Suze la Rousse. Dimanche 22 mars.

Merci pour tous vos commentaires, on est heureux d’avoir ainsi des nouvelles.

L’impatience mentionnée par certain (e)s  à la suite de la 1° publication me donne le trac : il va falloir assurer !

Et si la crise dure, à, mettons, deux éditions par semaine, ça fera une douzaine de textes à produire. Serais-je en capacité de maintenir l’intérêt sur la distance ?  (Avez-vous remarqué ? je pratique la novlangue : plus personne ne dit « je suis capable de.. », mais affirme « je suis en capacité de.. »  ça doit être performatif, comme on dit aussi beaucoup aujourd’hui)

L’avenir le dira. Une chose est sûre, personne ne m’y a forcé. Et lorsque je partirai en vrille, pas de doute, j’aurai des réactions.

De toute façon, cela sera toujours sous le contrôle de ma commission de censure : Agnès a en effet, malgré son indulgence à mon égard, et grâce à (à cause de ?) une mère instit et une éducation catho, une grande intuition sur ce qui est convenable. Je ne publierai rien sans son imprimatur, et ça me permet de diluer ma responsabilité..

Un petit rappel avant de commencer. Pour ceux qui se demandent où est ce foutu bled de Wuhan, vous pouvez vous référer à l’article « 2015 -06-26 – Chine Hunan et Hubei » de ce même blog. Nous y avions vécu une expérience gastronomique instructive. Heureusement, pas du pangolin !

Revenons aux masques : Agnès a poursuivi sa tournée chez les commerçants, et le receveur des postes lui en a demandé pour toute son équipe. Dix facteurs à équiper ! ça promet encore quelques heures, courbée sur la machine. Elle en aura confectionné en tout 60 …

On attend avec impatience le prochain passage du préposé : dans une voiture jaune, un bec de canard blanc sur un uniforme bleu, ça va être croquignolet. Et il ne faudra pas qu’ils se plaignent, ils auront échappé aux pandas roses !

Dommage que les élections soient passées. Avec la notoriété qu’elle vient d’acquérir, Agnès aurait été élue au premier tour. A propos d’élections, à Suze, une liste d’opposition, menée par un parfait inconnu, huissier qui plus est, a recueilli 49% des voix. Faut-il que les sortants aient été à ce point mauvais, sans vision et surtout préoccupés de bonifier leurs terres agricoles en les rendant constructibles, pour susciter aussi peu d’envie…

Pour revenir à l’actu anxiogène, vu il y a trois jours dans « 28mn », sur Arte, une interview de René Fregni. Ce visiteur de prisons, promoteur de la littérature auprès des détenus, nous a fait découvrir une réalité ignorée : les détenus ne supporteraient l’enfermement que grâce à quelques petits câlins glanés lors des visites, et surtout aux chichons du soir procurés par leurs familles.

L’interdiction des visites, imposée récemment en raison des risques de contamination, entraine non seulement l’arrêt de l’apport de linge propre (j’ignorais d’ailleurs que c’était à la charge des familles), mais aussi de l’approvisionnement en cannabis. Selon lui, le manque, puis les insomnies à venir provoqueront sous peu une explosion de violence comme on en a rarement vécue. Glaçant ! C’est d’ailleurs ce qui s’est produit en Italie.

Les autorités en sont conscientes. Le « Monde » d’hier nous informe des actions en cours au niveau de la chancellerie pour désaturer les prisons, en limitant pour les petites peines, les incarcérations et en anticipant les libérations. L’extrême droite va brailler !

N’empêche, sur 72 000 détenus en France, 46 000 sont dans des cellules qui regroupent 3 à 4 détenus, et près de 1700 dorment sur des matelas, au sol.

Un système de santé en déroute, une magistrature harassée, une administration pénitentiaire impuissante, des instituteurs sous- payés, des flics à qui on ne règle pas les heures sup , et le taux de prélèvements obligatoires le  plus élevé de l’OCDE . Comment en est-on arrivé là, dans la 6° puissance économique du monde ?

Que ceux qui ont des idées, m’expliquent, je suis preneur.

Allez, la télé n’est pas toujours aussi inquiétante, elle offre aussi de jolis moments. La nuit dernière, mais à 3h du matin, une bio de Jean Ferrat. J’avais oublié à quel point ses chansons étaient belles et sa voix prenante. J’ignorais également qu’il avait été marié à Christine Sèvres, chanteuse réaliste des années soixante. On a pu la voir interpréter une chanson que je n’avais jamais entendue en entier, mais que notre père fredonnait, faux, quand nous étions enfants, sans jamais parvenir à dépasser le 1° refrain : « faudrait voir à pas mélanger les torchons avec les serviettes… »

Et surtout, un cadeau, ces quelques vers du moustachu, qui vous chatouillent la nostalgie :

Faut-il pleurer, faut il en rire ?

Faut il en rire ou en pleurer ?

On n’a pas le cœur à le dire

On ne voit pas le temps passer..

 

Bon. Ce n’est pas ça qui nous ramènera le sourire. Alors on va changer de registre :

Hier matin, nous avons franchi une étape dans les mesures de rétorsion vis-à-vis des infractions aux règles de confinement.

Cela fait des années que les poules du voisin s’autorisent des incursions dans notre jardin.

Il faut que j’explique, pour celles et ceux qui ne connaissent pas « la Garriguette » : isolée, à 500 m du premier voisin, nous l’avons achetée à un agriculteur, qui y élevait des autruches, des volailles et des cochons. Il y avait aussi un labo, dans lequel il transformait, pour la vente directe, sa production.

Après nous avoir vendu la ferme, il s’est exilé à deux kilomètres, puis ayant connu quelques déboires, est revenu installer son exploitation dans la parcelle mitoyenne. Nous n’avons pas protesté, nous sommes, on l’a dit, partisans des circuits courts

Plus court, tu meurs : nous voisinons avec ses volailles, et un peu plus loin, avec les cochons dont la production a été reprise par son fils. Pas de problèmes d’odeurs heureusement, le vent vient rarement du sud dans la région.

Ce ne sont pas des « patta negra », dommage, mais la charcuterie est excellente. Philippe le sait bien, qui vient parfois se faire payer un café quand il effectue, le vendredi matin, sa recharge en cholesterol.

Pas des patta negra, donc, mais ça doit être une variété de cochons baladeurs, les plus espiègles venant de temps en temps creuser leur bauge dans notre gazon, ça agace.

On a même vu une truie et ses douze petits défiler devant nos fenêtres pendant un repas de noël. Et on n’a pas pu, alors, leur montrer ce qui les attendait : cette année-là, ce n’était pas « jambon braisé au champagne » mais « oie farcie aux truffes ».

Jérémy, le fils, est tellement adorable, et courageux, qu’on ne saurait se fâcher avec lui. On a donc, pour éviter les chicayas, déployé des mesures « barrière » et installé une clôture électrique modèle « sangliers », ça les a calmés.

Quant aux pintades, c’est bien connu, ça gueule tant que ça peut. Alors, à 8 heures quand on se met à la fenêtre pour applaudir les soignants, tout seuls dans notre campagne, il n’y a qu’elles pour se joindre à nous. On leur en est reconnaissants.

Mais les poules… Rien ne les arrête, elles gratouillent dans nos plates- bandes, arrachent les fleurs. On a longtemps supporté, on en a rebalancé des dizaines, pialliantes, par-dessus les clôtures, Bonjour chez vous !

Cependant, maintenant, elles risquent de saloper notre béton. (Quel béton ? On en reparlera, il faut que je garde de la matière pour la suite)

Rétorsion donc. Il faut sévir, faire un exemple, et ce matin, j’ai choppé une récidiviste.

J’en profiterai, en préparation d’un confinement extrême, pour remplir le congélo.

Attention, le passage qui suit contient des scènes d’une violence insoutenable qui risquent de heurter les personnes sensibles. Elles sont déconseillées aux femmes enceintes et interdites aux moins de 16 ans.

Il m’a fallu retrouver des gestes séculaires. Passer et repasser la lame du couteau sur le fusil, en tester le fil sur le pouce, chercher les carotides, trancher, le geste, faute d’expérience, trop imprécis, puis m’écarter rapidement.

Ensuite ébouillanter, plumer, le duvet colle partout, et vider la bête. Là je ne détaille pas, c’est une sensation dégueulasse.

Griller les piquots qui résistent, laver, puis égoutter avant d’emballer. Laisser trois jours au frigo avant de congeler.

Un conseil, pour celles ou ceux qui voudraient pratiquer sur leur balcon : lier les pattes, les ailes si on peut, mais c’est plus difficile. Sinon, comme on dit à Valenciennes, ça espitte…

 

Hélas, une fois déparée de son plumage, la pauvrette était un peu maigrichonne.

Je ne voudrais pas que cette dernière formulation, sans doute excessivement teintée d’anthropomorphisme, ne suscite de douteuses interprétations.

Je rappelle que ceci est une fiction, et que toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé, est purement fortuite.

Et si d’aventure, des lecteurs ou lectrices pinailleurs (euses) venaient à m’objecter qu’il s’agit forcément d’une réminiscence d’une expérience vécue, et s’ils (elles) insistaient beaucoup, alors j’avouerais sans doute que, en un temps très lointain, celui de l’adolescence où la peur de manquer pousse à faire feu de tout bois, alors là, oui, peut être…

Mais, comme l’affirmait le cardinal Barbarin, grâce à Dieu, c’est prescrit…

Et puis merde, les filles maigres, elles aussi, ont aussi droit à l’amour !

Agnès se demande si je n’ai pas fumé de la moquette. Vous aussi sans doute, mais moi, je vous avais prévenu que ça partirait en vrille. Le confinement….

 

11 commentaires pour “2020 03 22 En vrille

  1. Jocelyne et Michel le 22 mars 2020 à 12 h 04 min a posté:

    Nous avons nous aussi regardé le documentaire sur Jean Ferrat, dont nos parents étaient fans. J’ai pu reprendre les chansons.
    Pour ce qui est des réminiscences, j’en ai d’autres: la poule qui se carapatait sans tête dans le jardin, après que pépé la lui aie coupée, nous essayant de la rattraper pour qu’elle puisse être plumée entre le genoux de mémé…
    Continue, on va maintenant attendre la suite avec impatience

  2. Anonyme le 22 mars 2020 à 12 h 10 min a posté:

    Après une séance de sophrologie (par écran interposé) pour éviter d’agresser ma belle-soeur qui, de Monaco, m’appelle 3 fois par jour pour me raconter toutes ces frayeurs coronaviresques, je me suis penchée sur la lecture du blog.
    Forte de cet état de zénitude, ma petite madeleine de Proust m’a chatouillé les narines (il faut dire que je venais d’en mettre au four): si la vision de mon grand-père tuant et dépeçant les lapins que j’avais câlinés peu de temps avant m’a soulevé le coeur, Je me suis aussi revue aussi dans le poulailler de mes parents, agréssée par le coq à qui j’avais amené sa pitance. Là, des envies de zigouillage me sont venues. J’ai regardé par ma baie vitrée …. pas de volatile à l’horizon… y a bien le chat de ma voisine allongé au soleil sur ma terrasse. …. On y va ?? à la chinoise ??. Bises à tous. Nadine lol

  3. Anonyme le 22 mars 2020 à 14 h 05 min a posté:

    Sympa ce journal! De notre côté l’aventure est beaucoup moins picaresque.. Nous avons entrepris le tri/rangement des nos intérieur et extérieur, et il y a du boulot! Je suis confiante en la durée de notre repos forcé pour nous permettre de tout faire. En ce beau dimanche un peu plus frais, au programme Qi Gong ( quotidien) et marche d’une heure sur nos bords de Saône ( pas tout à fait autorisée, mais bon, on a vu personne). Cet après-midi, nous hésitons entre le scrabble et la pétanque. J’ai lu votre article sur Wuhan, la ville n’a pas l’air très folichonne. Petite question: croyez-vous en la réalité du nombre de victimes annoncé par la Chine ? Bises et bon dimanche. Isa

  4. Clémentine le 22 mars 2020 à 16 h 55 min a posté:

    Doit-on s’inquiéter? A peine une semaine de confinement et j’ai l’impression qu’on t’a déjà perdu papa… Qu’est-ce que ça sera dans 2 mois?!

    Maman on compte sur toi pour le faire filer droit!

  5. Jacqueline michaux le 22 mars 2020 à 17 h 43 min a posté:

    J’adore tes petites histoires picaresque très drôles chantantes j’aime beaucoup Jean Ferrat un peu gores aussi pauvre poulette !!! C’est bon de partir en vrille de temps en temps et parce que la télé est trop  » sérieuse  » même limité sinistre
    Sinon après la volaille si tu as du petit cochon qui traîne je veux bien le ramasser même si ce n’est pas du patra negra
    Agnès n’a plu qu’a monter son entreprise de fabrication de masques la fortune vous guette
    Je plaisante bien sûr un grand coup de chape… non de capeline à elle je suis beaucoup moins courageuse
    J’attends la suite bien sûr surtout l’histoire du BETON ?.!!!
    Et ne mange pas le chat pas très bon souvient toi de la chauve souris ou du pangolin de Wuhan

  6. Francois le 22 mars 2020 à 19 h 57 min a posté:

    Agnès Le(s) masque(s) , Patrice : la plume, et même les plumes si j’en crois le récit de ce qu’ a subi un malheureux volatile égaré: c’est quasi du Stephen King . Certes la bête ne disposait pas de l’ ausweiss requis pour sortir, ou n’avait elle pas coché la bonne case ; je reste en attente des conclusions du commissaire Magret, auquel sera confié l’enquête sur ce massacre, suite à la plainte déposée par l’association L214. (Au fait si c’est au four , tu mets quelle température pour la cuisson de la bestiole 180 ° ou 214 ° et combien de temps )
    Nb au sujet des prison : dans le roman de Jean-Paul Dubois « tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon » une partie de l’histoire se déroule dans une prison canadienne : un récit empreint d’humour et d’empathie, gages de tolérance …même s’il y a quand même des limites, ! J’ai bien aimé ce roman.

    Francois

  7. Anonyme le 23 mars 2020 à 12 h 58 min a posté:

    Une question me tarabuste : ce virus est il arrivé à pied par la Chine ? Sans papier ?
    François

  8. Josette et Joël le 23 mars 2020 à 16 h 36 min a posté:

    Quelle(s) plume(s) ce Patrice et sa maigre poulette !
    Nous nous sommes régalés, que dire, éclatés ! (Pas comme poulette !)
    Non, Clémentine, Papa va très bien, il n’est pas malade de confinement, il est juste… lui ! Surtout qu’il ne change pas, pour notre plus grand plaisir !
    Merci !

  9. Martine le 23 mars 2020 à 21 h 16 min a posté:

    Eh bien Patrice, je suis ravie de constater que passer d’un tour du monde à un tour de ta maison, n’a aucunement affecté ton sens de l’humour !
    Toutefois, on ressent quand même un manque d’aventures trépidantes… Cette pauvre poulette en a fait les frais !!
    Merci pour ces billets d’humour , tellement utiles en ces temps troublés !

  10. Anonyme le 26 mars 2020 à 8 h 49 min a posté:

    ça fait du bien, tout simplement, j’adore le passage sur la vie politique du village, ça nous rapproche un peu, j’ai même pensé que tu avais enfin fait le bon choix, vivre en Wallonie…surtout continue ça fait un bien un fou.
    Agnés qd il deviendra insupportable, tu nous l’envois on en prendra soin ;-)

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