Jeudi 15 février . Jour 84
Nous quittons Salta par la route N°9, très jolie route de montagne dans une forêt touffue, mais étroite et aux croisements difficiles. Une halte à Jujuy, prononcer Coucouille (François, abstiens toi de commenter) pour nous approvisionner et nous prenons la route qui emprunte la Quebrada de Humahuaca, vers le nord, longue faille dans laquelle s’écoule le rio Grande de Jujuy. Les paysages seront superbes tout le long de la montée.
Arrêt au relais de poste de Hornillos, qui fut au cœur de nombreux combats, la région, passage obligé de la Bolivie vers l’Argentine, ayant été fort disputée pendant la guerre d’indépendance des années1812/1820 . Bâtiment joliment rénové et petit musée sans prétention.
Nous visiterons ensuite la pulcara de Tilcara. Une pulcara est un village fortifié. Ici, perché sur un mamelon à 70 m au dessus du lit du Rio Grande, il permettait de contrôler la vallée et fut occupé de 1000 ans avant JC jusqu’à l’arrivée des conquistadores.
Ses constructions de pierre ont été rebâties conformes à l’origine, grâce aux travaux d’ archéologues. Nous y verrons comment le bois de cactus servait de structure aux toitures. A notre grande surprise, en effet, nous constaterons que la structure ligneuse des cactus, en séchant, confère au squelette de la plante une grande résistance à la compression.
Passage, on ne s’en est pas rendu compte, du tropique du capricorne, et arrivée à Humahuaca, gros bourg qui a donné son nom à la quebrada, avec un joli petit cabildo.
Déjà sensible dès Salta, on constate que la population est d’un type physique très différent de ce que nous avions noté dans le reste de l’Argentine, où l’immigration européenne a laissé des marques évidentes. Ici, nous sommes dans les Andes, et les habitants sont pour la plupart des « aborigènes », Quechuas, Aymaras et autres, fiers de leur culture et au physique marqué.
Humahuaca est en fête, comme dans tous les villages de la région, c’est carnaval. Nous assisterons au cortège. En résumé, ça ressemble fort dans son principe, à « la bande à Malo » (les cht’is comprendront) : des jeunes déguisés, une fanfare, et on fait le tour du village.
C’est parti pour la nuit, le problème est que le village est petit, donc on fait plusieurs tours, et la fanfare ne joue qu’un seul morceau…
J’espère que ce passage n’apparaitra pas comme méprisant vis-à-vis des cultures locales, dont le carnaval permet, une fois l’an, par ses thèmes et personnages symboliques, de maintenir vivantes des cultures qui furent violemment opprimées, mais dans un village de cette taille et pour des étrangers qui ne les ont pas étudiées, elles sont peu lisibles et, parfois sensibles à des influences « modernes »
Bivouac au petit camping Bella vista, très différent des campings municipaux à fréquentation familiale. Ici c’est manifestement une halte pour voyageurs, les prix s’en ressentent : 300 pesos la nuit, soit trois fois plus cher qu’à Salta, et le service est minimum.
Km 233 Total 16467
S 23° 12’ 08.5’’ W 65° 20’ 43.0’’
Vendredi 16 février Jour 85
Avant de quitter le camping, nous interviewons des allemands qui arrivent de Bolivie : ils ont tenté de traverser la zone de montagnes séparant le salar d’Uyuni de Laguna Colorada, au sud, et confirment les infos de Josette et Joël qui l’avaient fait dans l’autre sens avec le 4×4 d’une agence, et l’avaient jugée infranchissable pour nos véhicules. La piste est étroite, pentue, caillouteuse et ils ont dû faire demi tour, bien qu’ayant des véhicules qui paraissent taillés pour le rude : Un camper Toyota et un Iveco 4×4. Par contre on peut atteindre Isla Inohuasi, au centre de la saline, depuis Uuni sans problèmes. On peut aussi traverser tout le salar, ils l’on fait, si on aime rouler dans l’eau salée.. Mais eux, ils étaient deux véhicules ! On sera plus raisonnable et contournerons par le sud. Cela nous permet de définir le programme des jours à venir: passage en Bolivie depuis l’Argentine par la route nord jusqu’à Uyuni, contournement du salar et retour au Chili par Ollague, avant de redescendre sur San Pedro de Atacama. Nous ferons alors un saut à Laguna colorada, en Bolivie, depuis San Pedro. On doit aimer les attentes aux postes frontière…
Route 9 vers le nord, superbe goudron sauf quelques zones à trous et une portion en travaux sur la fin. La route grimpe gentiment à 3500m, dans des paysages toujours fantastiques, puis un plateau immense où nous verrons nos premiers lamas, sans un virage sur 100km.
Arrivés à La Quiaca, ville frontière avec la Bolivie, et, avant de la franchir, nous faisons un saut à Yavi, à 18km, pour visiter l’église, et son monumental clocher, édifice inauguré en 1690. On peut y admirer un extraordinaire retable de 1660 doré à la feuille, et des peintures de l’école de Cuzco.
Nous visiterons également l’Hacienda , construite avant l’église et qui fut la propriété du « Marques de Tojo », un homme simple puisqu’il possédait toute la région, les « aborigènes », comme ils se dénomment eux même aujourd’hui, ayant été tout simplement expropriés.
Transformée en musée, nous y apprendrons que, lors du recensement de 1769, la région était occupée par 2763 personnes (pas lourd au km²), dont 38 espagnols (je passe sur le nombre d’indigènes, de métis, de mulâtres, de « nègres », et d’indéterminés qui sont également précisés).
Et maintenant, séquence « Pontifiante ». Comment aussi peu d’hommes, ont-ils pu conquérir des territoires s’étendant du Mexique à la Patagonie, de l’Atlantique au Pacifique, soumettre les populations, fonder des villes, construire des églises dans le moindre hameau, des cathédrales et des universités dans les grand centres, bâtir des estancias, exploiter des mines, en aussi peu de temps, une centaine d’années au maximum ?
Il aura fallu que les conflits intra européens aient renforcés les politiques impérialistes vers les nouveaux mondes, que les empires en place, Inca notamment, les prennent pour des demi-dieux et s’effondrent immédiatement, et que, sans doute, la vie dans l’Espagne et le Portugal de l’époque ait perdu beaucoup d’attraits pour des hommes entreprenants et sans scrupules, animés par la soif de l’or et stimulés par une religion intransigeante..
Km 197 Total 16664
Bivouac près de la station YPF La Quieca
S 22° 11540’ W 65° 59802’ altitude 3500m
Temp 14°/21°
Samedi 17 février. Jour 86
Très vite à la frontière, à seulement 3km du centre ville, nous y trouverons des postes de contrôle congestionnés par les centaines de personnes qui rentrent en Argentine : le différentiel de coût entre les deux pays étant si grand que de nombreux argentins viennent faire leur courses à Villarzon, la ville frontière bolivienne. Et les contrôles, côté argentin, sont tatillons, véhicules fouillés et passagers des bus qui descendent avec leurs bagages pour un contrôle type aéroport.
Pour nous, en dehors de la queue aux divers bureaux qui nous prendra 1h30, le contrôle du véhicule sera rapide et nous traverserons, avec quelques difficultés pour trouver la route, certaines rues sont barrées en raison du marché, une ville sans attrait donc, mais au centre plein de vie.
A une vingtaine de kilomètres au nord, péage. Nous n’avons pas de monnaie bolivienne … La préposé nous déconseille de revenir à Villarzon, où le cours est très élevé, et recommande Tupiza, 80km plus loin, mais il faut quand même payer en bolivianos !! On s’en sortira en laissant un billet de 100 pesos argentins, soit 4€, pour un péage de 10 bolivars, 1.5€ environ.
Nous nous attendions à une mauvaise route vers Tupiza, elle sera bonne, traversant des gorges encaissées. A Tupisa, ville aux rues étroites et en mauvais état, nous trouverons facilement un DAB. Quant au cours, nous aurons la surprise sur notre relevé bancaire…
En sortie de ville, un panneau indique la direction d’Uyuni, et là, on n’est pas déçus. Très mauvais chemin, puis étroite piste de chantier qui escalade un petit col où les croisements sont scabreux. On s’inquiète, cela peut il durer comme ça sur 200km ? On débouche alors sur le chantier d’une large gravel road, c’est beaucoup mieux. Au bout d’une dizaine de km, péage, 10 bolivars, et, divine surprise, à ma question sur l’état de la piste, l’employé m’indique : c’est asphalté jusqu’au bout !
Cela ne sera pas tout à fait exact, il reste des zones en chantiers sur une vingtaine de km, mais la roule s’avèrera superbe, large ruban de goudron passant de col en col à plus de 4200m. Chapeau aux entreprises de TP boliviennes qui ont taillé une telle route dans un environnement aussi difficile, avec parfois, au détour d’une épingle, un village.
Elle finira par une ligne droite de 70km sur l’altiplano, à 3800m, pour nous amener à Uyuni.
Uyuni, ville far west, à des rues poussiéreuses et défoncées, dès qu’on quitte les deux axes principaux.
Le bureau d’ infos touristiques est fermé, il n’y a pas de campings mais des dizaines d’agence et bien plus de 4×4. Beaucoup de jeunes routards font la queue devant les agences, cherchent un logement, ou pianotent sur leur smartphone dans le micro centre.
Bivouac à 50 m de l’entrée de la caserne du régiment de la Loa, sous le regard de la sentinelle.
Km 291 Total 16955
S 20° 27’ 55.4’’ W 66° 49’ 30.0’’
Dimanche 18 février Jour 87
Route vers le salar, on quitte le goudron au bout de 20 km à Colsani , bourgade sans intérêt et aux rues si défoncées qu’elles nécessitent un 4×4.
Puis mauvaise piste sur 10km, et …un lac, le salar est sous l’eau.
La saison sèche est terminée. Impossible d’aller à Isla de Incahuasi, au centre de la saline. Seuls quelques 4×4 d’agence, dont les chauffeurs sont capables de repérer la chaussée sous l’eau, traversent.
Retour à Uyuni, les agences proposent bien des tours d’une journée dans le salar, mais ils s’arrêtent au même endroit que nous le matin… Dans l’une, une jeune américaine nous dira : « ne vous inscrivez pas ici, nous avons acheté un tour de 3 jours et ça fait deux jours qu’on attend..».
On renonce donc à la visite du salar, puis cherchons le cimetière des trains, second point d’intérêt. Il est en sortie de ville à 3km, impossible d’y arriver vu l’état de la route. Nous quittons donc Uyuni, frustrés. On ne peut pas gagner à tous les coups..
La route N°5 qui contourne le salar par le sud est un peu éprouvante, vu les trous, mais parfois roulante, à 3800 m d’altitude, et nous donne le plaisir de nouveaux lamas et alpagas. Ils sont pas mimis, les petits alpagas ?
Nous croiserons des dizaines de 4×4 terminant leur tour de 3 jours à Laguna colorada. Les affaires ont l’air de marcher pour les agences, même si ça frôle l’arnaque vu l’impossibilité de se rendre au cœur du salar.
Bivouac devant une hosteria, à Alota, en bord de route, après avoir demandé l’autorisation à une jeune femme qui y vit. Derrière, les parcs à lamas.
Demain nous attaquerons la montagne. Le vent s’est levé, secoue la cellule, on se déplace pour se mettre à l’abri, sur le côté de la bâtisse.
Km 205 Total 17160
S 21° 24’ 00.8’’ O 67° 35’ 53.7’’
Lundi 19 février . Jour 88
La Bolivie est en retard d’une heure, mais nous n’avons pas décalé nos montres, ça nous permet de partir un peu plus tôt. Avant de partir, Agnès va donner nos produits interdits au Chili, et des porte clés « tour Eiffel » à nos hôtes, qui en sont ravis et demandent à visiter la cellule..Il fait frais, 3°.
Dès la sortie du village, la route est meilleure car tous les 4×4 empruntent la piste qui file au sud, vers Laguna Colorada, alors que nous poursuivons sur la route N° 5 vers la frontière. Elle se révèlera très roulante, autorisant un 70km/h pépère.
Nous passerons au pied du volcan Ollague, dont le cône est toujours orné d’un léger panache de vapeurs, et franchiront le dernier col à une cinquantaine de km de la frontière, à 4380m d’altitude
Arrivés aux villes frontières d’Alvaroa, côté bolivien, et Ollague, côté chilien, nous constaterons qu’elles n’ont de ville que le nom, puisqu’il s’agit en fait de deux gares de la ligne trans andine, à voie unique, et de deux postes de contrôle, immigration et douane pour chaque pays et, de surcroit côté chilien, SAG, l’autorité en charge du contrôle sanitaire. Et, allez savoir pourquoi, le fonctionnaire bolivien qui arbore une magnifique casquette « Interpol », nous taxera de 30 bolivianos ( ~4€..)
La préposée SAG, charmante au demeurant, ne nous épargnera rien, nous fera ouvrir placards, coffres, soute, coffre extérieur, inspectera minutieusement la cabine et saisira des raisins secs et des amandes. Les amandes avaient pourtant survécu aux 5 passages précédents de frontières chiliennes… Elle nous fera même choquer un par un les 6 œufs qu’on lui annonce cuits, afin de s’assurer que nous n’essayons pas de la rouler. Et, pour la 1° fois, nous ouvrirons le coffre extérieur, vite refermé tellement il est plein de poussière..
Il est vrai qu’ils ne doit pas passer plus d’un ou deux véhicules comme le nôtre par semaine, et encore en saison, ça stimule le zèle professionnel.
Bien qu’isolés à plus de 100km de la 1° agglomération et à 4000m d’altitude, ces postes sont équipés : une jeune voyageuse d’un bus, souffrant manifestement du mal des montagnes, recevra des soins devant nous d’un binôme « paramedic » très professionnel, alors que nous croiserons une ambulance quelques instants plus tard, en quittant la frontière.
Bonne surprise, que nous attendions un peu, le Chili nous ayant habitué à cela, le goudron commence dès la frontière. C’est officiellement l’ autoroute 21, pour nous une belle départementale, qui nous fera traverser en piquent vers le sud ,des paysages superbes, désertiques, contournant le volcan Ollague et longeant les salars de Carcotte et de Acostan, et franchir le col Acostan à 4000m, où, au milieu de nulle part, un poste de police surveille le trafic devant une gare de marchandise endormie.
La route descend ensuite progressivement, dans un paysage totalement désertique, mais grandiose…
Au niveau de Conchi, un panneau nous indique la direction du Geyser El Tatio, que nous souhaitons aller voir, par la piste B145, plein est puis obliquant vers le sud. Ravis, on fonce, cela nous fera gagner près de 150km par rapport à l’itinéraire descendant jusqu’à San Pedro de Atacama, puis remontant vers le nord . Large piste, mais tellement pourrie de tôle ondulée qu’on fait demi tour au bout de 4km, le geyser est en effet encore à100km, et même avec un 4×4, la tôle, c’est seulement à petite dose, ou quand on ne peut faire autrement.
On reprend la 21 sur une vingtaine de km, et embouchons la piste suivante vers l’est, la B169, un boulevard rectiligne sur 20km, on est aux anges. Mais, une montée sèche et le boulevard se transforme en raidillon étroit, caillouteux où par moment on passe à peine entre les parois rocheuses où la piste a été taillée. Et il reste encore près de 80km !
Je jette l’éponge, n’ayant pas envie d’être coincé dans une épingle à cheveux : je ne suis pas le roi du démarrage en côte, même en 4×4, car le véhicule est un peu lourd. Deuxième demi- tour dès que la piste le permet, ce n’est pas notre jour. Il reste un 3° itinéraire par Chiu Chiu et la B159, mais on n’y croit plus. On la jouera par San Pedro, et la route des minibus.
Cela nous amène à traverser Calama, grande ville aux faubourgs très industriels car c’est la base arrière de la mine de Chuquicamata, la 2° plus grande mine de cuivre à ciel ouvert au monde, avec ses 20 000 ouvriers, ses 8km², sa profondeur de 1250m et sa production de 630 000 tonnes par an. Avec sa « jumelle » de Minera Escondida, elles assurent au Chili la place de 1° producteur mondial de cuivre, production nationalisée en 1971. Ceci dit, on ne la visitera pas, on n’a pas l’âme extractrice..
Poursuivant vers le sud, nous dévalerons du plateau, à 3600m d’altitude vers la dépression de San Pedro de Atacama, à 2600m, par une descente de 6km …
Il se fait tard et la journée a été longue, on visitera le centre ville demain. Ce que nous en voyons pour l’instant, ce sont des rues sableuses, des murs en adobe, et des hostals à profusion..
Bivouac en bord de rivière, à 3km du centre ville, point GPS « per courtesy of J&J B »
S 22° 55’ 39.4’’ O 68° 13’ 03.4’’
Km 436 Total 17596

































































































































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