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Lundi 9 décembre  Jour 55   Ibarra / Tanga

Une centaine de km jusqu’à la frontière. L’endroit est plutôt encaissé, et congestionné, pour tout dire, ça a l’air d’être un peu le souk. Partout des changeurs ambulants et des vendeurs d’assurance, on les évite, car les arnaques sont fréquentes.

Les formalités seront assez rapides côté équatorien, beaucoup plus longues côté colombien.

Pour l’immigration, trois files : nationaux, étrangers et vénézuéliens. L’espace prévu pour ces derniers est le plus important, les autorités ayant dû faire face à un afflux massif, qui semble s’être tari, la zone étant vide aujourd’hui. Et toujours les tentes des ONG.

A la douane, pour obtenir l’autorisation temporaire d’importation du véhicule, on nous demande de fournir des copies de la carte grise, du permis de conduire et du passeport, nous avons tout ça. Mais il faut aussi la copie du cachet d’entrée de la police, sur le passeport. On se demande bien pourquoi ! Il faut alors sortir du poste, chercher une guitoune qui fasse des copies, et au préalable changer 10 dollars pour payer l’opération.

Quand nous revenons à la douane, le préposé, qui avait conservé notre dossier, est parti casser la croûte. On attend devant un bureau vide jusqu’à ce que, à bout de patience, Agnès s’adresse à ce qui ressemble à un chef. Celui-ci va aussitôt chercher une douanière, qui nous ignorait volontairement depuis un moment.

Elle s’occupera de nous, sans enthousiasme, mais nous fournira l’autorisation indispensable.

Dès la frontière passée, halte à Ipiales, petite ville au centre très congestionné. Merci Ioverlander, le super-marché Exito vend des assurances auto (16€ pour un mois..) et dispose de DAB . Il va  falloir s’ habituer au cours : à 3560 pesos pour un euro, nous devrons retirer 1,2 million de pesos pour avoir suffisamment de liquide pour la route. Quant à l’assurance, elle est obligatoire. En Equateur, par contre, nous avions vainement cherché un agent d’assurance : n’étant pas obligatoire, personne n’en propose. Nous avons donc roulé un mois sans, sensation désagréable.

Dès la sortie de la ville, un court crochet vers le sanctuaire de la Virgen de Las Lajas.  Ici, dans une grotte près du rio Guaitara, en 1754, une sourde-muette, Soubirous locale, retrouva l’usage de la parole, revint quelques jours plus tard, vit la Vierge et l’enfant Jésus, tomba malade et en mourut, puis fut ressuscitée, par la Vierge on le devine.

L’endroit devint naturellement un lieu de pèlerinage et les travaux de constructions d’une église, qui durèrent 50 ans, furent entrepris en 1899.

Néo-gothique, on aime ou on n’aime pas, moi, non, mais l’église vaut surtout par son emplacement, exceptionnel, en fond de gorge.

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Sur les parois des escaliers d’accès, des milliers d’ex voto.

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Nous repartons en direction de la ville de Pasto, mais le trajet sera bien plus pénible que prévu : 1h30 à attendre devant des travaux, alors que la circulation dans l’autre sens semble dégagée. Cela agace les locaux qui s’engagent sur la voie unique, se trouvent nez à nez avec un autre véhicule, et tout se bloque.

En raison de travaux d’élargissement de la route, et de forts éboulements de rochers sur la chaussée, la circulation est très perturbée, Il nous faudra en tout 3 heures pour parcourir 16km.

Il fait nuit depuis 2 heures et on n’a pas le courage d’atteindre Pasto. Nous décidons de de passer la nuit dans une  station -service. La 1° ayant disparu avec les travaux, on se pose dans la seconde « Biomax »

N 01° 06’ 48.9’’   O 71° 22’ 50.1’’   2822m

Km 224 Total 7238

Mardi 10 décembre   Jour 56   Ibarra / Poyapan

Plus calme sur la route le matin, bien que les travaux ne soient pas terminés. Courte halte à Pasto, pour quelques courses au passage dans un Exito, il semble que cela sera un fournisseur privilégié, avant de reprendre la panamericana norde, vers le nord- est.

Cette voie « internationale », souvent pas plus large que nos départementales, qui a été tracée dans le long sillon séparant deux lignes de crêtes de la cordillère occidentale doit franchir de nombreux cols aux multiples lacets. Encombrée de poids lourds qui plus est, cela limite nos espoirs de performance à 45/50 km/h., tout en permettant d’apprécier le paysage, spectaculaire avec ses gorges vertigineuses, ses à- pic et ses reliefs ravinés.

Plus accidenté que la partie équatorienne, il est moins cultivé dans les hauts et consacré à l’élevage extensif de bovins dans les vallées, où la route court sous une voute végétale dont l’ombre doit être appréciée par beau temps. Nous n’en aurons pas l’occasion.

A propos de vénézuéliens, nous en avons croisé en Equateur et au Pérou, mais leur nombre augmente quand on se dirige vers le nord. Rarement seuls, plus souvent en petits groupes, ils marchent, qui avec un sac pour tout bagage, qui trainant une valise à roulettes, voire poussant une brouette, ils marchent, on ne sait vers où. Jeunes, pour la plupart, mais on verra aussi des familles complètes, les enfants portant leur part, ils marchent, mendient parfois, font des pauses dans les fossés, encaissent les orages, dorment on ne sait où. Ce spectacle fend le cœur.

Quand tout un peuple vote ainsi avec ses pieds, inutile de s’interroger longuement sur la nature du régime qui les a fait quitter leur pays.

Arrivés à Popayan, qui fut un temps la capitale de région de la Cauca avant d’être supplantée par Cali, nous n’aurons pas trop de difficulté pour trouver le bivouac, le « camping » Kawallu, très proche de la place centrale. Guillemets au « camping » car il s’agit de la cour d’une maison en chantier qui accueillera peut- être un jour des voyageurs dans ses chambres en cours de construction. On évitera les sanitaires mais l’accueil est sympa et le wifi correct.

N 02° 53’ 24.2’’    O 76° 17’ 03.8’’

Km 272   Total 7510

Mercredi 11 et jeudi 12 décembre   Jour 57 et 58    Popayan

Mauvaise nuit. Le gros orage quotidien a été long et nous avons constaté des fuites dans la capucine. Il restera à écoper la partie avant, Agnès, plus souple s’en chargera, après avoir sorti draps et linge de rechange, trempés. La nuit fut courte.

Un examen du toit dès le jour levé nous révèlera deux petites fissures extérieures, épaisses d’un cheveu et longues d’une vingtaine de cm, au niveau de l’arrondi supérieur, sans doute dues aux contraintes subies par la cellule sur les pistes. Difficile de croire que des fissures aussi étroites puissent laisser passer autant d’eau, mais on ne voit pas d’autre source. Rustine temporaire avec du ruban adhésif qui devrait colmater la brèche, on surveillera et verra à faire mieux au retour, En attendant, nous ne couperons pas à l’opération de retournement du matelas pour nettoyer les sommiers et sécher l’ensemble.

Cette corvée, et une expédition vers une lavanderia pour laver et sécher la lingerie nous prendra la matinée. Nous pourrons quand même apprécier le charme de la place d’armes et des rues adjacentes, ayant conservé leur style colonial, bien qu’abritant des boutiques qui ne dépareraient pas nos cités. On y voit la volonté politique, par l’absence de néons, la qualité des lanternes d’éclairage, l’unité de tons, l’entretien des bâtiments et voiries, de préserver l’image de la ville.

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Nous souhaitions nous rendre au Parque arqueologico de San Augustin, réputé pour son ensemble de statues de pierres (près de 600) datant de la période dite « classique » (-1 à +900 de notre ère)

Situé à 100 km à l’est de Popayan, le parc est desservi, sur notre versant, par une piste. A l’office de tourisme, le fort aimable employé nous précise qu’elle est large et en bon état, et qu’il faut compter 7 heures pour la parcourir, 100km !

Cela nous refroidit, d’autant qu’il faut éviter de rouler l’après- midi, en cas de pluie, ça ne peut pas améliorer l’état de la piste.

Et atteindre le site par l’autre versant implique un contournement de 400km. On renonce, nous partirons vers le nord.

La 2° nuit fut pire que la précédente : pluie à l’extérieur et fuites abondantes à l’intérieur, jusque dans les placards. On appelle Touareg le matin, et Vincent nous recommande d’étancher complètement les lanterneaux, il est possible que, selon l’inclinaison du véhicule, en cas de très fortes pluies, de l’eau pénètre par les feuillures. Notre matinée sera très occupée : Agnès vide les placards, sèche ce qui le nécessite et remballe tout dans des sacs étanches, on ne sait jamais..

De mon côté, sur le toit je colmate les lanterneaux à la bande adhésive. Dans la foulée, je fais la même chose et recouvre tous les joints silicone, au cas où l’un d’entre eux aurait mal vieilli. Mauvais film : ce n’est pas « La chatte sur un toit brûlant » mais « le matou sur un toit fuyant » Enfin, le matou, à voir…

Ballade dans la ville l’après-midi, c’est la fête de la gastronomie.

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Vendredi 13 décembre  Jour 59  Popayan / Salento

Gros soulagement, malgré des cataractes toute la nuit, on est resté au sec. Merci Vincent

Longue descente depuis Popayan . 200 km dans la vallée de la Cauca où, à 1000m d’altitude se déploient des champs de canne à sucre à l’infini, les montagnes n’étant plus visibles à l’horizon. La route 25, ou Panamericana Norde, se transforme en belle d’autoroute. On y croise Les « tren canero » monstrueux ensembles routiers à 5 remorques transportant les cannes vers les sucreries.

On quitte la 25 à La Paila, direction Pereira, pour nous rendre au village de Salento. Ça remonte, nous sommes entrés dans la « zona cafetera ».

Bivouac au camping Guaduales de la Floresta, ça sent bon le crottin

N  04° 38’ 07.1’’   O 75° 34’ 18.6’’  Altitude 2000m

Km 344  Total 7854

Samedi 14 décembre   Jour 60  Salento

Le propriétaire du camping, qui possède une douzaine de chevaux, organise des ballades vers les « fincas » productrices de café. Je me joindrai à un groupe qui se rend à la finca « Los acacias » à cheval, Agnès m’y retrouvera en taxi. Vu l’étroitesse des chemins et le relief particulièrement accidenté, les taxis sont tous des jeep Willis

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De la piste, la vue est époustouflante sur les reliefs environnants, sûrement parmi les plus beaux paysages que l’on ait vus jusqu’ici, malheureusement bien voilés en cette saison.

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A  « Los Acacias », José, patron de cette exploitation familiale nous accueille et nous fait visiter.

Les baies de caféier ne sont pas destinées uniquement à la torréfaction, mais également à la production de nouveaux plants par plantation en semis. Ces plants ne produisant pas avant trois ans, et la durée de vie d’un caféier, ici de la variété Arabica Castillo, ne dépassant pas 20 ans, les parcelles sont replantées en permanence afin d’assurer une production continue.

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La cueillette des baies de café a lieu toute l’année, mais son maximum se situe entre avril et juillet. En raison de la pente, des critères de l’agriculture biologique, et pour se conformer aux règles ayant permis le classement de la zone au « Patrimoine mondial », toute la cueillette se fait à la main. Un bon cueilleur peut ramasser entre 100 et 150kg par jour, sur des journées de 11h, et est payé 500 sols par kg, soit environ 0,14€ . José nous précisera que le travail est si dur que l’on ne trouve plus de jeunes pour l’effectuer, tous ses employés sont âgés de plus de 50 ans.

Les baies, initialement vertes, n’arrivant pas toutes simultanément à maturité, elles sont alors d’un beau rouge foncé, il est nécessaire de revenir sur chaque arbuste tous les 20 jours.

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La finca emploie 7 personnes, y compris José, qui collectent 6 tonnes de baies par saison. Cette activité étant insuffisante sur le plan économique, elle produit aussi des légumes, quantités de fruits et s’est lancée dans la production de mures. Elle s’orne aussi de nombreuses fleurs et plantes, ici des plants de gingembre.

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Le process de production du café est relativement simple : une égreneuse sépare les grains de leur enveloppe, les grains à défaut sont séparés par flottage puis récupérés en second choix.

Le séchage peut être fait à l’air ou en sécheur, puis la balle est mécaniquement séparée du grain, et le café est prêt à être expédié vers les torréfacteurs, qui le grilleront dans des conditions propres à apporter fragrance et arôme selon le goût des clients. Les 6 tonnes de baies initialement cueillies se sont réduites à une tonne de grains de café, qui sera intégralement commercialisée sur place.

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José nous précisera qu’il faut se méfier des cafés trop foncés, signe que l’on aura voulu masquer des défauts par une torréfaction trop poussée. Quant à lui, il est persuadé que le café de Colombie, troisième producteur mondial après le Brésil et le Vietnam est le meilleur du monde !

Nous terminerons la journée par une promenade dans le village, très fréquenté en ce samedi, et en apprécierons l’architecture colorée.

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Nous avons décidé de zapper la ville de Cali, sans grand intérêt. Demain nous prendrons la route de Medellin, ex capitale des narcos, aujourd’hui bien apaisée. Jusqu’à présent, nous n’avons vu aucun signe des troubles sociaux qui agitent la Colombie. Sur une portion de la route, de nombreux détachements militaires étaient en faction, sans arrêter les véhicules. A notre grande surprise, nous eûmes droit à des saluts militaires, le summum étant une escouade de 4 soldats claquant les talons, main au front à notre passage. Peut être que leur colonel roule en command-car ressemblant à notre véhicule…

Pour l’heure il est temps de rentrer, l’orage quotidien s’annonce.

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Le camping est à quelques centaines de mètre du centre du village, heureusement, car on entendra les échos de la java qui y règne jusqu’à tard dans la nuit, comme tous les samedis, partout en Amérique du sud.

Et merci à Philippe pour son travail sur notre itinéraire, via Google map

 

Dimanche 15 décembre  Jour 61   Salento / Medellin

Très belle descente par l’autoroute 29, dite autoroute du café, qui serpente sur les crêtes entre les sommets plantés de caféiers, magnifique paysage, puis rejoint l’autoroute 25, la panaméricaine nord. Et là ça se gâte, elle est en travaux pour doubler les voies tout le long des gorges du rio Cauca. On se cognera donc des passages alternatifs tout l’après-midi. Puis on attaquera la montée avant La Pintada, et ce sera pire : plus de travaux, mais sur cette route à deux voies, nous nous retrouverons dans une file ininterrompue de véhicules, dont des camions qui se croisent difficilement dans les lacets, qui grimpent les côtes à 15km/h et descendent au frein moteur à 30. Les routiers sont corrects cependant et font signe quand on peut doubler, mais on en a rarement la possibilité.

Ici, on le regrette, la circulation des poids lourds n’est pas interdite le dimanche…

On parcourra une cinquantaine de km pare choc contre pare choc, dans l’odeur d’embrayages maltraités dans les montées, et de gaz d échappement, puis le brouillard viendra rendre la conduite plus difficile.

Nous tenterons de bivouaquer dans deux stations-service successives qui nous refouleront, et finirons par échouer, une fois atteinte l’autoroute urbaine, sur une aire de services à 25km du centre-ville. Très bruyante, très fréquentée en ce dimanche soir pour son fast-food géant qui distribue des beignets de poulet à la chaine.

On s’en fout, on est morts de fatigue, on se tanquera devant deux distributeurs de billets,  sûrs que là on ne se fera pas braquer : c’est bien éclairé, et dans le champ des caméras de surveillance.

Km 230  Total 8094

Lundi 16 décembre  Jour 62   Medellin

Nous démarrons tôt, espérant éviter les bouchons du lundi matin. Bonne pioche, la descente, puis l’entrée en ville par la pénétrante sud, qui longe la ligne de métro, seront étonnement fluides et nous arriverons rapidement jusqu’au centre-ville, puis au parque Floresta, petit jardin recommandé sur Ioverlander.

Un chaouch y surveille les stationnements. Je vais le voir, lui propose 10 000 sols, un parking coûtant ici de 12 à 15000 la demi- journée. Il devient aussitôt mon meilleur copain et me brosse les avantages du quartier : magasins, internet à la bibliothèque, métro à deux pas.

Nous ferons une séance internet à la bibliothèque, plus centre social qu’exclusivement bibliothèque publique, au son de la musique rythmant les étirements d’un groupe de « ménagères de 40 ans », pleines de peps.

Fondée en 1576, puis développée sous l’impulsion d’immigrés basques au XVIII° siècle, la ville de Medellin, de très vilaine réputation du temps du père Escobar, partait de loin : les districts périphériques, dépourvus de services publics et où s’étaient concentrées les populations les plus fragiles, souvent chassées du centre par la misère voire par la force étaient aux mains des mafias. Quand l’Etat est déficient, le besoin de protection vous jette dans les bras de ceux qui peuvent vous l’assurer et Medellin était alors tenu par 6 « familles », prospérant grâce au trafic de la cocaïne, au prix d’une féroce guerre pour conserver leurs territoires.

Par ailleurs les FARC, ayant perdu le soutien financier de Moscou après la chute du bloc soviétique, s’étaient tournées vers le racket, les enlèvements et le trafic d’armes, et contrôlaient les hauteurs de la ville.

Ces districts étaient les plus dangereux de cette ville, la plus meurtrière de Colombie, voire de la planète avec 380 assassinats pour 100 000 habitants

Au milieu des années 80, sous l’influence d’un groupe d’experts en planification sociale le gouvernement colombien et la ville entreprirent de reconquérir ces barrios par des investissements lourds dans les infrastructures jusqu’alors absentes, eau, électricité, égouts, par l’apport des services sociaux et éducatifs indispensables, mais surtout en les désenclavant par un réseau complet de transports publics: deux lignes de métro aérien, trois lignes de tramway et 5 lignes de télécabines, toutes interconnectées, d’une étonnante efficacité, qui ont permis l’accès au travail à ceux qui en étaient privés par l’éloignement des bassins d’emploi. Nous serons surpris de voir des couloirs réservés aux bus et aux taxis, agglutinés aux stations de métro et l’alimentant en milliers de piétons se rendant en ville, et des voies réservées aux cyclistes.

Cette révolution de la mobilité passa par des négociations avec les cartels, par le la prise en main par les communautés, souvent ethniques et parfois par des actions « d’autorité », qui accompagnèrent la lutte à mort contre Pablo Escobar, que ses ambitions politiques conduisirent à sa perte, et à son exécution par la police, en 1993.

Nous plongeons dans l’ambiance du centre- ville en descendant à la station « Parque Berio ». Là nous serons saisis par la foule, la musique omniprésente. Sous le métro, le bruit est assourdissant, insupportable.

Sur le parvis, un attroupement de cheveux gris. Nous apprendrons qu’il s’agit de vendeurs de montres. Plus loin, un trio de musiciens entourés d’anciens qui fredonnent les airs avec recueillement, interprètent un répertoire emprunt de nostalgie, aux accents de « saudade » portugaise.

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Nous sommes à deux pas de la plazza Botero, où l’on peut admirer 23 œuvres de l’artiste originaire de Medellin, évaluées à 2 à 3 millions de dollars pièce, quand même…

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Petite promenade ensuite dans le jardin botanique, le pavillon des orchidées étant malheureusement fermé pour la préparation d’une soirée, on pourra cependant y rencontrer quelques iguanes.

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Après un repas à l’ombre, dans la cafet du jardin, nous prendrons la ligne B du métro, jusqu’au terminus de San Javier. A la sortie, nous y serons assaillis par les guides qui se proposent de nous faire visiter la Communa 13, l’un des 16 districts de la ville, celui-ci ayant été créé à flanc de colline par les habitants afro- colombiens quand ils furent chassés du centre- ville.

Il regroupe 260 000 personnes et était devenu l’un des territoires contrôlés par les narcos, les FARC et l’ERC, l’armée révolutionnaire colombienne.

Nous choisirons Steven, prof d’anglais originaire du quartier et guide pendant ses loisirs, pour nous présenter le district. Il nous entrainera sur les marches du raidillon qui mène au barrio, et l’on y aura une vue plongeante sur la ville.

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Le 16 octobre 2002, l’armée entra dans la Communa 13 lors de l’opération Orion : 4 jours de combats avec hélicoptères d’assaut, chars et snipers, qui chasseront les gangs, mais feront 250 victimes civiles. Traumatisme qui reste dans les mémoires mais a cependant permis la rappropriation de la communa par ses habitants, qui en ont assuré la resocialisation par la construction d’écoles, la mise en place de commerces et d’associations, la reconstruction de logements. Cette volonté de projection vers l’avenir, soutenue par les autorités mais néanmoins autonome, est illustrée dans les « graffiti », fresques qui ornent les murs du principal chemin d’accès au barrio et rivalisent sans peine avec celles de Valparaiso.

On apprendra la différence entre un « mural », exécuté à la brosse, et un graffiti, réalisé à la bombe, beaucoup plus couteux et exécuté par des artistes professionnels. Ils ont tous une signification symbolique, relative à l’histoire du barrio. On remarquera la prédominance des visages féminins…Influence de la Pachamama?

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Sur les pentes, les rappeurs expriment leur mal être et leur fierté communautaire, les  break-dancers tournoient, et la gamins disputent leur ballon de foot au « peros », les chiens, qui pullulent.

 

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Km 24  Total 8118

Mardi 17 décembre Jour 62   Medellin / Sante Fe de Anquioca

Visite de la ville avec un guide, ce sera plus une promotion des efforts de la ciudad pour pacifier Medellin qu’une visite touristique. Le financement de ce programme de reconquête nous restera mystérieux. Il aurait été supporté essentiellement par la société d’économie mixte gérant l’ensemble des utilités de l’agglomération, qui aurait trouvé ses ressources grâce aux gigantesques programmes de production hydro électriques réalisés dans la région. Cela nous semble une trop belle histoire, mais, bon, seul le résultat compte.

Nous avons choisi de gagner Cartagena par la côte (zone à éviter d’après les Affaires étrangères, en raison d’une forte présence de narcos et de résidus des FARC, mais ici, on nous dit qu’il n’y a aucun danger), plutôt que par la panam 25, qui file, vers le nord, dans une longue traversée montagneuse.

Nous rencontrons de lourds travaux sur toute la 1° partie de la route : on y double les voies pour en faire une autoroute. De nombreux camions bennes, chargés de terre ou de rochers sont au pas dans les montées, et transforment le flux de véhicules en lente chenille. Très pénible, on a hâte de s’arrêter

Agnès a dégoté une superbe étape : Les Cabanas de Pino, à Santa Fe de Antioqua. Il fait si chaud qu’on passera la nuit dans un des bungalows climatisés et on piquera illico une tête dans la piscine.

N 6,55869°   O 75,83509°   Altitude 1500m   Température 28°

Km 61   Total 8179

Mercredi 18 décembre Jour 68  Santa fe / Rio Grande

Visite de la très charmante ville coloniale, avec, comme à Popayan, un centre historique préservé et une belle architecture de plazza de armas coloniale.

 

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Toujours dans la montagne, nous devrons franchir un col, modeste, à 2100m. La route, la panam 62, qui doit être en temps normal une belle deux voies descendant vers la mer en suivant, à mi- hauteur des reliefs, le cours du rio, est actuellement en travaux, un gigantesque chantier mené par des entreprises chinoises, visant à la doubler en fond de vallée par une nouvelle route.

Cela nécessite de nombreux ouvrages d’art, de gigantesques mouvements de terrains, des centaines de camions et des milliers d’ouvriers colombiens, encadrés par du personnel chinois. Et bien sûr, de nombreuses interruptions de circulation sur près de 200km. Mais très peu de trafic, rien à voir avec la veille.

Pendant la pause déjeuner, un groupe de jeunes métreurs colombiens viendra nous saluer, puis prendra la pose devant notre véhicule pour l’obligatoire selfie, en entrainant leur géomètre chinois. Quand je leur demanderai si leur chinois parle espagnol, l’un d’eux me répondra, en rigolant : »mas o meno »

Puis nous arriverons dans la plaine côtière : terrain plat,  route flambant neuve, et c’est tout droit.

Nous sommes entrés dans une zone de « ganaderias », les domaines où l’on pratique l’élevage extensif des bovins. Elles alternent avec les bananeraies et ce curieux spectacle des régimes empaquetés dans des sacs plastiques.

Bivouac dans une station Terpel, à Rio Grande, peu après la ville d’Apartado.

N 7° 55’ 37.7’’      O 76° 37’ 14.8’’      Altitude 54m   Température 29°

Km 260 Total 8439

Jeudi 19 décembre Jour 69  Rio Grande / Maria la Baja

Nous roulerons toute la journée, route tantôt bonne, tantôt en chantier, à travers d’immenses bananeraies, des plantations de palmistes et parfois des ganaderias. Les villages sont fréquents, et le long de la route, les paillottes sur pilotis nous rappellent celles de la côte équatorienne.

De nombreux postes de police ou de l’armée jalonnent les routes. Les policiers nous regardent passer et les soldats nous saluent. Nous ne serons jamais contrôlés.

A Necocli, en bord de route, la mer.  C’est la caraïbe, nous sommes passés du Pacifique à l’Atlantique en traversant la base de l’isthme de Panama

En début d’après- midi, cela se corsera quand nous retrouverons la panam 25, qui remonte de Medellin : toujours des travaux et en plus, les camions sont là..

Nous ne réussirons pas à atteindre Cartagena, la nuit, et la fatigue, nous ont rattrapés.

Cartagena sera notre point de chute. Nous avions prévu de transférer notre véhicule au Mexique ou en Floride, sans être complètement fixés sur notre prochain périple. Mais les règlementations douanières limitent les durées d’entreposage des véhicules et génèrent de fortes contraintes de gestion de temps en imposant un retour parfois trop précoce.

Et après trois séjours en Amérique du sud, avoir  navigué pendant 5 semaines, visité l’Uruguay, l’Argentine, le Chili, la Bolivie, le sud Brésil, effleuré le Paraguay, parcouru le Perou, l’Equateur et la Colombie, couvert 48000km, roulé pendant 11 mois, nous sommes un peu las et avons décidé d’embarquer le véhicule à Cartagena, direction Bremerhaven.

Nous reprendrons sans doute notre projet de voyage vers les USA et le Canada plus tard, sous une forme à déterminer.

L’embarquement est prévu le 4 janvier, nous devrions le récupérer le 20 en Allemagne, de notre côté nous décollerons le 8 janvier pour Paris.

Mais, d’ici là, fin de séjour cool pour profiter des derniers jours et découvrir la Guajira, la côte caraïbe colombienne, à la frontière du Venezuela.

Bivouac dans une station Terpel, à Maria La Baja, à 70km de Cartagena

Là encore, il fait trop chaud pour dormir dans le véhicule. Le motel voisin nous tend les bras. A 25000 cop la chambre climatisée, soit 7€, pourquoi s’en priver ?

N 9° 59’ 07.6’’      O 75° 16’ 05.2’’      Altitude 20m   Température 28°

Km 430 Total 8869

Bonnes fêtes de Noël à tous…

 

 

Arrivés à Cartagena de los Indias, dernière étape de notre périple, nous vous souhaitons à tous une excellente année 2020, et un joyeux réveillon.

Un grand merci à toutes celles et ceux qui nous ont envoyé leurs vœux, ou nous ont témoigné leur amitié par leur fidélité à suivre ces récits de voyage.

Et en guise de carte de vœux, ce « pêcheur d’étoiles » qui, même lorsque son filet remonte vide, relance inlassablement: l’espoir est toujours là….

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Agnès & Patrice

Vendredi 20 décembre Jour 66  Maria La Baja / Cartagena

Arrivant de l’ouest, l’accès à notre bivouac, situé à l’est du centre historique, sera malaisé

Le site est exceptionnel, presqu’ile entourée de lagunes, facilement défendable et totalement fortifié. Ces fortifications doivent être contournées par les passages obligés constitués par quelques ronds- points et une traversée de quartiers populaires. Qui dit populaires dit congestionnés, et les traversées de rues se font à l’intimidation.

Arrivés à l’hôtel Bellavista, remarquablement situé sur le malecon, nous serons fort déçus par le standing de l’établissement. Appartenant à un couple, frère et sœur français déjà âgés, il semble ne pas avoir été entretenu depuis sa création, et la zone où nous nous garons à tout de l’arrière -cour d’un mécanicien en faillite. Nous décidons de ne pas y séjourner plus que nécessaire et l’après midi sera consacré à des formalités indispensables : recherche de cash, réservation de nos billets de retour à l’aéroport, premier contact avec l’agent qui gèrera l’expédition du véhicule (seul avantage de l’endroit, c’est à 100 mètres) et réservation de l’hostal où nous passerons nos derniers jours

N 10.43515°   O 75.53872°

Km 73   Total 8942

Samedi 21 et dimanche 22 décembre Jour 67 & 68   Cartagena / Taganga

Depuis Bellavista, on quitte facilement la ville par une belle 4 voies. Direction Santa- Marta. La route a été tracée sur une étroite bande de terre entre mer et lagunes. Au niveau de Cinagua, les villages de pêcheurs, le long de la route-digue sont en très triste état, lagunes dépotoirs aux portes des cubes de parpaings qui constituent les logis. Mais sur la route, de petits kiosques exposent les produits de la pêche, on pourra s’y procurer 1kg d’ énormes gambas.

On ne souhaite pas s’arrêter à Baranquilla, ville dont on nous a dit, « c’est Marseille, en pire », son contournement nous prendra quand même une bonne heure.

Santa Marta présentant peu de bivouacs attractifs, nous contournerons un piton côtier pour atteindre Taganga, village de pêcheurs devenu petite station balnéaire très fréquentée et centre de plongées. On trouve un hostal sympa, Sierra Aventura,tenu par un couple belgo colombien. On y prend une chambre climatisée et on y restera deux jours. Au programme : ceviche, tranches d’espadon frais pêché qu’on négocie sur la plage, mojitos dans les bars sur le sable.

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La visite de Santa Marta sera un peu décevante : cette ville, à l’important port minéralier d’où est exportée la production colombienne de charbon, possède un centre colonial réduit avec une cathédrale plutôt banale, quelques rues joliment décorées et le musée Tairona, où s’éteignit en 1830, à l’âge de 47 ans et dans un isolement d’exilé, Simon Bolivar. Malheureusement, le musée est fermé pour travaux.

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N 11,26646°   0 74,18790°

Km 239 Total 9181

Lundi 23 / mercredi 25 décembre   Jour 69 à 71    Taganga /Palomino

Nous poursuivrons vers l’est. Le gros village de Palomino, « aux plages paradisiaques », n’est qu’une enfilade d’hostals pour routards, avec une plage que la mer a complètement absorbée, et où ne subsiste qu’un maigre passage. Une nuit nous suffira, et on cherchera vite autre chose.

Heureusement, à quelques km, il y a le camping « casa playa  Bernabe », la plage y est effectivement conforme aux descriptions dithyrambiques du guide Gallimard, on s’y gare sous les cocotiers.

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Et, heureuse surprise, alors que nous n’avons croisé aucun « overlander » depuis des semaines, 8 autres véhicules sont venus s’y poser pour les fêtes : allemands, suisses, brésiliens, français, et même un camping- car colombien, espèce rare !

Peu après notre arrivée, un jeune français vient nous inviter à participer au repas « auberge espagnole » pour la soirée de Noël. Nous nous empressons d’accepter, la soirée sera chaleureuse et se terminera sur la plage, les yeux dans le vague devant un feu de camp.

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Et le 25, naturellement, on bulle…

N 11,26060°      O 73,58319°

Km 94  Total  9275

Jeudi 26 décembre  Jour 72  Palomino / Boca de Camarones

Notre objectif est la réserve des flamands, migrateurs qui passent la saison dans l’immense lagune qui borde le village de Boca de Camarones, à quelques km de Camarones. Nous bivouaquerons dans la cour de l’hostal « La Consentida », seul endroit un peu souriant dans un village bien tristounet. Là, comme ailleurs, il y règne une chaleur de four mais la bière y est fraiche, et le patron accueillant : il nous procurera un guide pour la visite de la réserve, et un kg de crevettes, toutes décortiquées…

N 11,43138°  O 73, 08666°

Km 78  Total 9353

Vendredi 27 décembre Jour 73  Boca de Camarones / Palomino

Dès 6 heures, le guide nous rejoint à l’hostal. Une courte marche et nous embarquons dans une barque à fond plat pour une traversée de 30mn de la lagune qui ne fait pas plus de 60 cm de profondeur et s’assèche en avril. Grâce à une voile latine bien vite hissée, le guide, un pur waku de l’ethnie qui contrôle la réserve, pourra s’économiser à la gaffe et nous atteindrons plus vite la zone où se nourrissent les flamands..

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Sur la lagune, il est trop tard pour les cormorans qui filent par milliers vers la mer, mais pas pour les flamands, qui se dirigent vers nous.

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Nous ne nous attarderons pas à Camarones, « Bernabe » est bien plus accueillant. On quitte donc le village, qui restera le point le plus septentrional de notre périple. Plus loin, c’est désertique, et les plages « paradisiaques », on a déjà donné…

Retour donc à « Bernabe ». On y remarquera l’un des mannequins que les colombiens préparent, bourrés de pétards, pour les brûler le soir de la St Sylvestre, en guise d’adieu à l’année écoulée.

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Km 80 Total 9433

28 décembre Jour 74  Palomino / Punta Canoa

On rembobine le film : contournement de Santa Marta, bande côtière, contournement, atroce, de Baranquilla, et on vient se poser à l’hostal « Punta Canoa », dans le village du même nom. Petit, fréquenté en cette période de fêtes, bien tenu et avec une petite piscine, c’est l’endroit idéal pour y préparer l’embarquement

N 10,55585°    O 75, 50044°

Km 310     Total 9743

29 décembre au 1° janvier  Jours 75 à 78    Punta Canoa

On fait les valises, on jette ce qui ne peut plus servir, on vide le frigo, on nettoie et prépare le véhicule, on se fait un petit repas de fêtes avec deux jeunes allemands (foie gras et gambas, classique..) et on attend la suite.

Le 30, nous nous rendons en bus à Cartagena pour signer les documents de transport du véhicule. Expérience décoiffante, ici, comme dans toutes les villes d’Amérique du sud, les chauffeurs parient à qui sera le plus rapide, des chronométreurs jalonnent les parcours et remplissent les fiches enregistrant les performances, abondamment commentées par le chauffeur et son aide. Il faut voir celui ci, à chaque arrêt, sauter en marche, hurler les destinations du bus, rameuter les éventuels passagers et les presser de monter pour ne pas perdre de temps. Pour être honnête, il aide aussi les mémés à monter leurs paquets et fait grimper les enfants. C’est également lui qui passe  encaisser, sans tickets et ayant mémorisé ceux qui n’ont pas encore payé. Avec un tel système, coulage garanti..

Ensuite, on n’a qu’à bien se tenir, le chauffeur se contrefout des passagers, ce qui compte, c’est sa perf… Et même si le bus est plein à craquer, des marchands ambulants montent sans cesse pour vendre glaces, beignets, boissons et friandises, quand ce n’est pas un évangéliste qui pousse la chansonnette en s’accompagnant du doux crissement produit en grattant une tige métallique sur une espèce de râpe à fromage. Ambiance, et moiteur, garantie.

Le dernier soir, la cellule étant encombrée, nous dormirons dans une des chambres, avec clim, bien sûr, occasion pour nous d’admirer la créativité décorative colombienne : un hublot est obturé par….. un couvercle de cuvette de WC !

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2 janvier à ce jour    Jours 79 à 82

Départ dès 7h30, nous devons déposer les bagages qui nous accompagneront en avion à la « Casa 41 », le point de chute à Cartagena qu’Agnès nous a sélectionné, puis nous avons rendez-vous chez « Enlace Caribe », notre agent, à 8h40.

L’épouse du patron, Mme La Rota, nous précèdera en voiture, accompagnée d’un douanier, jusqu’au port, à une vingtaine de km. Port très sécurisé, avec plusieurs contrôles successifs et les formalités d’entrée seront aussi longues que celles préliminaires à la remise du véhicule au personnel du port. Quant au douanier, il se contentera d’une signature. On se demande pourquoi il est venu…

Km 50 Total 9793   Fin du périple

Lorsque je reviens au bâtiment administratif, Agnès est entourée de secouristes et d’un médecin : la gastro qui s’est déclarée, violente, lors de la nuit du réveillon l’a beaucoup affaiblie, malgré les médicaments tirés de notre réserve, ce qui a inquiété Mme La Rota. Le contrôle de la tension, correcte, nous rassure et une boisson réhydratante devrait améliorer la situation.

Le lendemain je dois repartir à 7h30 avec Santiago La Rota, un des fils, pour le contrôle « narcoticos ». Agnès se reposera à l’hôtel. Arrivés sur place, et une fois accomplies les formalités d’entrée, on nous annonce que le contrôle est reporté à 14h30 …. On repart donc, nous reviendrons l’après midi.

Et l’après midi se passera à attendre, le policier chargé du contrôle se pointera à 17h30….

Lorsqu’il arrive, avec son chien, il commence par me dire d’ouvrir les fenêtres et de vider le véhicule. Je lui réponds que c’est impossible, nous avons blindé les fenêtres et le coffre extérieur, démonté, encombre maintenant l’espace repas. Il accepte la situation, grimpe à bord, allume la radio pour vérifier qu’elle n’est pas factice, ouvre et palpe le contenu des placards et se contente d’une inspection sommaire. Ouf !, je n’ai pas dû tout démonter et vider.

Contrôle spectaculaire ensuite, 4 personnes assistent à l’opération et photographient, sans que j’en comprenne la raison. Ils espèrent sans doute être les témoins de la saisie du siècle…

Le maitre- chien dirige sa bête, qui commence par pisser au pied du véhicule, puis dépose un bel étron. A mon grand étonnement, vu les tas d’immondices qui bordent les rues hors du centre historique, le flic sort un sac plastique de sa poche et ramasse le cadeau.

Puis il fait grimper la chienne dans la cellule, dans la cabine, ouvre le capot, lui fait renifler le tout, répète la série d’opérations puis se tourne vers moi : esta bien…

Je serai de retour à l’hôtel à 20h, l’état d’Agnès est, disons, stable, sans amélioration.

Le lendemain ça va mieux, on entame une ballade dans Cartagena. C’est la ville la plus visitée du pays, et la plus renommée d’Amérique du sud. Elle le mérite, pour son centre historique, pas pour ses faubourgs où les terrains vagues et les quartiers déshérités alternent avec les immeubles du front de mer : la population ne recueille que des miettes de la manne touristique, le cœur de ville ayant été accaparé par la bourgeoisie colombienne et les étrangers, telle une Marrakech des Caraïbes.

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Néanmoins, dès que l’on prend un peu de hauteur, la vue est si belle…

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Et les rues de la ville coloniale, enchassée dans ses remparts, sont à craquer, que ce soit dans le quartier populaire Getsemani ou dans le cœur touristique, autour de la Torre del reloj.

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De la terrasse d’un centre commercial flambant neuf, on ne peut manquer  le « Castillo San Felipe » énorme forteresse bâtie pour protéger la ville qui abritait l’or et l’argent pillés par les conquistadores, avant le transport vers l Espagne. Bien peu esthétique, mais imprenable.

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En fin d’après midi Agnès subit une nouvelle crise de gastro, nous nous rendrons donc dans une clinique à moins de 500 m de l’hôtel où elle recevra des soins, perfs et prescriptions. Sortis très tard, je ne pourrai trouver une pharmacie que ce matin, heureusement, ici, on bosse aussi le dimanche, et dès 7heures.

Les deux journées seront consacrées au repos et, les médicaments ayant produit l’effet attendu, nous pourrons enfin profiter de nos ultimes heures  dans la ville coloniale, avant notre départ, ce mercredi 8.

A bientôt, et merci de votre fidélité

 

Mardi 21 et mercredi 22 janvier.

De notre chambre, au 5° étage, j’aperçois les navires à quai, malgré le brouillard. Visibles par-dessus les toits, grâce aux phares qui les éclairent d’une lueur glacée, leurs superstructures dominent les immeubles qui nous séparent du port. On devine, en cette fin de journée, une activité qui ne s’éteindra pas avec la nuit.

Lorsque Enrique La Rota, le patron de l’agence « Enlace Caribe » nous avait proposé un transport vers Bremerhaven, même si nous imaginions le contraste à venir entre Cartagena de los Indias, perle de la Caraïbe, et ce port hanséatique, nous ne nous attendions pas à ce que nous avons découvert lors d’une brève promenade, emmitouflés dans nos parkas : quelques jolis immeubles de style flamand épargnés par les bombardements de 1943-1944, noyés entre des bâtiments édifiés à la va vite dans le style lugubre de l’après- guerre, et de tristes magasins bas de gamme . Des kebabs tous les 50 mètres et même un ciné porno; ça existe encore !

Le brouillard, d’où émerge de loin en loin la lueur orangée des lampadaires, vient amortir tous les sons, troubler les silhouettes et créer une atmosphère à la Simenon, peu propice à la flânerie. Ne manquent que les mugissements des cornes de brume…

Nous rentrerons bien vite nous mettre au chaud, après avoir toutefois pu trouver, faute de « gaststatte » quelques sushis qui nous permettront d’échapper à la tristesse des kebabs.

Par paresse, j’avais recherché une chambre sur un site bien connu, qui n’a pas besoin que je lui fasse de la pub, et privilégié, à tort, l’économie. Il ne s’agira donc pas d’un hôtel 5 étoiles mais d’un appartement avec vue sur le port, fort heureusement récemment rénové, dans une HLM quasiment vide, aux couloirs glacés.

Fraiche ambiance donc, qui ne vient pas calmer notre légère inquiétude pour la récupération du camping car.

Nous avons en effet été informés, par Birgitt, l’employée de l’agence chargée de gérer les formalités de sortie du port, qu’il nous manquait un certificat d’exportation qui aurait dû nous être remis lors de notre départ, il y a deux ans. Faute de ce foutu papier, nous risquons d’être taxés de 30% de la valeur du véhicule, ce qui n’a aucun sens, car il est immatriculé en France . La TVA a évidemment été acquittée lors de l’achat !

Contactés, Grimaldi, la compagnie maritime que nous avions utilisée lors de notre traversée vers l’Uruguay, aussi bien que l’agence Seabridge, nous ont confirmé ne jamais remplir de formalités douanières lorsque des passagers embarquent avec leur véhicule, et être dans l’impossibilité de nous fournir autre chose qu’un  bill of lading,, « connaissement » attestant du chargement mais sans valeur pour les douanes.

Nous ne parviendrons pas à clarifier si cette situation résulte de la négligence des sociétés opérant à Anvers, comme le pense Birgitt avec un poil de racisme anti belges, ou si les procédures sont plus lourdes lorsque le véhicule est expédié au lieu d’être accompagné, auquel cas nous aurions dû  anticiper cette contrainte lors de notre première traversée.

Quoiqu’ il en soit, la seule solution suggérée par Birgitt, sera, une fois récupéré le véhicule, de tenter une sortie du port, la bouche en cœur, comme si nous étions venus gentiment visiter les installations portuaires, en ayant pris soin de supprimer au préalable tous les éléments qui révèleraient que le véhicule est fraichement débarqué d’un navire.

Cela ne nous enchante guère, mais nous n’avons pas de plan B..

Et nous voilà donc le lendemain, à la première heure, toujours dans le brouillard, en route vers les bureaux de l’agent situés en lisière de cet immense port. Longue errance à deux pas des navires, entre les parkings, les voies ferrées, les bureaux des transitaires, souvent arrêtés à des passages à niveau où défilent lentement les convois.

Terminal conteneurs, bien sûr, comme tous les ports modernes, Bremerhaven est avant tout un des premiers ports au monde pour le trafic des navires Roro, et le 1° en Allemagne : Il accueille 1200 bateaux de ce type par an, traite 1,6 millions de véhicules et peut en stocker 90 000 sur 240 ha de parkings. On imagine la noria des jockeys qui, jour et nuit, pilotent les véhicules depuis les trains ou les parcs jusque dans les hangars des navires.

Il faut bien exporter les BMW, Mercédès et autres VW qui font la gloire de l’industrie allemande et la prospérité du pays !

Pas étonnant que l’on s’y perde. Plus surprenant, nous avons franchi le contrôle d’entrée sans le voir, les douaniers devaient être planqués au chaud dans leur guitoune, et nous sommes dans l’impossibilité d’atteindre notre destination, bloqués par des clôtures ignorées des GPS.

Je me résous à appeler Birgitt, qui nous propose de nous rejoindre, nous guide vers le parc où est stocké notre véhicule, accomplit les formalités de livraison, nous confirme que nous sommes bien dans une zone sous douane et que nous devrons donc la quitter avec deux véhicules !

Elle nous abandonne ensuite, non sans nous avoir prodigué ses derniers conseils : que Madame passe devant avec la Renault et surtout ne s’arrête pas si Monsieur est bloqué avec le camping car…

Voilà qui nous met en confiance.

Halte dans un parking pour y préparer le Ford : il s’agit de décoller les scellés posés sur les ouvertures par la brigade anti narcos, dont l’adhésif est conçu pour laisser des traces lors de l’arrachement. Nous avons prévu le coup, amené le solvant qui va bien, mais il faut frotter..

Il nous faut aussi remonter le coffre extérieur, démonter les blindages de fenêtres, et faire comme si.., en remplissant le frigo, et le sac à linge sale ( ! )

Une bonne heure de boulot, et nous voilà prêts pour tenter une sortie.

Agnès s’engage vers le poste de contrôle, je laisse passer quelques véhicules et la suit. Elle efface la guitoune sans s’arrêter, devant un douanier indifférent.

A mon tour, je marque un léger arrêt, très léger, jette un coup d’œil vers le douanier, qui manifestement s’en tape, passe la première, et file..

Nous sommes enfin dehors, soulagés, mais curieusement un peu frustrés : tout ça pour ça ! La rigueur allemande n’est plus ce qu’elle était….

Il ne nous reste plus que 1500km à faire, à travers l’Allemagne, les Pays bas, la Belgique, puis la France, pour rentrer à la maison.

Quand repartirons-nous ? Et vers quelle destination ? Trop tôt pour le dire, mais nous espérons que vous serez encore avec nous pour partager paysages, découvertes, émotions et rencontres.

Hasta Luego

Patrice & Agnès