Samedi 09 novembre. Jour 24 Chao / Huanchaco
Avant de pénétrer dans la grande ville côtière de Trujillo, nous nous dirigeons vers deux temples mochicas, à quelques kms à l’est de la capitale régionale.
La civilisation Moche s’est développée dans cette région depuis l’an100 avant notre ère jusqu’à 800 après J.C. Outre ses représentations des scènes de la vie quotidienne, des châtiments, des actes chirurgicaux et des rapports amoureux, elle a laissé une forte empreinte architecturale, dont la plus spectaculaire est constituée par deux temples pyramidaux, les Huacas, séparés par un village.
Le Huaca de la Luna abritait les activités religieuses et les prêtres, le Huaca del Sol les activités administratives et les juristes. Le village regroupait le peuple, avec les ateliers des artisans, potiers, fondeurs, tisserands dont la production fit la réputation de cette civilisation.
Le Huaca del sol, fort dégradé par le temps et qui a perdu un tiers de son volume, emporté par les pluies, est le plus grand édifice préhispanique du Pérou, a l’allure d’une colline artificielle et ne se visite pas. Il aurait nécessité, pour sa construction, 140 millions de briques d’adobe, bon nombre d’entre elles portant la marque des artisans qui les fabriquèrent.
Le Huaca de la luna , dont les fouilles sont terminées, est aujourd’hui bien protégé, et présente une structure étonnante : Imaginez un temple trapézoïdal sur le concept des poupées russes : au commencement était le 1° niveau, composé de pièces à vocation rituelles, aux murs intérieurs ornés d’un motif en losange répété à l’infini, avec au centre, la représentation de la divinité, une tête humanoïde aux dents de félins et à la toison de tentacules « poulpesques ».
Tous ces décors étaient effectués en terre façonnée et peinte.
Le thème restera toujours le même mais les représentations évolueront, avec parfois des prises de relief.
Les murailles extérieures étaient, elles, ornées de frises représentant des animaux mythiques, des activités domestiques et/ou rituelles : pêcheurs, danseurs, défilés de guerriers et de prisonniers enchainés destinés au sacrifice.
La sélection de ces derniers était effectuée lors de duels, leur but n’étant pas la mort, puisqu’elle devait avoir lieu lors du sacrifice, mais la désignation du vaincu, le 1° à perdre sa coiffe lors du combat.
A l’issue du duel, le vaincu était « préparé » par les prêtres, notamment par l’absorption de plantes hallucinogènes, et conduit dans la chambre du sacrifice pour y être décapité, et son sang recueilli pour un usage rituel.
A la fin d’un cycle, marqué par le décès d’un grand prêtre, la prise de pouvoir par un nouveau clan ou tout autre évènement nécessitant de marquer le passage à une nouvelle ère, l’ensemble du temple était comblé au moyen de briques d’adobe, les murs extérieurs et la toiture recouverts du même matériau, masquant toute décoration antérieure, et cette pyramide constituait le socle d’un nouveau temple bâti autour et sur le précédent.
Le Huaca de la luna comporte 5 niveaux, 5 temples emboités …
Et pour donner une idée, un cliché pas très réussi, mais qui permet de visualiser les dimensions de l’édifice.
La visite du musée révèlera d’extraordinaires poteries zoomorphes et anthropomorphes, qu’il est malheureusement interdit de photographier : je me suis fait taper sur les doigts pour avoir tenté de le faire, en douce.
Mon esprit de sacrifice ayant ses limites, j’en suis resté là, et comme par ailleurs, les poteries érotiques caractéristiques des mochicas sont présentées dans d’autres musées, nos regrets seront limités.
Brève visite ensuite du centre de Trujillo, belle ville à la splendide « Plazza de armas » aux beaux immeubles coloniaux, avant de nous diriger vers Huanchaco.
Nous avons choisi d’y bivouaquer à la Casa Amelia, sur le malecon. Cette station balnéaire, très animée, est un centre de surf réputé, où l’on peut encore voir quelques pêcheurs affronter les rouleaux sur leur « Caballo tortora », fragile embarcation en roseaux (les tortora) dont l’usage se perd mais dont subsistent de nombreux spécimens dressés le long de la plage.
A l’hostal, cour minuscule qui ne peut recevoir que 3 ou 4 véhicules, nous rencontrerons un couple de jeunes américains qui descend de Colombie dans un petit fourgon, et avec qui nous pourrons échanger sur nos itinéraires respectifs
S 08° 04.485’ O 79° 07.133’ altitude 21m
Km 182 Total 3338
Dimanche 10 novembre Jour 25 Huanchaco
Au mercado du dimanche, peu d’étals de poisson, on y achètera une espèce de bonite, puis des petits crabes. Nous y faisons la connaissance d’Elvira, dite Lali, institutrice en retraite qui consacre son temps à des activités sociales dans les quartiers pauvres de Huanchaco, où se regroupent des paysans déracinés et des réfugiés vénézuéliens. Elle nous invitera chez elle pour nous cuisiner du poisson à la péruvienne : épicé, avec du riz et des racines de yucca.
Mais, avant le repas, un pisco sour, à l’ancienne, avec du vrai blanc d’œuf monté en neige.
Nous avions découvert ce tubercule, sans l’identifier, dans une cevicheria. Allongé, à la forme et l’aspect d’un concombre, une fois épluché, il a une texture et une saveur très proche de la pomme de terre, et accompagne tous les plats de viande ou de poisson, à l’instar de la patate douce.
L’après-midi, nous nous rapprocherons de Trujillo pour visiter Chan Chan avec Lali. Ce site fut le cœur de la civilisation Chimu, qui, de 850 après J.C jusqu’à sa défaite face aux incas, en 1471, succéda à la civilisation moche et domina toute la côte de Chancay à Guayaquil. Il est surtout notable par ses dimensions : c’est la plus grande ville pré inca d’Amérique du sud, comptant 10 000 habitations, et près de 60 000 âmes à son apogée, et la plus vaste cité en adobe de la planète.
Fort dégradée, et pillée par les espagnols, rien ne reste de ses trésors. Elle a bénéficié de mesures de conservation permettant de protéger les vestiges des constructions, de reconstituer les volumes des salles de cérémonies et des temples, de reproduire les frises qui le décoraient, mais le résultat n’a rien de la richesse sculpturale et chromatique du Huaca de la Luna, bien que plus ancien de 7 siècles, mais qui fut protégé, ainsi que le Huaca del Sol, par sa conception même.
Le musée y est plus que symbolique, on y retiendra que les Chimu, peuple vivant de la mer, maitrisaient aussi la métallurgie de l’or et du cuivre, et que, lorsque les incas conquirent cette région, ils transférèrent les artisans fondeurs à Cuzco pour bénéficier de leur savoir.
Bises à Lali et échanges d’adresses, puis on se quitte, ravis de cette journée ensemble. Comme les Chimu, on essaiera de vivre pendant cette étape des produits de la mer : on passe les crabes au court bouillon. Agnès qui n’aime pas les dépiauter se contentera des pinces, je m’expliquerai avec le reste. C’est beau, l’amour !
Et puisque nous en sommes à l’alimentation, un petit rappel pour ceux qui n’ont pas bien suivi les épisodes précédents : le cuy est l’appellation péruvienne du cochon d’Inde, il est ici élevé pour sa chair. Spécialité de la vallée de Sicuani, il est aujourd’hui servi dans tous les restaurants péruviens, de la gargote au restaurant gastronomique.
Traditionnellement cuit au four, sa chair est moelleuse et très proche de celle du lapin. Personnellement, j’aime, mais je veux bien admettre que, dépouillé sur les étals, ou servi entier, grillé, ses petites pattes antérieures en prière lui donnent un léger aspect fœtal qui peut rebuter les âmes sensibles…
Lundi 11 novembre Jour 26 Huanchaco / Cajamarca
Adieu au couple américain qui descend vers le sud, bises à Amelia, puis on prend la petite route côtière qui nous évite la panaméricaine sur une trentaine de km. Entre mer et dunes, personne, avant de pénétrer une zone de culture de cannes à sucre. La zafra a commencé, les remorques chargées de cannes se multiplient et les sucreries s’activent.
On retrouve la panaméricaine, pour s’engager ensuite plein est sur la route N°8, en direction de la cordillère et Cajamarca. Ici, plus de cannes à sucre, mais des rizières. Lali nous ayant indiqué que les crustacés étaient la spécialité du village de Ciudad de Dios, nous y recherchons un restaurant ad hoc. Echec sur place, mais on nous aiguille sur des établissements un peu plus loin, sur la route.
Bonne pioche, celui où nous nous arrêtons est tenu par un couple sympathique. Le chef, en guise d’apéritif, nous vante le paysage depuis sa terrasse : dans une semaine, après le repiquage du riz, tout sera vert. On est passé un peu trop tôt, mais on se console avec ses propositions : il nous montre son vivier, une simple citerne, ou frétillent ce qui ressemble à de jeunes poissons- chat.
Prêts à toutes les expériences, nous prenons le risque : on se partagera des crevettes sautées et une espèce de bouillabaisse très relevée. Pas le goût de vase que je redoutais, mais pour manger ces poissons à la chair savoureuse quoiqu’un peu molle, une seule méthode : avec les doigts, comme pour les sardines grillées.
Pas de sieste aujourd’hui, la route est encore longue en remontant une étroite vallée jusqu’à Cajamarca : il faudra franchir l’Abra El Gavilon, à 3225m et subir les circulations alternées sur la dizaine de chantiers que nous rencontrerons. Manifestement, on refait tous les ponts du Pérou
Arrivée en fin de journée à l’hostal « Telem backpacker » Très bel établissement, où nous pouvons stationner en bord de rue.
S 07° 09.798’ O 78° 27.908 Altitude 2680m
Km 317 Total 3655
Mardi 12 novembre Jour 27 Cajamarca / Balsas
Miguel et sa femme gèrent cet hostal proche des « Banos des los incas », qui dispose lui-même d’une piscine d’au chaude. Nous en profiterons avant de descendre en ville en taxi.
Celle-ci fut conquise par les incas en 1460, et ils en firent une étape importante sur la route de Cuzco à Quito. C’est à Cajamarca, où Atahulapa s’était installé avec son armée de 60 000 hommes pour y prendre les eaux, que Francisco Pizzaro et ses 168 ruffians, en 1532, tendirent le piège qui leur permit, grâce à leurs canons, leurs chevaux et leurs armures, de massacrer l’escorte de 6000 hommes de l’empereur inca, de le capturer, et de s’emparer du pays (pour plus de détails, cf. l’édition « Incas 1 »)
C’est à Cajamarca que Atahulpa remit la fabuleuse rançon qui devait permettre de le libérer, et c’est là qu’il fut exécuté, en 1533.
La vaste place d’armes est entourée d’immeubles coloniaux sans grand caractère, de l’église San Francisco et de la cathédrale. Celle-ci est fermée mais l’église mitoyenne ne l’est pas et nous permet d’admirer une belle architecture romane.
Les rues adjacentes de la place ont conservé leur cachet, et de nombreuses églises, dont certaines, comme l’église de Bélen construite entre 1627 et 1774 en même temps que l’hôpital, possèdent un fronton magnifique, et valent le détour.
Dès que l’on s’éloigne du cœur historique, les immeubles, à l’exception de quelques un récents et de standing, retrouvent les caractéristiques communes à l’Amérique du sud : de briques, non crépis et sans alignement, au dernier étage inachevé, sans doute pour des raisons fiscales,
Nous quittons la ville en fin de matin. La route jusqu’à Celendin est belle et traverse une montagne étonnement verte et soigneusement cultivée. Ici, les chapeaux se portent hauts, et à large bords. Et la pluie s’installe, comme tous les après midi.
Le Lonely Planet nous annonçait une route difficile, étroite et raide. C’est bien le cas, dès la sortie de Celendin. Mais à peine avons-nous franchi les deux premiers lacets que la route est coupée pour travaux. La déviation de fait par un mauvais chemin de terre, barré de deux belles frondrières. Sans 4X4, des chances de rester plantés.
On passe, dans l’élan et en légère glissade.
On se retrouve à l’embranchement entre deux pistes. Nos GPS sont paumés. Nous sommes tentés par la plus large, l’autre, bien que nous semblant aller dans la bonne direction est étroite et un peu boueuse. On s’en remet aux locaux : il faut prendre la moins engageante. A Dieu vat !
Elle s’améliore cependant, bien que les croisements soient scabreux, et l’application OSM sur la tablette d’Agnès retrouve le tracé et confirme les affirmations des habitants. Le Garmin, lui, restera aveugle jusqu’au bout.
Nous rejoindrons ensuite une piste très accidentée qui, sur 25 km, nous permettra de contourner la montagne, dans un paysage époustouflant.
Nous retrouvons le goudron. La route est toujours étroite, pentue, semée d’épingles et l’on s’y croise au prix de manœuvres, mais on est contents, c’est du goudron, donc, en principe, pas de trous, et ça ne glisse pas, ou peu. Sur ces itinéraires, notre moyenne ne dépasse pas les 35 km/h.
On perd près de 2600m d’altitude et la température augmente jusqu’à 26°. Nous avions pensé aller beaucoup plus loin, mais la route ne le permet pas. On décide donc la halte au micro- village de Balsas, en fond de vallée. Consultée, la police nous recommandera un point de bivouac qui ne nous plait pas, on retournera donc s’installer au cœur du village, en bord de rue, dans les odeurs de grillades.
S 6° 50’ 40.62’’ O 78° 1’ 45.90’’ Altitude 820m Température 23° à 17h
Km 157 Total 3812




























jolie photo du couple d’aventuriers sur fond de mer et de caballo tortura ! les héros n’ont pas encore l’air trop fatigués et la mine réjouie de Patrice laisse augurer d’autres récits pittoresques et emplis d’humour ..
Profitez bien du soleil et du ciel bleu ( ce soir il neige sur Lyon et ça remonte vers le Nord !)
Portez vous bien
bonne route
moi aussi j’aime bien votre photo !!
Enfin des têtes connues !! et vous avez l’ait heureux! (les plantes hallucinogènes…??)
n’hésitez pas à refaire ce genre de photos ,dans divers décors (oui oui je suis (relativement…) sérieux !! )
et bien sûr les restes du temple Moche (prononcer ‘mochè’ comme Dayan (,,), mais je m’égare…) sont fabuleux !
et j’apprends que Trujillo est au Pérou !
bref c;est un très bon cru ce rapport !! bises Michel