Archives mensuelles: avril 2020

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Suze la Rousse.  Vendredi 03 avril.

J’avais dit : deux chroniques par semaine, mais je n’ai pas tenu le rythme. Aussi j’ai eu des reproches, il va donc falloir que je me rattrape.

« I banbini son l’allegria da ca. » comme disait ma grand-mère. Les enfants amènent la joie dans la maison. Où l’on verra que ça n’est pas toujours vrai….

Et d’abord, des nouvelles du front. Agnès s’est remise au turbin : après avoir accosté un gradé de la gendarmerie sur un barrage (drôle d’endroit pour une rencontre !) elle a proposé ses services, avec succès : elle a équipé toute la brigade de Suze.

Il a fallu se mettre d’accord sur le modèle. Elle leur a proposé un coton bleu légèrement passé, très tendance, et très adapté, car les bébés pandas sur fond rose, pour des pandores, ça ne l’aurait pas fait.

Et une coupe ajustée, seyante mais fonctionnelle, avec des poches plaquées pour ranger le sifflet. Non, là je galège, elle l’a joué efficace, il fallait aller vite et elle n’a pas eu le temps de broder les galons, ni la petite grenade à 7 flammes, en fil d’argent, c’est la territoriale.

Ils ont fait avec…

Et ensuite, elle a fourni le service déchets de la Communauté de communes, car les éboueurs étaient démunis. Eux, ils n’ont pas eu le choix du coloris. Elle doit en être aujourd’hui à une centaine de pièces.

Rien que pour ça, il est temps que ça s’arrête ou je vais me joindre à, la meute : « Où sont les masques ? Que fait le gouvernement ? Vite, une commission d’enquête ! Vite, la Cour de Justice » Au parlement, ça gesticule comme chez Guignol. Moins ils sont nombreux dans l’hémicycle, plus ils gigotent. On a les revanches qu’on peut…

Revenons au sujet.

7 juillet 2005.

Eulalie est à Londres, pour un séjour linguistique. A bientôt 19 ans, il y a longtemps qu’elle ne part plus en vacances avec nous, mais on a quand même tenu à ce qu’elle ait des vacances « utiles », obsession familiale, sans doute. Petites, nos filles ne partaient pas sans cahiers de devoirs de vacances dans leur valise.

Dans la matinée, nous sommes informés qu’une série d’attentats a ensanglanté Londres. Des bombes ont explosé au même moment dans trois rames de métro, puis une heure plus tard dans un bus, causant la mort de 55 personnes et blessant des centaines de voyageurs.

Longs moments d’angoisse, jusque à ce que nous parvenions, enfin, à joindre Eulalie, dans les locaux de l’université où ont lieu les cours.

Elle y restera confinée (déjà !) toute la journée. Le soir, elles rentreront à pieds, une heure 30 de marche quand même, tout le réseau est à l’arrêt. Le lendemain, certaines de ses camarades refuseront ce moyen de transport. Une autre, voyant un sikh en turban dans le wagon, et le prenant sans doute pour un islamiste, connaitra une crise d’angoisse et devra quitter la rame en vitesse. Pour l’anecdote, elle a fait du chemin depuis en politique, elle est devenue la suppléante de Christian Estrosi. Il faut espérer que son jugement s’est affiné entre temps…

En Angleterre, le climat s’est alourdi, mais les cours sont maintenus.  A son retour, nous irons l’attendre à Lille Europe, et en avance, d’impatience sans doute, on s’installera dans une brasserie. L’Eurostar, parti de St Pancrace, est en approche quand une escouade de flics vient s’engouffrer dans la gare, et nous fait évacuer les lieux : alerte à la bombe !

Malgré l’alerte, le train ne sera pas stoppé, et s’arrêtera le long de quais vides. Eulalie, que l’on tient informée par téléphone, nous dira, dans un murmure : si on ne se revoit pas, je vous aime..

A l’angoisse, elle aura rajouté l’émotion.

Avril 2009.

Eulalie est à Mexico pour 6 mois, dans une association de commerce équitable. Elle a fait une année de césure pendant ses études, qu’elle a décidé de scinder en trois périodes. Après 5 mois de stage en Equateur, puis Mexico, elle terminera par un job d’été à Londres.

On l’appelle, car ici, les médias annoncent les prémisses d’une épidémie de « grippe porcine » : le virus H1N1 vient de provoquer les premiers décès au Mexique…Elle comprend alors pourquoi beaucoup de monde, tout soudain, s’est mis à porter un masque, elle n’en savait rien.

Et quand le 1° ministre, commentant cette épidémie, est informé d’un tremblement de terre, oubliant qu’il est en direct, il s’exclamera : putain ! il ne nous manquait plus que ça..

Elle décide très vite de quitter Mexico, pour se réfugier à Queretaro, 200km au nord. Elle y a des amis, y ayant passé un semestre d’études universitaires. Etudes, façon de parler, car, si elle a clairement travaillé son espagnol, pour le reste, il semblerait que ce soient surtout les programmes touristiques et festifs qui aient été approfondis. Mais bon, dans les écoles de commerce, on insiste sur la capacité à se constituer un réseau. Sur ce plan, ça a l’air réussi…

Elle y retrouve donc ses potes, et une bande d’étudiants de tous pays. Et quand les universités qui les ont envoyés annonceront leur rapatriement, ils décideront de rester, par solidarité. On n’abandonne pas les camarades face à l’ennemi, même invisible. No pasaran !

Pendant ce temps- là, à l’arrière, nous, on se ronge, on envoie des masques, du Tamiflu qu’on s’est procuré, chut, en douce. Mais le colis n’arrivera jamais à sa destinataire…Il aura profité à quelqu’un d’autre.

L’épidémie s’éteindra au Mexique, après avoir affecté 5500 personnes, ne tuant que (!) 89 personnes, selon les chiffres officiels de l’époque. On signerait aujourd’hui pour ça !

Pas étonnant que Roselyne Bachelot se soit fait piéger avec ses millions de doses de vaccin et son milliard de masques. On l’a crucifiée, mais plus d’un, aujourd’hui, se réjouit de bénéficier des résidus du stock, même périmés.

Quelques semaines plus tard, Eulalie est à Londres. Elle loge dans un coin prolo, en coloc avec une équipe de chinois et une néo-zélandaise, chez un « marchand de sommeil » qui se fait payer cash à la semaine, elle a toujours eu un petit côté Arlette Laguiller.

Mais le virus l’a précédée, l’épidémie se répand dans Londres et gagne le quartier indo-pakistanais. Elle ressentira vite les premiers symptômes, mais ça n’affole personne, ses colocs ont été contaminés avant elle, n’ont rien dit, et se portent bien. Et elle pourra bénéficier des grandeurs du NHS, le système de santé britannique, ruiné par la mère Thatcher et ses descendants conservateurs : impossible de consulter un médecin, il faut aller sur internet s’auto diagnostiquer, et obtenir une prescription standard…

Elle s’en remettra vite, mais au vu de tout ce qui précède, elle mériterait le surnom de « La Scoumoune »

Elle est actuellement confinée à La Ciotat avec Thomas. N’allez pas par-là, on ne sait jamais…

 

Quant à Clémentine, Paul et elle ont décidé, rapidement, de se marier. Rapidement n’est peut-être pas le bon mot, puisqu’ils vivent ensemble depuis 10 ans et ont deux filles, mais comme nous avons vécu la même chose pendant 18 ans, ça nous parait rapide. Date de la fête : le samedi de Pentecôte.

Vu la brièveté de l’anticipation, ils n’ont pas trouvé de salle de réception disponible alors, dans ma grande inconscience, j’ai proposé notre hangar au motif que j’avais prévu d’y faire couler une dalle de béton. (Le béton ! Jacqueline, ça vient…). Ça a surpris, il faut croire que je n’en avais parlé à personne.

Sauf qu’un hangar agricole, même avec un sol tout neuf, ça n’est pas une salle de mariage : il a fallu le vider, et d’une, avec une douzaine de voyages à la déchetterie, remorque pleine. C’est fou ce qu’on entasse en 15 ans. Il y avait même deux ou trois cartons jamais ouverts depuis notre déménagement.

Il faudra le nettoyer, le peindre (ça, c’était pas prévu..), amener l’électricité, l’éclairage, rénover la distribution : il ne s’agit pas que tout saute quand le D.J. mettra le paquet !

Et pour commencer, faire la dalle. Le terrassier a tout remis de niveau, le maçon terminé son ferraillage.

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Et la centrale à béton a fermé ses portes, pour cause de confinement.

Depuis, on attend. Clem et Paul ont dû annuler le mariage. Ça a été un moment difficile, mais c’était la seule décision raisonnable, ça leur a au moins permis de cesser de vivre dans l’incertitude et de se projeter dans l’avenir. C’est repoussé d’un an, comme les jeux olympiques…

Ça aura au moins l’avantage de nous permettre de fignoler l’aménagement du jardin, qu’on avait un peu négligé pendant nos tribulations andines, ces jeunes gens ayant des idées très précises pour l’agencement de la cérémonie.

Et, inspirés par Clémentine qui s’est convertie au bio,  on s’est mis à la permaculture. Hier nous avons planté des Charlottes, on s’entraine à l’auto- suffisance, si ça durait.

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Agnès a fait un pain, il est magnifique, et aussi bon que beau.

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Et puis, on va essayer de répondre aux deux questions existentielles que se posent tous les français en ces temps d’incertitude :

Qu’est-ce qu’on mange aujourd’hui ?

Qu’est-ce qu’il y a à la télé ce soir ?

La prochaine fois, je vous expliquerai pourquoi j’ai montré mes fesses à un légionnaire….

 

D’ici là, restez au chaud…

 

Suze la Rousse.  Jeudi 09  avril.

La situation empire à Guayaquil, si jolie ville d’Equateur où nous avions séjourné en novembre. Selon « Le Monde » on ne parvient plus à évacuer rapidement les corps des victimes, qui restent sur les trottoirs dans les barrios surpeuplés, où le confinement est une vue de l’esprit.

Si la pandémie semble proche de son apogée en Europe, ce qui nous rapproche à grands pas de jours meilleurs, le pire reste à venir en Amérique du Sud, en Afrique, au Moyen 0rient, dans le continent indien.

Ne reste qu’à prier pour eux, si ça pouvait avoir de l’effet, et rester chez soi.

Quant aux USA, pour imaginer ce qui va se produire, il suffit de se baser sur le contraire de ce que dit Trump. En matière de guignolades, difficile de lutter avec lui.

Qu’un type comme lui soit aux manettes, ça fait froid dans le dos, alors qu’on a besoin de notes d’espoir… Alors, je ferai preuve d’un incurable optimisme en affirmant qu’on a toutes les chances de guérir d’une grave infection pulmonaire, et, je vais me permettre, une fois de plus, de parler de moi….

Début août 2005 :

Demain, je suis en vacances.

Il y a quelques jours, j’ai passé deux journées dans une salle sans ouvertures, avec trois collègues japonais. Nous devons en effet annoncer la fermeture d’une usine en Europe de l’ouest et une grève dure est inéluctable, Pas question cependant d’arrêter une ligne de montage chez un constructeur, en particulier japonais, ça n’est même pas imaginable. D’où la vérification, article par article de l’état des stocks avec chacun des responsables commerciaux concernés.

Il me reste à terminer quelques dossiers, quand une douleur fulgurante me transperce le côté gauche. Impossible de continuer à bosser.

Je quitte le bureau, fonce vers une pharmacie et me gave de paracétamol avant de revenir bâcler le travail, puis rentre à la maison.

Dès le lendemain, consultation. J’explique au toubib que nous avons déplacé des meubles le weekend précédent, que j’ai dû faire un faux mouvement, mais que la douleur est calmée. Il m’ausculte, ne détecte rien d’anormal, et me manipule pour remettre en place ce qui le mérite.

Et nous partons à Suze, retrouver Claire, sœur d’Agnès et Jean. Le jour suivant, une petite ballade au Ventoux s’impose, vu le grand beau temps. Il y a foule au sommet et, je me gare un peu près d’un touriste belge.

Il râle et me le fait savoir. Je précise que c’est un flamand, pour ne pas me fâcher avec mes amis d’outre Quiévrain.

Agnès estime que je me gare toujours comme un pied. Je m’inscris en faux : il m’arrive de bien me garer. Rarement, c’est vrai, mais je ne supporte pas qu’on m’en fasse remarque. D’où ces stimulants débats d’idées qui pimentaient notre vie intellectuelle, aux beaux jours d’avant le confinement. On les regretterait presque..

A peine rentrés, un coup de poignard derrière la clavicule me cloue sur une chaise, je gémis de douleur, et transpire à grosses gouttes. Agnès appelle un médecin, pendant que Jean, douillet pour deux et hypocondriaque, donc expert médical, me répète : « Prends sur toi !  Ça va passer, prends sur toi !»

Quinze ans après, je lui en veux encore.

Le médecin prescrit calmants et antibiotiques, il a diagnostiqué une pneumopathie à gauche et s’en va, en recommandant de l’appeler dans trois jours, pour faire le point.

Je passerai les trois jours suivants allongé sur un transat, sans amélioration : fièvre de cheval, grande faiblesse, semi- léthargie, sans le courage, ni l’envie, de bouger le petit doigt. Effet des médocs ou d’une infection ?

Contacté, le médecin prescrira une radio pulmonaire. On se rend rapidement à Valréas. Je suis dans le gaz dans la salle d’attente, une fois les clichés faits, quand le radiologue arrive en coup de vent : il faut l’hospitaliser d’urgence, il n’a plus qu’un poumon…

Agnès, sur recommandation du radiologue, dégotte une place à la clinique de Nyons, qui aurait un bon service de pneumo, où je suis admis dans l’heure.

Un test rapide de mesure du taux d’oxygène dans le sang révèle immédiatement un taux critique, pas étonnant que je sois affaibli, je n’oxygène plus que sur une patte. Et je frôle les 40°..

La jeune femme médecin responsable du service m’expliquera que j’ai une pneumonie, doublée d’une pleurésie, poche de liquide entre les deux parois de la plèvre. Ils vont donc me garder, en changeant immédiatement d’antibiotiques et en augmentant les doses..

Agnès me confiera, bien plus tard, que le toubib se demandait comment j’en étais arrivé là, et me jugeait dans un état critique, le poumon droit commençant à être affecté.

De mon côté, inconscient de la gravité de l’infection, même pas particulièrement inquiet, je suis satisfait d’être pris en charge. Et les infirmières, accortes forcément, seront aux petits soins …

Je serai brutalement ramené au réel : un grand type efflanqué, le cheveu ras, entre dans la chambre et se présente, avec un fort accent allemand :

Je m’appelle Kurt, je suis votre infirmier…

Celui- là, les premières fesses qu’il a piquées, ce devaient être celles des légionnaires du 1° Régiment Etranger de Cavalerie, à Orange ! Je crains le pire, quand mon tour viendra…

A l’usage, il s’avèrera vite qu’il avait les mains douces, et expertes : dès le lendemain, est prévue une ponction. En attendant, il installe les perfs.

Manque de pot, on est en août et la salle d’op étant en réfection, ils vont devoir faire la ponction à l’aveugle. Je suis assis sur le lit, tournant le dos au médecin et à l’infirmier qui m’enfoncent un trocart entre deux côtes. J’ai évité de regarder le diamètre de l’aiguille, et je l’entends qui guide la toubib

Ils y vont en force, ça résiste, mais c’est moins douloureux qu’attendu. Et, pour échapper à l’épreuve, mes pensées vagabondent, vers cette inversion des rôles, où l’ancien dirige son jeune chef, suprématie de l’expérience sur le grade.

Cela me renvoie au film de Shoendoerffer, « la 317° section » dans lequel Bruno Cremer, adjudant ayant vécu la campagne de Russie en tant que « malgré-nous », seconde, dans la jungle de Dien Bien Phu, Jacques Perrin, incarnant un lieutenant tout juste sorti de St Cyr.

Ce parrainage, dans des organisations très hiérarchiques, est manifestement la reconnaissance de l’expérience, en dépit du plafond de verre séparant des statuts aussi discriminants. Les similitudes entre les deux mondes sont troublantes. D’ailleurs, chez les sous offs comme chez les infirmières, le grade le plus élevé n’est- il pas identique, celui de « major » ?

Et comment ne pas penser, aujourd’hui, à « Hippocrate », ce film très juste, visionné il y a quelques semaines à la télé, où un jeune interne, qui est en permanence « materné » par ses infirmières, ne saura supporter les conflits nés d’un dilemme très actuel : jusqu’à quand faut-il- réanimer ?

On s’est éloigné du trocart, Mieux vaut l’oublier, car la tentative de ponction a échoué : il n’est pas possible de la réussir « à l’ancienne », sans le matériel d’imagerie adéquat. Ça sera dans un autre établissement, mais pas avant une semaine, il faut d’abord faire tomber la fièvre, et trouver un lit disponible, on est en août !

Agnès commencera les allers retours entre Suze et Nyons, et, malgré son inquiétude fera la liaison avec l’entourage. Elle interviendra même auprès du PDG de la filiale française dont je suis salarié, délice des organisations matricielles, afin que mon patron japonais cesse de me harceler.

Il semble qu’avec moi, il soit le seul inconscient de mon état, et ne comprend pas que le personnel d’une de nos usines françaises soit maintenant en vacances, bien que le plan de production n’ait pas été accompli avant la fermeture estivale. Il veut des explications.

Je lui proposerai bien d’aller négocier avec la CGT, il comprendrait ce qu’est une barrière culturelle. Dûment chapitré, cependant, il finira par me foutre la paix.

On percevra peut- être chez moi un poil de ressentiment envers les japonais.

J’ai longtemps pensé que j’ai été contaminé lors de ce huis clos avec mes trois collègues arrivant de Chine. Le SRAS ? Nous sommes deux ans après l’épidémie, ça n’est pas exclu, le virus aurait déclenché l’infection.

Ou bien la maladie du Légionnaire due à la clim ? (Rien à voir avec Kurt, si vous voulez en savoir plus, consultez Wikipedia, je ne vais pas tout vous mâcher).

On ne connaitra pas la cause de l’infection, le traitement massif par les antibiotiques rendant les analyses vaines.

Et la fièvre, ne disparaitra que très lentement. Tous les matins, je suis tellement trempé qu’il faut changer draps, oreillers et cette coquine camisole d’hôpital, de celles qui s’enfilent par devant, sans boutons, et vous obligent, dans les couloirs, à marcher en crabe en rasant les murs, sous peine d’exposer votre postérieur à la curiosité ambiante.

Mais, pour l’instant, pas question de trainer dans les couloirs, j’en suis incapable. Et j’ai perdu 4 kg.

Valenciennes ne peut me recevoir, Douai et Liile idem, les hôpitaux sont en régime de congés. L’ami Lionel, prof de médecine, devra user de son influence pour dégotter une place à Lens. Pourquoi pas ? Vu le passé minier, avec la silicose, Lens, les poumons, ils connaissent.

Et après avoir dûment remercié Kurt, le médecin et tout le personnel, qui a effectivement été, pendant cette semaine, aux petits soins, je me vois embarqué sur une civière, accompagné en ambulance par un infirmier d’Europe Assistance. Très pro, il ne se contentera pas de vérifier sur dossier mes paramètres cliniques, il s’assurera que tension, rythme cardiaque, taux d’oxygène sont corrects avant de me prendre en charge, puis les vérifiera toutes les heures.

Voyage pas désagréable finalement, j’ai de la lecture, et la conversation de l’infirmier, qui assure des missions d’assistance pour changer de la routine, est intéressante. Au bout de la route, l’hôpital de Lens, ce n’est pas la clinique de Nyons, c’est une vraie ville..

La patronne du service m’accueille en personne, Lionel est vraiment très respecté. Elle m’explique ce qui va m’arriver ; ponction, antibios.

Et là je vais faire plus court : branché sur une pompe qui aspire le liquide pleural et  injecte une solution ad hoc, je n’ai plus qu’à attendre la résorption

Mon compagnon de chambrée est un malheureux sous assistance respiratoire, dont la machine fait un boucan d’enfer, et qui regarde en permanence à la télé des niaiseries, son au maxi. C’est vite insupportable.

Ma demande de chambre individuelle surprend, ici on n’est pas en clinique, mais dès le deuxième jour, on me fait une fleur et on déménage le lit de mon voisin, et lui avec….

Je l’entends réclamer, sous son masque, « Ma télé, ma télé ! » Je me sens coupable, je n’avais pas imaginé ce scénario. Je m’en inquiète et il récupèrera vite sa télé.

Les jours s’écouleront lentement, rythmés par les bons moments, les visites d’Agnès, le petit déjeuner, délicieuse régression avec chocolat et tartines de confiture et les moins bons : soirées interminables et longues nuits sans sommeil.

Et, curiosité des hôpitaux du nord, en guise de goûter, un potage de légumes. On s’y fait et, au bout de quelques jours, on l’attend…

Tout le personnel sera formidable de gentillesse et d’efficacité, du médecin à l’aide-soignante, de l’infirmière à la jeune femme qui vient, tous les jours, désinfecter l’ensemble du mobilier. Une exception : les brancardiers, qui déplacent les malades, sur leur lit, d’un service à l’autre.

On me dira : il ne faut pas stigmatiser, ils ont des excuses, c’est un boulot physique, ils sont mal payés et surchargés… Peut-être, mais moi je n’ai vu que des râleurs, se plaignant d’être surmenés au cours de longues conversations de couloir.

Il faut dire qu’il y en a un qui m’a laissé devant la porte du service de radiologie, dans un sous sol froid, sans explication, avec juste une légère couverture. Pause repas ?  J’y resterai plus d’une heure, gelé, source sans doute de mon ressentiment.

D’un autre côté, être de mauvaise humeur, c’est bon signe  !

Et ça s’améliorera doucement: deux semaines plus tard on me laissera sortir avec seulement une légère diminution de ma capacité respiratoire, un mois d’arrêt et des séances de kiné. Pour ça, je suis en de bonnes mains.

La prochaine fois, j’arrête de parler de moi, mais, pour terminer, en témoignage de reconnaissance pour les soignants, d’hier et d’aujourd’hui, et même pour les brancardiers, ces quelques vers de Barbara :

Dans le couloir,
Il y a des anges
En sandales
Et en blouses blanches
Qui portent, accroché
Sur leur cœur,
La douceur de leur prénom.

Pour ceux qui aiment la longue dame brune, je peux fournir les paroles complètes de la chanson « Le couloir  »

A bientôt, et restez au chaud..

 

Suze la Rousse.  Lundi 27  avril.

J’ai longtemps hésité à intégrer dans ces publications une chronique sur les cons : la tâche est immense…

Et comme le dit mon camarade Philippe, on est toujours le con de quelqu’un. Ç’est risqué..

Et puis mon addiction aux chaines d’infos, qui en fournissent abondamment la matière par la variété des cons qui s’y épanouissent, m’a incité à en tenter un recensement.

Je le soumets à la lecture critique de ceux qui ont l’indulgence de me suivre, et sollicite même leur contribution, afin d’enrichir cette modeste tentative d’encyclopédie de la connerie.

Et, pour commencer, hors concours :

Le con primé : Donald Trump, bien sûr, qui à lui seul nourrit les colonnes de la presse internationale. Plus de 16 500 mensonges et contre- vérités énoncées depuis son accession au pouvoir, et on ne compte plus les stupidités. La dernière : pour lutter contre le virus, il suggère une pulvérisation de désinfectant ménager dans les bronches, ce qui a contraint le corps médical et les fabricants desdits produits à publier de vigoureux avertissements pour décourager les amateurs d’auto-médication.

A ce compte- là, pour la prochaine épidémie de gastro, il nous prescrira un lavement au Canard WC..

Je sais, ça commence fort, mais le personnage le mérite…

Le con testé : Jair Bolsonaro, dans le déni absolu, qui continue à serrer des pognes et à prendre des bains de foule, alors qu’au Brésil, on creuse des fosses communes, et que ses ministres, Santé et Justice en tête, quittent le navire gouvernemental.

Les cons disciples : les évangéliques, qui par leur frénésie de contacts rapprochés, leurs communions bécoteuses et leurs séminaires prosélytes ont propagé le virus plus vite que la Bonne Parole, à Mulhouse, ou dans les territoires Navajos.

Et, allez savoir pourquoi, ils sont les plus fidèles supporters, au Brésil comme aux Etats unis, des sus visés, qu’ils ont grandement contribué à amener au pouvoir.

Le con sentant : Ramzan Kadyrov, dictateur tchétchène, qui tient le pays sous sa botte, et règne par la terreur avec le soutien de Vladimir, depuis 15 ans.

Pour vaincre le virus, son truc à lui, c’est l’ingestion d’une décoction de citron, de miel et d’ail. Avec ça, il doit avoir l’haleine fraiche.

Le con plexe : le Professeur Raoult, dont le monde médical reconnait le brio scientifique, mais qui s’épanche à longueur de touiteur et de fessebouc pour faire la promotion de traitements miracles, de méthodologies douteuses et de pronostics hardis,

Et comme il s’estime génial, il montre combien il méprise le vulgum pecus en dynamitant les codes comportementaux et vestimentaires de sa profession: regardez comme je suis grand; j’emmerde les bien- pensant!

Sur ce plan, il me fait penser à Cédric Villani.

Et vous auriez envie, vous, de vous faire soigner par un toubib aux cheveux crassouilles ?

Le con sultant: trop souvent, il sait tout, mais n’y connait rien.

Tel Alain Bauer, ancien Grand Maitre du « Grand Orient de France », ancien conseiller  de Chevènement, Sarkozy et Valls, la belle palette !

Criminologue, expert ès Gilets Jaunes, spécialiste de gestion de crises et devenu aujourd’hui l’expert ès Covid 19 qui déclara, au cours de l’émission « C dans l’air » où il a table mise:  » Dans les pandémies virales, comme celle de l’Anthrax… », ce qui provoqua la réaction exaspérée du virologue présent, le Professeur Chauvin, qui fut obligé de corriger: « l’Anthrax n’est pas un virus, mais une bactérie ».

Le con plotiste: L’hurluberlu, dont j’ai eu la flemme de vérifier l’identité , oui, je sais, ce n’est pas bien, il faut toujours garantir ses sources. L’abruti donc, qui professe, Urbi e Orbi, que le virus est une création humaine, mise au point dans un labo militaire chinois, pour détruire les ennemis de l’Empire du Milieu.

Le con pensateur : Pour une fois, l’espèce est représentée par une femme, Christiane Lambert, patronne de la FNSEA : en cas de sécheresse, elle réclame des compensations, s’il pleut trop, itou.

Le cours du soja monte, il faut compenser, la grande distribution écrase les prix : compensons, compensons, vous dis-je !

Et elle vient de pondre une perle : « les français se remettent à aimer leurs agriculteurs » ! Si elle parle du producteur de légumes bio, du viticulteur qui peaufine amoureusement ses cuvées, de l’éleveur de chèvres qui moule ses picodons à la louchette, c’est sûr.

Mais ce sont surtout les grands céréaliers, les partisans de l’agriculture intensive, les badigeonneurs de pesticides, les bénéficiaires de la PAC qu’elle défend à longueur d’année.

Et eux, on les apprécie moins.

Le con pulsif : Celui là a une idée fixe : tacler le gouvernement.

Prototype : Eric Ciotti, le roquet varois. Sa dernière trouvaille : vouloir démontrer que si des émeutes éclatent actuellement dans les quartiers « difficiles », c’est parce que l’on a libéré des condamnés en fin de peine. Il oublie qu’il y a plutôt moins d’incidents que d’habitude, que, de toutes façons, les « libérables » seraient sortis dans un mois, et que la désaturation des prisons a manifestement calmé les détenus.

Avec son allure à la Mussolini, il veut nous faire comprendre qu’il va, un jour où l’autre, rejoindre Mariani au Front National. Ce n’était pas nécessaire, on le savait depuis longtemps.

Le con sternant : lui, on l’a beaucoup aimé quand il s’épanouissait, aux petites heures, sur France Inter.

7h45, les petites heures, mon œil ! A l’époque, on était déjà en route depuis longtemps, mais aujourd’hui, pour des retraités confinés, 7h45, c’est l’aube.

Les analyses de Jean Michel Apathie étaient pénétrantes, ses jugements équilibrés, ses colères fondées. Trente ans plus tard, sur LCI, il dit n’importe quoi : » pour le déconfinement, les enseignants devront avoir des masques FFP2, sinon, impossible .. ». Comme pour les réanimateurs, exposés en permanence à des charges virales infernales !

Apathie, ou comment contribuer à la confusion ambiante.

Le con tempteur : Jean Paul Hamon, Président de la Fédération des médecins de France,  activiste et défenseur virulent, si j’ose dire, de la médecine libérale: Il affirme, lors d’un débat sur la réforme nécessaire de notre système de santé : « il faudra que l’hôpital arrête de piquer les malades aux médecins de ville ». Entendre ça sans tomber de sa chaise nécessite une assiette digne d’un écuyer du Cadre Noir.

En voilà un qui a bien vite oublié qu’avant de plaindre les médecins de ville, mal payés c’est vrai, il faudrait d’abord pouvoir les consulter.

Les déserts médicaux résultent, certes, d’une politique aveugle de réduction des dépenses de santé, mais surtout des tares de la médecine libérale : numerus clausus, outil d’un paupérisme corporatiste acharné, et liberté totale d’installation.

Les médecins sont héliotropes, comme les retraités (suivez mon regard). C’est peut-être pour ça qu’ils sont concentrés chez le compulsif décrit plus haut, et pas installés là où on a besoin d’eux.

Le con burant : Par définition, ce qui est nécessaire à l’inflammation d’un combustible. On trouvera dans cette catégorie les faiseurs de « buzz », les amateurs de petites phrases, les butineurs de piques acérées.

Elle ne nous y avait pas habitués, mais Patricia Loison, présentatrice du « Soir 3 », s’est laissé récemment tenter : lors d’un entretien avec un expert virologue, pondéré, pédagogue, mettant les difficultés et les lacunes en perspective, et qui se gardait de mettre en cause les autorités, elle finit par lâcher, frustrée : « mais les masques, il y a polémique, quand même ! »

Le con vivial :  autrichien, mais aussi allemand, ou hollandais, s’il va aux sports d’hiver à Ischgl, petite station autrichienne, ce n’est pas pour la neige, mais pour le sexe et les alcools forts.

Dans cet « Ibiza des Alpes », au Kizloch, bar réputé, le sport favori est le beer- pong dont les règles sont d’une simplicité biblique et d’une connerie abyssale :

« Le Beer Pong oppose deux équipes de deux joueurs. Chaque équipe dispose 10 verres en forme de pyramide devant elle. Le but est de lancer des balles de ping-pong dans les verres de l’équipe adverse. Lorsqu’un joueur marque dans un verre, l’équipe adverse doit l’enlever et le boire. Pour gagner, il suffit qu’un joueur marque dans le dernier verre de l’équipe adverse. Chaque partie doit se dérouler de manière gentleman et fair-play »

On ne s’étonnera pas que Ischgl fut le point zéro de nombreuses contaminations en Europe du Nord.

Au passage, ça n’a sans doute rien à voir, mais Autriche, Allemagne et Pays bas sont les plus farouches adversaires d’une mutualisation des dettes, et les fossoyeurs de ce que pourrait être une Europe solidaire.

Le con servateur :  Boris Johnson, militant du Brexit, adversaire déterminé des dépenses sociales, vilipendeur du système de santé, opposé à l’immigration intra européenne, et qui, contaminé, a failli y laisser sa peau.

Il doit peut- être la vie à ces médecins immigrés à qui, il y a encore un mois, il voulait faire retraverser le Channel.

Et, par association d’idées, n’avez-vous pas, comme moi, été surpris de voir tous ces médecins africains qui font tourner nos hôpitaux, ces 5 à 6000 « Padhue » Praticiens à diplôme hors Union Européenne » ?

Ils sont exploités, leurs gardes durent deux fois plus longtemps que celles des nationaux, mais assument les même responsabilités. Et ils sont sous-payés, avec des salaires n’atteignant pas la moitié de ceux de leurs confrères.

Encore un effet du numerus clausus : on a cassé des générations d’étudiants, asséché les hôpitaux, mais on compense, grâce à des comportements esclavagistes..

Les con jurés : ils poussent, ils poussent, tous ensemble, pour abattre la citadelle honnie : les 35 heures : Bruno Retailleau, pilier de L.R. supporter N°1 de Fillon, qui n’a toujours pas compris pourquoi il avait perdu, Geoffroy Roux de Baizieux, patron du MEDEF et ancien commando Marine, qui lui, au moins, sait quand il faut battre en retraite, et Agnès Pannier- Runacher, la brillante « business woman », Secrétaire d’Etat à l’Economie.

Même si, à titre personnel, j’ai eu beaucoup de réserves sur la mise en œuvre des 35 heures, sur leur inefficacité pour le partage du travail, et sur leur profonde inéquité, (je suis prêt à argumenter), c’était il y a vingt ans.

Aujourd’hui, c’est ancré dans les mœurs, et il me parait d’une stupidité crasse d’en faire un enjeu politique, en demandant aux actifs de travailler plus, quand un tel sentiment d’inégalité imprègne la société, et où tant de français craignent pour leur boulot.

Et, déjà,  il nous faudra nous quitter, mais sur une espèce plus délurée :

Le con génital : celui-là, on l’a un peu oublié pendant le confinement, il doit être le seul à s’en réjouir : Benjamin Griveaux, porte-parole du Gouvernement de la République, qui a trouvé judicieux, face à l’objectif de son smartphone, de se manipuler les génitoires et l’appendice connexe, et de diffuser le tout.

Dans le but, on le suppute, de stimuler, en une entreprise de séduction ahurissante, les désirs de la jeune convoitée.

Il ignorait, on l’espère, qu’elle était la maitresse d’un allumé post soviétique, probablement téléguidé par le FSB.

 

Des cons, j’en ai forcément oublié, n’hésitez pas à compléter ma collection, et, pour finir, méditez cette pensée profonde de quelqu’un qui m’est cher : les cons, il en nait tous les ans, le problème, c’est que ceux de l’an prochain sont déjà arrivés…

A bientôt, et restez au chaud