Lundi 9 décembre Jour 55 Ibarra / Tanga
Une centaine de km jusqu’à la frontière. L’endroit est plutôt encaissé, et congestionné, pour tout dire, ça a l’air d’être un peu le souk. Partout des changeurs ambulants et des vendeurs d’assurance, on les évite, car les arnaques sont fréquentes.
Les formalités seront assez rapides côté équatorien, beaucoup plus longues côté colombien.
Pour l’immigration, trois files : nationaux, étrangers et vénézuéliens. L’espace prévu pour ces derniers est le plus important, les autorités ayant dû faire face à un afflux massif, qui semble s’être tari, la zone étant vide aujourd’hui. Et toujours les tentes des ONG.
A la douane, pour obtenir l’autorisation temporaire d’importation du véhicule, on nous demande de fournir des copies de la carte grise, du permis de conduire et du passeport, nous avons tout ça. Mais il faut aussi la copie du cachet d’entrée de la police, sur le passeport. On se demande bien pourquoi ! Il faut alors sortir du poste, chercher une guitoune qui fasse des copies, et au préalable changer 10 dollars pour payer l’opération.
Quand nous revenons à la douane, le préposé, qui avait conservé notre dossier, est parti casser la croûte. On attend devant un bureau vide jusqu’à ce que, à bout de patience, Agnès s’adresse à ce qui ressemble à un chef. Celui-ci va aussitôt chercher une douanière, qui nous ignorait volontairement depuis un moment.
Elle s’occupera de nous, sans enthousiasme, mais nous fournira l’autorisation indispensable.
Dès la frontière passée, halte à Ipiales, petite ville au centre très congestionné. Merci Ioverlander, le super-marché Exito vend des assurances auto (16€ pour un mois..) et dispose de DAB . Il va falloir s’ habituer au cours : à 3560 pesos pour un euro, nous devrons retirer 1,2 million de pesos pour avoir suffisamment de liquide pour la route. Quant à l’assurance, elle est obligatoire. En Equateur, par contre, nous avions vainement cherché un agent d’assurance : n’étant pas obligatoire, personne n’en propose. Nous avons donc roulé un mois sans, sensation désagréable.
Dès la sortie de la ville, un court crochet vers le sanctuaire de la Virgen de Las Lajas. Ici, dans une grotte près du rio Guaitara, en 1754, une sourde-muette, Soubirous locale, retrouva l’usage de la parole, revint quelques jours plus tard, vit la Vierge et l’enfant Jésus, tomba malade et en mourut, puis fut ressuscitée, par la Vierge on le devine.
L’endroit devint naturellement un lieu de pèlerinage et les travaux de constructions d’une église, qui durèrent 50 ans, furent entrepris en 1899.
Néo-gothique, on aime ou on n’aime pas, moi, non, mais l’église vaut surtout par son emplacement, exceptionnel, en fond de gorge.
Sur les parois des escaliers d’accès, des milliers d’ex voto.
Nous repartons en direction de la ville de Pasto, mais le trajet sera bien plus pénible que prévu : 1h30 à attendre devant des travaux, alors que la circulation dans l’autre sens semble dégagée. Cela agace les locaux qui s’engagent sur la voie unique, se trouvent nez à nez avec un autre véhicule, et tout se bloque.
En raison de travaux d’élargissement de la route, et de forts éboulements de rochers sur la chaussée, la circulation est très perturbée, Il nous faudra en tout 3 heures pour parcourir 16km.
Il fait nuit depuis 2 heures et on n’a pas le courage d’atteindre Pasto. Nous décidons de de passer la nuit dans une station -service. La 1° ayant disparu avec les travaux, on se pose dans la seconde « Biomax »
N 01° 06’ 48.9’’ O 71° 22’ 50.1’’ 2822m
Km 224 Total 7238
Mardi 10 décembre Jour 56 Ibarra / Poyapan
Plus calme sur la route le matin, bien que les travaux ne soient pas terminés. Courte halte à Pasto, pour quelques courses au passage dans un Exito, il semble que cela sera un fournisseur privilégié, avant de reprendre la panamericana norde, vers le nord- est.
Cette voie « internationale », souvent pas plus large que nos départementales, qui a été tracée dans le long sillon séparant deux lignes de crêtes de la cordillère occidentale doit franchir de nombreux cols aux multiples lacets. Encombrée de poids lourds qui plus est, cela limite nos espoirs de performance à 45/50 km/h., tout en permettant d’apprécier le paysage, spectaculaire avec ses gorges vertigineuses, ses à- pic et ses reliefs ravinés.
Plus accidenté que la partie équatorienne, il est moins cultivé dans les hauts et consacré à l’élevage extensif de bovins dans les vallées, où la route court sous une voute végétale dont l’ombre doit être appréciée par beau temps. Nous n’en aurons pas l’occasion.
A propos de vénézuéliens, nous en avons croisé en Equateur et au Pérou, mais leur nombre augmente quand on se dirige vers le nord. Rarement seuls, plus souvent en petits groupes, ils marchent, qui avec un sac pour tout bagage, qui trainant une valise à roulettes, voire poussant une brouette, ils marchent, on ne sait vers où. Jeunes, pour la plupart, mais on verra aussi des familles complètes, les enfants portant leur part, ils marchent, mendient parfois, font des pauses dans les fossés, encaissent les orages, dorment on ne sait où. Ce spectacle fend le cœur.
Quand tout un peuple vote ainsi avec ses pieds, inutile de s’interroger longuement sur la nature du régime qui les a fait quitter leur pays.
Arrivés à Popayan, qui fut un temps la capitale de région de la Cauca avant d’être supplantée par Cali, nous n’aurons pas trop de difficulté pour trouver le bivouac, le « camping » Kawallu, très proche de la place centrale. Guillemets au « camping » car il s’agit de la cour d’une maison en chantier qui accueillera peut- être un jour des voyageurs dans ses chambres en cours de construction. On évitera les sanitaires mais l’accueil est sympa et le wifi correct.
N 02° 53’ 24.2’’ O 76° 17’ 03.8’’
Km 272 Total 7510
Mercredi 11 et jeudi 12 décembre Jour 57 et 58 Popayan
Mauvaise nuit. Le gros orage quotidien a été long et nous avons constaté des fuites dans la capucine. Il restera à écoper la partie avant, Agnès, plus souple s’en chargera, après avoir sorti draps et linge de rechange, trempés. La nuit fut courte.
Un examen du toit dès le jour levé nous révèlera deux petites fissures extérieures, épaisses d’un cheveu et longues d’une vingtaine de cm, au niveau de l’arrondi supérieur, sans doute dues aux contraintes subies par la cellule sur les pistes. Difficile de croire que des fissures aussi étroites puissent laisser passer autant d’eau, mais on ne voit pas d’autre source. Rustine temporaire avec du ruban adhésif qui devrait colmater la brèche, on surveillera et verra à faire mieux au retour, En attendant, nous ne couperons pas à l’opération de retournement du matelas pour nettoyer les sommiers et sécher l’ensemble.
Cette corvée, et une expédition vers une lavanderia pour laver et sécher la lingerie nous prendra la matinée. Nous pourrons quand même apprécier le charme de la place d’armes et des rues adjacentes, ayant conservé leur style colonial, bien qu’abritant des boutiques qui ne dépareraient pas nos cités. On y voit la volonté politique, par l’absence de néons, la qualité des lanternes d’éclairage, l’unité de tons, l’entretien des bâtiments et voiries, de préserver l’image de la ville.
Nous souhaitions nous rendre au Parque arqueologico de San Augustin, réputé pour son ensemble de statues de pierres (près de 600) datant de la période dite « classique » (-1 à +900 de notre ère)
Situé à 100 km à l’est de Popayan, le parc est desservi, sur notre versant, par une piste. A l’office de tourisme, le fort aimable employé nous précise qu’elle est large et en bon état, et qu’il faut compter 7 heures pour la parcourir, 100km !
Cela nous refroidit, d’autant qu’il faut éviter de rouler l’après- midi, en cas de pluie, ça ne peut pas améliorer l’état de la piste.
Et atteindre le site par l’autre versant implique un contournement de 400km. On renonce, nous partirons vers le nord.
La 2° nuit fut pire que la précédente : pluie à l’extérieur et fuites abondantes à l’intérieur, jusque dans les placards. On appelle Touareg le matin, et Vincent nous recommande d’étancher complètement les lanterneaux, il est possible que, selon l’inclinaison du véhicule, en cas de très fortes pluies, de l’eau pénètre par les feuillures. Notre matinée sera très occupée : Agnès vide les placards, sèche ce qui le nécessite et remballe tout dans des sacs étanches, on ne sait jamais..
De mon côté, sur le toit je colmate les lanterneaux à la bande adhésive. Dans la foulée, je fais la même chose et recouvre tous les joints silicone, au cas où l’un d’entre eux aurait mal vieilli. Mauvais film : ce n’est pas « La chatte sur un toit brûlant » mais « le matou sur un toit fuyant » Enfin, le matou, à voir…
Ballade dans la ville l’après-midi, c’est la fête de la gastronomie.
Vendredi 13 décembre Jour 59 Popayan / Salento
Gros soulagement, malgré des cataractes toute la nuit, on est resté au sec. Merci Vincent
Longue descente depuis Popayan . 200 km dans la vallée de la Cauca où, à 1000m d’altitude se déploient des champs de canne à sucre à l’infini, les montagnes n’étant plus visibles à l’horizon. La route 25, ou Panamericana Norde, se transforme en belle d’autoroute. On y croise Les « tren canero » monstrueux ensembles routiers à 5 remorques transportant les cannes vers les sucreries.
On quitte la 25 à La Paila, direction Pereira, pour nous rendre au village de Salento. Ça remonte, nous sommes entrés dans la « zona cafetera ».
Bivouac au camping Guaduales de la Floresta, ça sent bon le crottin
N 04° 38’ 07.1’’ O 75° 34’ 18.6’’ Altitude 2000m
Km 344 Total 7854
Samedi 14 décembre Jour 60 Salento
Le propriétaire du camping, qui possède une douzaine de chevaux, organise des ballades vers les « fincas » productrices de café. Je me joindrai à un groupe qui se rend à la finca « Los acacias » à cheval, Agnès m’y retrouvera en taxi. Vu l’étroitesse des chemins et le relief particulièrement accidenté, les taxis sont tous des jeep Willis
De la piste, la vue est époustouflante sur les reliefs environnants, sûrement parmi les plus beaux paysages que l’on ait vus jusqu’ici, malheureusement bien voilés en cette saison.
A « Los Acacias », José, patron de cette exploitation familiale nous accueille et nous fait visiter.
Les baies de caféier ne sont pas destinées uniquement à la torréfaction, mais également à la production de nouveaux plants par plantation en semis. Ces plants ne produisant pas avant trois ans, et la durée de vie d’un caféier, ici de la variété Arabica Castillo, ne dépassant pas 20 ans, les parcelles sont replantées en permanence afin d’assurer une production continue.
La cueillette des baies de café a lieu toute l’année, mais son maximum se situe entre avril et juillet. En raison de la pente, des critères de l’agriculture biologique, et pour se conformer aux règles ayant permis le classement de la zone au « Patrimoine mondial », toute la cueillette se fait à la main. Un bon cueilleur peut ramasser entre 100 et 150kg par jour, sur des journées de 11h, et est payé 500 sols par kg, soit environ 0,14€ . José nous précisera que le travail est si dur que l’on ne trouve plus de jeunes pour l’effectuer, tous ses employés sont âgés de plus de 50 ans.
Les baies, initialement vertes, n’arrivant pas toutes simultanément à maturité, elles sont alors d’un beau rouge foncé, il est nécessaire de revenir sur chaque arbuste tous les 20 jours.
La finca emploie 7 personnes, y compris José, qui collectent 6 tonnes de baies par saison. Cette activité étant insuffisante sur le plan économique, elle produit aussi des légumes, quantités de fruits et s’est lancée dans la production de mures. Elle s’orne aussi de nombreuses fleurs et plantes, ici des plants de gingembre.
Le process de production du café est relativement simple : une égreneuse sépare les grains de leur enveloppe, les grains à défaut sont séparés par flottage puis récupérés en second choix.
Le séchage peut être fait à l’air ou en sécheur, puis la balle est mécaniquement séparée du grain, et le café est prêt à être expédié vers les torréfacteurs, qui le grilleront dans des conditions propres à apporter fragrance et arôme selon le goût des clients. Les 6 tonnes de baies initialement cueillies se sont réduites à une tonne de grains de café, qui sera intégralement commercialisée sur place.
José nous précisera qu’il faut se méfier des cafés trop foncés, signe que l’on aura voulu masquer des défauts par une torréfaction trop poussée. Quant à lui, il est persuadé que le café de Colombie, troisième producteur mondial après le Brésil et le Vietnam est le meilleur du monde !
Nous terminerons la journée par une promenade dans le village, très fréquenté en ce samedi, et en apprécierons l’architecture colorée.
Nous avons décidé de zapper la ville de Cali, sans grand intérêt. Demain nous prendrons la route de Medellin, ex capitale des narcos, aujourd’hui bien apaisée. Jusqu’à présent, nous n’avons vu aucun signe des troubles sociaux qui agitent la Colombie. Sur une portion de la route, de nombreux détachements militaires étaient en faction, sans arrêter les véhicules. A notre grande surprise, nous eûmes droit à des saluts militaires, le summum étant une escouade de 4 soldats claquant les talons, main au front à notre passage. Peut être que leur colonel roule en command-car ressemblant à notre véhicule…
Pour l’heure il est temps de rentrer, l’orage quotidien s’annonce.
Le camping est à quelques centaines de mètre du centre du village, heureusement, car on entendra les échos de la java qui y règne jusqu’à tard dans la nuit, comme tous les samedis, partout en Amérique du sud.
Et merci à Philippe pour son travail sur notre itinéraire, via Google map








































































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