Tout d’abord un très grand merci pour vos commentaires sur ce blog et tous ces témoignages d’amitié et d’affection, ils nous font chaud au cœur, dans notre chambrette roulante. Merci à David pour l’itinéraire ajouté au blog, qui rend le parcours plus lisible.
Vendredi 3 avril Jour 17 Astrakhan – Frontière Kazakhe
Première pluie du voyage, qui ne nous contrarie pas trop le matin pour faire nos emplettes, sauf lorsqu’on doit traverser les rues. Il ne semble pas y avoir d’égouts et l’eau forme des lacs en bords de trottoir, infranchissables. Il nous faudra souvent remonter toute la rue pour trouver un passage à gué…

Puis direction Est vers le Kazakhstan. Nous pensions franchir la frontière ce soir, mais nous perdons une heure pour quitter la ville, le pont sur lequel nous comptions étant encore en travaux (il l’était déjà en 2013 selon l’expérience de nos amis Braillard…) Long détour pour trouver le bon passage. La route franchit ensuite de nombreux bras de la Volga, qui forme ici un vaste estuaire. Le dernier se traverse par un pont de bateaux, ou, pour les véhicules lourds, par un bac qui nous retarde à nouveau, mais permet de vivre la tombée du jour sur le bord du fleuve. La sortie, boueuse, sera délicate pour deux des camping car.


Bivouac à la frontière, parking camions. Altitude -23m
77km Total 5584
Samedi 4 avril Jour 18 Frontière Kazakhe – Quelque part avant Atyrau
Formalités rapides, 1h45 pour les deux contrôles. Les gardes frontières Kazakhes sont particulièrement souriants et Zidane reste le meilleur ambassadeur que la France ait connu, on nous le citera à chaque frontière.
Changement d’heure, +2 par rapport à la Russie, prise d’assurance (75€) et nous sommes prêts à nous lancer dans la steppe.
Nos espoirs d’une belle route goudronnée tournent court, nous endurerons 25km de route très dégradée où nous ne pouvons, en sautant d’un trou à l’autre, dépasser 15km/h. Cela s’améliorera progressivement et nous pourrons atteindre un magnifique 55km/h.
Paysage de steppe grisâtre, quelques troupeaux de moutons, des chevaux épars et soudain (pas au détour d’un virage, il n’y en a pas), notre premier chameau. J’ai bien peur que nous ne lui ayons pas fait une grosse impression.
Plus surprenant, nous dépassons régulièrement de petits cimetières, manifestement anciens. Il semble qu’il y ait plus de morts que de vivants dans cette région.

Bivouac à 8km d’Atyrau, parking d’une station service. Altitude -33m
215 km Total 5799
Dimanche 5 avril Jour 19 Atyrau –Beynew
Grande ville au centre moderne, fort animée en ce dimanche de Pâques où les fidèles sortent des églises un rameau à la main, Atyrau ne nous retient que le temps de changer de la monnaie dans une agence bancaire, ouverte à notre surprise ravie.
Nous reprenons la route pour une longue journée de conduite sur une fort belle route, dans une steppe aride où l’argile affleure. Monotonie rompue par des champs pétrolifères dont le mouvement de balancier des mécanismes de pompage constitue la seule animation d’un paysage vide.
Puis, en s’approchant de la Caspienne, le paysage évolue, de nombreuses lagunes bordent la route qui forme digue (vasières corrige Agnès, les lagunes c’est joli !)
Nous atteignons Beynew au soir, curieuse agglomération qui semble une ville de pionniers et où aucune construction ne dépasse un niveau. Les quelques bars et magasins n’ont pas de vitrines, seulement quelques fenêtres, sans doute pour les protéger du vent. Pas de trottoirs, les rues latérales ne sont pas goudronnées, boueuses donc à chaque pluie.
Signe de modernité, chaque bar fait Karaoké et l’hôtel devant lequel nous nous parquons a une connexion wifi.
Repas du soir dans cet hôtel où nous goutons la cuisine Kazakhe (riche..) et faisons ami-ami avec les serveuses.
Altitude -40m
532km Total 6331
Lundi 6 avril Jour 20 Beynew – Frontière Ouzbekhistan
Plein de gazole avant de prendre la route. Ici, comme souvent en Russie, il faut payer d‘avance et donc estimer au plus juste son besoin en carburant pour partir réservoir pleins. En zone urbanisées les stations service sont bien plus fréquentes qu’en France, par contre, dans la steppe…
La journée démarre fort : Le contournement de Beynew se fait par une chaussée en dalles de ciment présoviétique, le treillis métallique est à nu et il faut avoir l’œil pour ne pas embrocher ses pneus sur un fer à béton. Naturellement on roule au pas. Puis 80km de piste, heureusement sèche car le temps s’est remis au beau, pour gagner la frontière, en 3h30 …
Une centaine de camions, que nous dépassons avec une satisfaction coupable, attend le passage. On y verra même un convoi exceptionnel d’ une quizaine de véhicules hors gabarit transportant des éléments d’installations pétrochimiques. On imagine dépasser ça sur la piste !
Nous sommes en tête et le garde frontière, devant le portail, m’invite gentiment à rebrousser chemin et nous remettre dans la file. Je ne veux pas comprendre et attend l’arrivée d’un officier, qui libère le passage. Cela nous servira de leçon, nous ne devrons plus être en tête aux postes frontières, notre camion ressemble trop à un camion !
1 heure pour le contrôle kazakhe, aussi sympa qu’à l’entrée (Zidane !)
Côté Ouzbèk, bien plus rustique, tant dans les équipements que dans les manières. Une première chicane pour entrer, difficilement négociée, puis 4 heures de formalités, dont l’essentiel d’attentes, sans savoir pourquoi ni où s’adresser.
Lorsqu’on s’occupe enfin de nous, un garde vérifie le PTAC du camion puis m’entraine dans un bureau en m’indiquant : Vous devez payer 400$, c’est un camion. Je passerai 20mn dans ce bureau, au milieu de 5 ou 6 gardes frontières, en brandissant mon permis de conduire indiquant que je n’ai pas le poids lourd, que j’ai le droit de le conduire, donc ce n’est pas un poids lourd ! C’est un peu scabreux, mais, avec la complicité d’un des gardes qui parle un peu anglais et intervient, en finesse, je le comprends, pour plaider ma cause, le chef se laisse fléchir.
Il nous faudra encore attendre la fouille, la plus complète qu’on a connue (nous avons même dû ouvrir les boites de purée en sachets, expliquer les pastilles de chocolat de Francis…), avec un des deux gardes qui mime un mal aux dents, (une boite de Doliprane lui rendra sa belle humeur, il retentera le coup avec les autres véhicules), pour pouvoir enfin quitter le poste frontière.
Change, 3800 sum pour 1€, aux changeurs « clandestins », puis prise d’assurance (18€). Le bureau de l’agent est un container en bord de route qui contient une table, une chaise, une imprimante et une ampoule pendant du plafond, le tout alimenté par un groupe électrogène et chauffé par un antique poêle en fonte où l’on brûle, je suppute, des bouses.
Un rideau dissimule une table avec de la vaisselle et, sans doute, un lit.
Après le change, il faut trouver de la place pour stocker les billets, vu les cours, les liasses s’empilent !

Bivouac sur place.
93km Total 6424
Mardi 7 avril Jour 21 Frontière – Quelque part avant Nukus
Nous craignions de devoir rouler quelques centaines de km sur une pite aussi pénible qu’au Kazakhstan. Excellente surprise, c’est du goudron. De nombreux mauvais passages au début, mais la route s’améliorera rapidement jusqu’à devenir, en fin de journée, une autoroute. L’altitude redevient positive pour atteindre 150m
Paysage de steppe inchangé, la route évite les villages et les bâtiments abritant les installations de compression de gaz que l’on aperçoit régulièrement, tous sur le même modèle, déjà vu en Russie, et file droit sur le plateau. Sinon, rien…

En arrivant sur Qo’Ng’Rot , après deux virages (les premiers depuis des centaines de km), la route plonge vers la vallée de l’Amou Darya. Changement de décor : Premiers arbres, premières cultures, des rizières, premiers villages et premiers signes de vie : Des enfants en uniforme, noir pour les garçons, rose et bleu pour les filles, rentrent de l’école, des troupeaux traversent et mieux, empruntent l’autoroute.

Même dans les rizières, d’énormes engins enfouissent des gazoducs.
Partout, les terres sont recouvertes d’une couche blanche de sel, apporté par le vent de la mer d’Aral, à une centaine de km au nord.

Nous aurions souhaité nous rendre à Mo’ynoq, ancien port de pêche aux épaves de chalutiers ensablés, mais cela aurait nécessité une journée de piste pour l’aller-retour. Dommage que nous ne puissions, sur place, constater les dégâts dus à l’assèchement de cette mer de 70 000 km² , consécutif à la canalisation de l’Amou Darya et du Syr Darya pour irriguer les cultures de coton de l’Ouzbekistan destinées à l’industrie textile soviétique. Nous franchirons à maintes reprises soit l’Amou Darya (ou l’un de ses bras) soit le canal Lénine, assurant la dérivation, dont le débit surpasse de très loin le cours du fleuve.

Bivouac dans la cour d’un café/restaurant à la salle à manger de style stalinien vaste comme un gymnase, nous dinons d’un bol de soupe de nouilles, après avoir visité les cuisines et les frigos pour nous faire expliquer la carte. (En fait c’était soupe de nouilles ou soupe de nouilles…)
333km total 6757
Mercredi 8 avril Jour 22 Nukus
Nous souhaitons compléter nos réservoirs : Un routier biélorusse nous avait prévenus que l’on ne trouvait pas de gazole en Ouzbekistan. De fait, dans toutes les stations services, dont la plupart sont fermées, les pompes diesel sont encapuchonnées. Nous stoppons à quelques km de Nukus dans l’une d’elle. Le préposé comprend notre besoin, appelle sur son portable un correspondant anglophone qui m’explique qu’on ne trouve pas de gazole, que seul des privés en vendent, et que l’on peut nous conduire à un endroit où l’on nous vendra du gazole, 1.5 $ le litre. Je ne commence même pas à négocier et répond qu’on va réfléchir.
Un véhicule part en éclaireur pour trouver l’hôtel Nukus, dont nous savons qu’il peut nous accueillir dans sa cour.
Il nous faudra un long moment pour nous faire comprendre, nous faire accepter et négocier le prix : 12000 sum par personne (~3.5€). Nouvelle discussion pour le gazole, et l’on nous trouve un fournisseur à 3600 sum le litre, ~1.13 €, soit le double du prix payé en Russie et au Kazakhstan.
Le carburant nous sera livré dans la cour de l’hôtel par une équipe transportant des jerrycans dissimulés dans le coffre d’une voiture. Mafia ouzbèque ou simple marché noir ? Il leur faudra 3 rotations pour nous livrer le besoin des 5 véhicules, le paiement s’effectuera sous le contrôle du préposé de l’hôtel et nous nous quittons très bons amis.
On nous expliquera plus tard que tout le gazole est réservé aux machines agricoles pour la culture du coton.
A cette occasion nous sommes initiés à la notion de taux de change flottant : A la frontière nous avions obtenus entre 3800 et 3900 sum pour 1 €, selon le changeur ; en banque on n’en obtient que 2700€ ! Mais là on a un certificat tamponné et on ne risque pas de finir au trou..
Sortons des sordides considérations matérielles : D’un seul coup le printemps est là, les premiers arbres sont en fleur, les jardins reverdissent et il commence à faire chaud. Nous allons bien vite remballer la couette d’hiver !

Nous pouvons enfin aller en ville pour nous rendre au musée Savitsky en traversant une zone où alternent Ministères, (Nukus est capitale de la république de Karakalpakie) Organismes publics et banques. Tout près, des maisons traditionnelles en pisé sont abattues et l’on y construit des alignements d’immeubles.
Au niveau vestimentaire, les jeunes femmes sont très européanisées, jupes courtes, mais la couleur qui domine est le noir, les garçons portent le « world code » : sweet à capuche, jeans et Nikes.
Savitsky, peintre, tombé amoureux de la région, y entreprit la collecte des œuvres des peintres et sculpteurs bannis pour non-conformité au Réalisme Soviétique et exilés à Nukus. Il constituera une collection de plus de 80 000 pièces qu’abrite ce musée dont il devint le dirigeant.
Ensemble unique de pièces : selon la conservatrice, « Le Guggenheim de New York possède 3 œuvres de Koudriashof, nous en possédons 280 »
Musée quasi vide, le prix, 25000 sum / p, l’explique sans doute, personnel pléthorique que l’on sent fier de la qualité du fond, et visite trop rapide car arrivés à une heure de la fermeture, mais éblouissement de couleurs, de formes, de thèmes de ces impressionnistes russes. Ce musée est un joyau au milieu de nulle part.
Le bâtiment, bien que récent est trop petit, seules 2500 pièces sont exposées. Une extension est quasi achevée dans un magnifique bâtiment. L’argent du gaz n’est pas toujours mal employé dans cette république indépendante de Karakalpakie, qu’une décision de Moscou dans les années 30 rattacha à la République d’Ouzbekistan.

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