande pas nos billets de retour. Les boules…

Nouvelles cavalcades dans les couloirs, la récupération des bagages a été longue (qui ignore l’angoisse du voyageur guettant ses valises sur les convoyeurs ?), puis dernier vol pour Cuzco, et taxi jusqu’à Quinta la la, où on arrive à l’heure prévue, mais plus crevés, puisqu’on a passé la nuit dans l’avion au lieu de l’hôtel.

Jeudi 17 octobre – Mardi 22 octobre. Jours 2 à 7. Cuzco

Accueil chaleureux de Milli que nous retrouvons avec plaisir, et redécouverte de notre véhicule. Sale, bien sûr, 10 mois d’intempéries laissent des traces

Milli se chargera de descendre à la douane pour demander la cessation de la suspension temporaire de l’autorisation d’importation en détaxe du véhicule (fermez le ban..). Elle nous explique que la durée qui restait dans l’autorisation initiale recommence à courir, il nous reste donc 66 jours pour sortir du Pérou. Pas de problème pour nous, mais à savoir pour ceux qui solliciteraient une suspension à la fin de la durée de validité de l’autorisation initiale.

La remise en état du véhicule commence par le branchement et la mise en charge des batteries, jusqu’ici ça va, le rangement des bagages, et une rapide descente en ville pour des courses légères. Il nous faut nous réhabituer à l’altitude, le souffle est court et on est un peu migraineux. De plus, contrairement au séjour précédent où nous étions arrivés par la route, nous n’aurons pas eu d’accoutumance progressive à l’altitude, et le camping est à 3600m.

Coucher tôt, décalage horaire oblige, et nuits hachées. Et, pour être complet, le médicament prescrit contre le mal des montagnes, le Diamox, a pour effet d’accélérer la diurèse, je ne fais pas de dessin..

Les jours se suivent, avec une météo bizarre: grêle, pluies diluviennes, puis ciel dégagé avec un indice UV à 13, on se tartine, puis on sort les capes de pluie.

La fin de semaine retarde les activités incompressibles (visite de contrôle de la douane, révision du véhicule), et on vit un peu au ralenti, avec quelques descentes en ville, toujours aussi attirante, en particulier le marché avec ses couleurs violentes, ses odeurs tout autant, et ses fruits inconnus.

De longues périodes d’oisiveté. On écoute les play lists que nous avaient préparées Paul et Bertrand, merci à eux.

Peu d’envie de faire des photos, ce sera donc une édition sans, et beaucoup de lecture des infos, cette année nous nous sommes abonnés à l’édition numérique du « Monde », et on suit le fil de « France info ». Bien nous en a pris :  l’Amérique du sud connait une poussée de fièvre. Au Chili et en Equateur, les politiques d’austérité imposées par les droites au pouvoir provoquent des explosions sociales, en Bolivie, Evo Morales, seul président indigène du continent, est contesté après avoir un peu tordu la constitution pour se représenter, et en paye le prix. Et comme le comptage des votes du présent scrutin est douteux, ça sent le roussi.

En ce qui nous concerne, égoïstement, Chili et Bolivie sont derrière nous, le Pérou est stable, et l’Equateur s’est calmé après recul du gouvernement. Mais les voyageurs, actuellement au Chili, n’osent plus circuler et cherchent désespérément des infos sur les blogs.

La douane vient de passer pour vérifier la présence du véhicule et nous expédiera par mel ce soir (inch’Allah), le certificat de levée de la suspension.

Demain, on prend la route, enfin ! pour Puerto Maldonado, dans les basses terres amazoniennes, on a sorti les produits anti moustiques.

Mercredi 23 octobre. Jour 7   Cuzco / Mazuco

Si nous pensions descendre gentiment de Cuzco, 3500m d’altitude, à Puerto Maldonado, à 250m, nous nous sommes gentiment bercés d’illusions. Rien de bien nouveau jusqu’à Urcos, 2800m, nous avions déjà parcouru cette route à plusieurs reprises. Une bonne surprise : la ville, qui était en chantier lors de notre dernier passage en raison de la construction d’un pont, se traverse maintenant facilement.

On s’engage ensuite sur la 30 C « Interocéanique Sud » qui relie les deux océans, traversant le Pérou et le Brésil, excellente route à deux voies, très bien entretenue. Mais avant le Brésil, il y a encore un peu de cordillère andine.

Montée sérieuse pour atteindre le col de l’ Abra Cuyuni », à 4185m. On se dit que c’est déjà pas mal pour une mise en jambes. Descente rapide puis, rebelote, en plus sec et en plus long jusqu’à l’Abra Pircuyani, à 4725m. On fera quasiment toute la montée en seconde. Peu de trafic, peu de poids lourds, heureusement.

On se lance dans la descente et, au bout d’une trentaine de kms, on se dit que ce voyage semble devoir être baptisé la « scoumoune » : un voyant orange s’allume, indiquant un défaut moteur, et je ne parviens plus à dépasser les 2000 tours/mn. Angoisse, et incompréhension, le véhicule sort tout juste de révision ! On descend poussivement jusqu’au premier bourg un peu important, sans vraiment prendre garde au paysage, aux quelques effondrements de chaussée causés par une pluie récente, ni à la température qui a sensiblement augmenté.

A Mazuco, nous trouvons un atelier où deux jeune types, perplexes devant un turbo démonté, nous renvoient chez le voisin, électricien auto.

Miracle, vu l’environnement, il possède une console et peut scanner la carte électronique du véhicule. Je coupe le contact, le remets, le défaut a disparu…

Je teste, l’accélération, OK jusqu’à 4000 tours, il scanne la carte : R.A.S. Mystères de la technique !

L’électricien ne voudra rien pour sa prestation, 10 mn il est vrai, et nous repartons en quête d’un bivouac, que nous trouverons à Santa Rosa, sur le parking d’une station-service « Servi Aldo », après avoir essuyé trois refus.

Km : 361 Total 375

S 12° 55.534’    O 70° 17.880’

Altitude 320m

Jeudi 24 Jour 8 Mazuco / Puerto Maldonado

Départ matinal, le soleil se lève à 5 heures. A 7heures, il fait déjà 27° !

La route est rectiligne, le paysage très semblable à celui du Pantanal : rizières, bananeraies, vergers et potagers dans les zones habitées, forêt luxuriante (comment éviter cette banalité dans ces régions ?) la plupart du temps. De temps en temps, quelques cabanes sur pilotis, une école en dur, et toujours les « rompe muele », ces dos d’âne qui ne vous pardonnent pas de les avoir oubliés.

Nous sommes vite stoppés par une barrière de chantier. Et là, nous comprendrons le mode de gestion des passages alternés : une moitié du temps pour un sens, une moitié pour l’autre, et, comme disait Escartefigue, une troisième moitié pour les travaux. Nous patienterons ainsi 40 mn avant de voir s’ouvrir la barrière.

Fin du trajet jusqu’à Puerto Maldonado plutôt relax, et Agnès nous guidera magistralement jusqu’à l’ « Anaconda Lodge », repéré sur IOverlander.

L’endroit a dû connaitre de meilleures heures. Une grande parcelle boisée où ont été aménagés, à minima, une dizaine de bungalows, des allées qui nécessiteraient un bon débroussaillage et ne permettent pas le passage de véhicule.

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Mais il a deux points forts : la piscine, et la cuisine thaï.

Le lodge est en effet la propriété de Donald et de son épouse thaïlandaise. Ils y survivent avec la fille de celle-ci, âgée d’une trentaine d’années. Survivent car le peu de touristes qui vient jusqu’ici est hébergé près de la réserve de Tambopata, rares sont ceux qui résident en ville, il n’y a rien à y voir, sauf le pont, qui enjambe sur le rio « Madre de Dios » et conduit vers le Brésil.

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Donald est un personnage : né au Pérou, élevé en suisse, il a été militaire, puis guide touristique et s’est installé ici depuis une dizaine d’années. Il nous fait penser à ces vieux coloniaux décrits par Georges Conchon. Vêtu d’un bermuda, un verre de blanc en permanence à portée de la main, il semble pratiquer à l’extrême l’exercice difficile de la délégation. En deux jours, nous ne le verrons rien faire, si ce n’est caresser le ventre de sa guenon en nous expliquant que son comportement était changeant, la petite est enceinte.

Sa passion pour les animaux est réelle, il identifie tous les oiseaux , les repère dans la ramure, tel ce toucan.

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Il nous surprendra, à la nuit, au bord de la piscine, lorsqu’il nous invitera à observer avec lui les arabesques des chauves-souris, attirées par les cris de leurs congénères qu’il reproduit grâce un petit magnétophone. Moment hors du temps…

Km 141 Total 516

S 12° 35.887’    O 69° 13.064’   Altitude 230m

Vendredi 25 octobre Jour 9  Puerto Maldonado

Nous avions réservé, auprès de nos hôtes, une excursion d’une journée autour du lac Sandoval, dans la réserve de Tambopata, point d’intérêt de cette région.

Un taxi nous récupère au lodge, nous dépose à l’embarcadère où attendent déjà une quinzaine d’autres voyageurs. Certains ont réservé des circuits de 2 jours, d’autres de 3 ou 4. On se retrouve vite à glisser sur le rio « Madre de Dios », large de bien 500m, jusqu’à un lodge d’où une partie du groupe prend possession de ses locaux, puis on repart vers la réserve.

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Longue marche d’approche, le genou d’Agnès tient, puis à bord de longues barques, tour du lac, entrecoupé d’une pose déjeuner. Nous dégustons le riz végétarien que l’on nous avait distribué le matin, roulé dans des feuilles de bananier.

La faune n’est pas aussi riche que celle que nous avions découverte au Pantanal, ou plus méfiante.

Quelques instantanés :

Les loutres qui se prélassent dans la mangrove, avant de tenter une petite traversée. Elles se déplacent toujours en groupe, craignant les gros caïmans noirs.

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Les tortues, que les papillons aiment bien chatouiller

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Une petite variété d’oiseaux dont un cormoran qui voudrait impressionner ses potes, ça les ferait plutôt marrer.

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Des singes, capucins et sapajous, les deux espèces étant fréquemment mêlées.

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Une escadrille de chauve- souris. On dirait des « Rafales Marine » sur le pont du Charles de Gaulle. De près, ne sont-elles pas mimi ?

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Et, partout, de fantastiques papillons, qui, parfois, se rassemblent en bouquet.

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Sur le chemin du retour, à la nuit, on cherchera les petits caïmans blancs, sur le bord du rio. Rien ne les dérange.

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Arrivés au lodge à l’heure du repas du soir, une seule surprise : Les femmes sont en cuisine, Donald est bien là, partageant le diner avec les voyageurs, mais il est passé au rouge…

Samedi 26 Jour 10   Puerto Maldonado – Quelque part sur la route

Retour sur nos pas, on se dit que ce que nous avons vu ne valait pas vraiment 1000km et trois jours de route.

Nous souhaitons dormir à moins de 2500m d’altitude, pour nous réaccoutumer. Cela sera fait en nous arrêtant tôt dans la montée de l’Abra Parcuyani, en bordure de route, près d’une posada fermée en cette saison mais où l’on nous accepte bien volontiers. En remerciements, vu les poulets qui courent partout, nous achèterons une douzaine d’œufs et laisseront un petit souvenir de Paris. La joie de la propriétaire nous surprendra.

S 13° 33.064’   0 70° 53.338’

Altitude 2165m

Km 288 Total 804km

Dimanche 27 Jour 11   Retour à Cuzco

C’est jour de marchés dans tous les villages traversés. C’est bondé et on ne s’arrêtera pas pour immortaliser la foule des paysans venus vendre leurs produits ou acquérir l’essentiel. Dommage car les coiffes des femmes sont exceptionnelles, larges et colorées, souvent pailletées.

Lors d’une halte, pourtant, je pourrais saisir, de loin, trop loin pour que je puisse demander l’autorisation, l’une d’entre elles. Me voyant, elle tente de se dissimuler derrière un buisson. Elle ne gagnera pas un prix de camouflage !

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Nous la rejoignons et là, souriante, elle prend la pose, puis sollicite une petite gratification, que nous acceptons bien volontiers. La photo n’étant pas très réussie, je la garde pour moi..

Arrivée à Quinta la la à l’heure du repas, petite sieste, puis corvée de lessive pour Agnès (c’est bien la peine de me moquer de Donald) et blog pour moi.

A la tombée de la nuit (ici c’est 17h30/18h), on frappe à la porte. Un de nos voisins hollandais vient nous inviter pour des « happy hours ». Et chacun d’apporter ses sièges, ses verres, du liquide et des bricoles à grignoter, et nous nous retrouverons à une quinzaine, de tous pays, à prendre l’apéro en échangeant des expériences de voyage.

Je n’ai pas noté le kilométrage, ça sera pour demain, le suspense ne doit pas être insoutenable.