Mardi 19 novembre Jour 35 Puerto Pizzaro / Guayaquil
Un petit tour, tôt, sur le débarcadère où les pêcheurs débarquent leurs prises. Une partie part directement vers le bâtiment voisin pour regroupement et expédition, l’autre est vendue « au cul des barques » à des ménagères ou des restaurateurs qui négocient âprement les belles pièces, le reste est débité en filets pour vente immédiate. 3,5€ le kg de filets de rougets, c’est tentant. Nous en prenons une livre, pour un essai de ceviche maison : il vaut mieux tester sur place, si on veut éviter de mauvaises surprises à nos futurs convives…
Les déchets de découpe, têtes, arrêtes et peaux s’empilent sous les étals, sont chargés ensuite dans des taxis benne, pour expédition vers les bassins d’élevage de crevettes, qui jalonnent la route sur des kilomètres: après les bananes, dont l’Equateur est le premier producteur mondial, les crevettes constituent le deuxième poste du commerce extérieur du pays.
Retour vers Tumbes, nous venons de réaliser que la monnaie équatorienne est le dollar américain (belle préparation de voyage..) et que les locaux n’acceptent pas les gros billets. Les distributeurs de Scottia Bank délivrant des sols ou des dollars, autant se prémunir. On en profitera pour entrer en Equateur avec le plein de gazole.
Notre guide nous prédisait un frontière chaotique, envahie de changeurs clandestins et autres personnages douteux. Il n’en fut rien : deux complexes immigration / douane combinés distants de 5km, avec dans chacun des fonctionnaires des deux pays côte à côte, échangeant en franche coopération, le premier consacré aux entrants au Pérou, le second aux entrants en équateur. Pas d’attente pour les voyageurs, même pas une visite du véhicule. Par contre, au premier complexe, un grand nombre de réfugiés vénézuéliens, essentiellement des jeunes dont de nombreuses mères avec des enfants, qui ne peuvent pénétrer au Pérou, attendent dans le calme, avec l’espoir, on l’imagine, d’un permis de séjour.
Plusieurs ONG ou institutions internationales les assistent dans de grandes tentes. Agnès, qui souhaite faire un don, aura beaucoup de mal à convaincre les jeunes bénévoles de l’accepter ; le règlement l’interdit. Finalement l’une d’entre elle cèdera, avec reconnaissance, les besoins sont si grands!
265 km jusqu’à Guayaquil. Je ne pensais pas que nous pourrions y parvenir dans la journée, mais, à part deux ou trois difficiles traversées de villages, qui semblent encore moins coquets, c’est peu dire, qu’au Pérou, la route est bonne, souvent à quatre voies, et traverse d’immenses bananeraies, puis des rizières qui s’étendent jusqu’au pied des collines, à l’est.
L’arrivée sur Guayaquil sera elle aussi étonnement aisée, par une autoroute offrant une vue magnifique sur le delta du rio Guayas qu’elle franchit par deux ponts successifs pour irriguer le cœur de ville, aux belles avenues. La circulation, dans cette ville de 2,5 millions d’habitants est dense, mais rien de comparable à ce qu’on a connu à La Paz ou à Lima.
Nous gagnons facilement l’hôtel Livingstone où nous pouvons nous installer dans la petite arrière- cour.
Petite précision sur la façon dont nous sélectionnons nos bivouacs : Agnès recherche, généralement sur l’application Ioverlander, exceptionnellement sur « le lien amsud » les endroits potentiels, que nous choisissons sur la base des commentaires de précédents voyageurs. A partir des coordonnées, le Garmin et OSM font le reste. Problème : quand les deux applis de navigation divergent. Le Garmin ayant tendance à privilégier les raccourcis scabreux, dans ces cas-là, on s’en méfie et on fait confiance à OSM.
Si nous n’avons pas d’autres solutions, les points recommandés étant trop éloignés pour être atteints avant la tombée du jour, car nous ne roulons jamais la nuit, une station-service, ou la Plazza de Armas d’un village, toujours bien éclairées, font l’affaire.
S 02° 09’ 29.2’’ O 79° 53’ 34.9’’ Niveau de la mer 30° à 17h
Km 287 Total 5198
Mercredi 20 et jeudi 21 novembre Jours 36 & 37 Guayaquil
On a décidé de s’offrir notre petit Noël à l’avance : un séjour aux iles Galapagos. Le réceptionniste de l’hôtel nous ayant recommandé deux agences susceptibles de nous proposer la formule ad hoc, nous y passerons la matinée, pour finalement retenir une option « 5 jours – 4 nuits », qui nous permettra de décoller dès vendredi matin pour les îles.
Le retour en taxi nous permettra de confirmer qu’ici, effectivement, on n’aime pas les gros billets. Et « gros » peut parfois commencer à 5 dollars. Mieux vaut de munir de monnaie.
Sur le Malecon, la promenade est agréable, l’ensemble a été récemment rénové mais ne semble pas un grand succès commercial car de nombreux locaux sont vides. Cependant il offre une belle vue sur le rio, ses rives et, au fond, sur les favellas du Cerro Santa Rosa.
La traversée du mercado, ensuite sera étonnante : des dizaines (on aurait envie d’écrire : des centaines, tellement ils sont nombreux, étals à touche-touche), des dizaines donc, de marchands de mobiles, Samsung et Huawei règnent en maitre. Comment sélectionner un vendeur ?
Avant de rentrer, un petit tour au « Palacio Crystal », ancien marché couvert construit par une entreprise bruxelloise sur les plans de Gustave Eiffel , et achat d’un chapeau pour remplacer celui abandonné aux tortues marines.
Visite ensuite du joli musée municipal, retraçant l’histoire préhispanique et de ses nombreuses ethnies, puis celle de la conquête par les conquistadores. Ici aussi, les peuples soumis aux incas, bien naïfs, donnèrent un coup de main aux espagnols pour se libérer du joug. Mais, avec le recul, facile de juger…
On ne résiste cependant pas à la tentation de faire partager le plaisir de la découverte des plus belles pièces.
On y apprendra que Guayaquil, site idéal à l’embouchure de cet estuaire, (delta ? le rio s’y divisant en deux branches), fut fondé en 1538 par le capitaine Francisco de Orellana, natif de Trujillo, en Espagne et compagnon de Pizzaro.
C’est lui qui, en 1541, à la tête de la 1° expédition en Amazonie, découvrit l’Amazone. Servit-il de modèle à Werner Herzog pour son personnage halluciné de Aguirre, dans « La colère de Dieu ? ». Quoiqu’il en soit, ces types étaient décidément hors du commun : après avoir traversé l’Atlantique sur des coquilles de noix, franchi l’isthme de Panama, soumis les ethnies côtières, exterminé les incas, fondé des villes, gravi les cordillères andines, ils avaient encore l’énergie de se lancer dans l’exploration de l’Amazonie. Quand on connait le terrain, et les conditions climatiques, ça laisse rêveur. Des crapules, certes, à l’aune de nos critères moraux d’aujourd‘hui, et poussées par la soif de l’or, mais des crapules déterminées…
Guyaquil devint rapidement, grâce à sa position entre Lima et Quito, et à ses chantiers navals, le 1° port du pacifique sud, suscitant la convoitise des corsaires français, anglais et hollandais, qui l’attaquèrent à de nombreuses reprises. L’assaut le plus marquant fut celui des corsaires français Grognard et Picard en 1687. Leurs équipages pillèrent la ville, enlevèrent les pensionnaires d’un collège, réservé à l’époque à la progéniture des hidalgos, et les emmenèrent sur l’île de Puna où ils s’entretuèrent pour leur possession, dans tous les sens du terme.
Relâchées et, ayant vu le loup, suivant la délicate expression de nos grand mères, certaines donnèrent naissance à des enfants que, cruels, les habitants dénommèrent « piratillos »..
En fin de journée, nous récupérerons notre linge à la lavanderia, puis on se mitonnera un petit rizotto aux fruits de mer, arrosé d’un chardonnay d’Icca, bien sec…
Retour le lendemain à l’agence pour récupérer les billets d’avion, puis promenade jusqu’au barrio de Las Pena, dont les maisons colorées escaladent la colline. Dans ses rues basses, les maisons de bois, toutes classées, abritent ateliers d’artistes et galeries. Plus haut, le quartier a gardé son caractère populaire.
Du haut de la colline, belle vue sur la ville, et sur l’estuaire, d’où surgissent les pylônes des télécabines qui bientôt permettront de traverser le rio et une partie de la ville, autre beau projet de Poma. Cette entreprise a manifestement bien géré la fin de la grande époque de l’« or blanc ». Les stations alpines étant maintenant toutes équipées, elle a su se diversifier vers les installations urbaines et les marchés à l’export, soutenue par l’Agence Française de Développement, comme l’indiquent les panneaux d’info sur le chantier.
Finalement, et contrairement aux affirmations du guide « Lonely Planet », Guayaquil est une belle ville, aérée et où il est agréable de flâner.
Vendredi 22 novembre Jour 38 . Iles Galapagos
Le vol de 7h est annulé, départ reporté, à 11h55 et ce sera finalement 12h30. Pas d’embarquement possible sans régler la taxe d’accès aux îles, 20$ chacun, et un contrôle, fort théorique des bagages, la préposée au détecteur à rayons X étant occupée sur son smartphone. Vol sans problème sur Avianca, compagnie colombienne et arrivée à l’aéroport de Baltras, sur l’île du même nom. Contrôle d’immigration, on n’a pourtant pas changé de pays, paiement du droit d’entrée dans le Parc National des Galapagos, 100$ par personne, puis d’un ticket de bus, 5$ par personne. La machine à cash fonctionne bien.
Accueillis par un chauffeur de taxi, nous prenons avec lui un bus qui nous mène, en une dizaine de minutes, sur cette île inhabitée et à la végétation étique, jusqu’à un embarcadère, pour traverser l’étroit bras de mer, le canal d’Itabaca, nous séparant de l’ile de Santa- Cruz.
Le taxi, un pick- up, comme quasiment tous les véhicules des Galapagos, mettra ensuite une quarantaine de minutes, par une route tracée directement nord – sud, franchissant l’élévation centrale de l’île, sans aucun virage, à travers un versant nord à la forêt sèche, puis un versant sud à la végétation tropicale, pour atteindre Purto Aroya, la capitale de Santa-Cruz, deuxième île de l’archipel par ses dimensions, mais la plus animée.
Le chauffeur nous dépose à l’hôtel Palmeras, bel établissement un peu vieillot, avec pour instruction d’embarquer dans le bus qui passera nous prendre à 15h30. Juste le temps de déjeuner dans la salle du restaurant de l’hôtel, où nous semblons être les seuls clients. Steak et riz aux lentilles, Agnès adore.. (A propos, si vous n’aimez pas le riz, mieux vaut ne pas venir en Amérique du sud)
L’excursion de l’après-midi sur les hauteurs sera à dominante géologique, pour donner un aperçu de l’origine volcanique de l’archipel : 22 îles et une centaine d’îlots, sur une surface totale de 8000km², avec Isabela, la plus grande, composée de 6 volcans. Cette origine, outre la nature basaltique des sols, a laissé d’autres traces : « los gemellos », les jumeaux, deux dépressions d’une centaine de m de profondeur, de forme circulaire pour l’une, ellipsoïde pour l’autre, résultant de l’effondrement de la croute durcie de la lave qui s’était formée au-dessus de zones lacunaires lors des éruptions successives.
Plus spectaculaire, ce tunnel de 400m de long, de 5 à 6m de diamètre, avec des passages dans ses salles de près de 30m de haut, et une zone, très courte, où il faudra ramper. Ces tunnels, dont certains longs de plusieurs km, étaient les chenaux d’écoulement de la lave au sein du magma plus visqueux qui se solidifia en l’état, à la fin de l’éruption.
L’excursion se terminera dans une ferme où se rassemblent des tortues terrestres, belles bêtes de plus d’un mètre de diamètre et pouvant atteindre, au bout d’une centaine d’années, 200kg pour les mâles.
Herbivores, on les verra brouter gentiment. Elles ont besoin de trous d’eau où se prélasser en compagnie, seules leurs narines émergeant de l’eau boueuse. Essentiel pour leur régulation thermique et l’élimination des parasites : allez vous gratter le ventre avec une carapace !
Ici, la tortue règne en maitre, même dans les corsos fleuris.
De retour à l’hôtel, diner seuls, face à notre riz aux lentilles, ça n’est vraiment pas la haute saison….
Mais c’est vendredi soir, on ne va pas se laisser abattre: c’est la fête dans les rues de ce quartier très animé, et les spectacles enfantins attirent la foule, même si pour certains des jeunes acteurs ; ça a plutôt l’air d’une corvée.
Les tours operators sont rodés, un agent passe le soir à hôtel nous confirmer le programme du lendemain : ce sera Sante-Fe, petite île à une heure de navigation au sud-est de Puerto Aroya.


















Votre blog est toujours aussi agréable à lire et instructif, bravo pour le texte et les photos. Félicitations aussi pour cette excursion aux Galapagos, le graal de nombreux voyageurs… Je ne savais pas que les tortues appréciaient les chapeaux, c’est vrai que ça ne peut qu’être meilleur pour leur régime que les sacs en plastique.
Vos soucis techniques ou mécaniques sont au final inévitables au vu des nombreux kilomètres avalés, le seul moyen de les éviter totalement est de rester chez soi, mais bof !
Bises
Agnès est très photogénique avec son nouveau chapeau !
Nous espérons que votre séjour aux Galapagos s’est bien passé et que nous aurons droit à de jolies photos dans le prochain « compte rendu » de vos aventures !
bises à tous les deux
« Les tortues (Testudines) ont une histoire qui remonte à plus de 200 millions d’années. La tortue a connu les dinosaures et traversé toutes les crises climatologiques. » C’est ce que j’ai pu lire sur internet, stimulé par votre rencontre avec des représentants de cette espèces; ils mériteraient 1) d’être invités à la COP25 pour expliquer comment se préparer aux prochains bouleversements climatiques2) de participer au prochain congrès mondial de Thalasso 3) ainsi qu’au symposium des philosophes de la lenteur
Comme ils risqueraient d’arriver trop tard à ces manifestations , posez leur quelques questions sur ces sujets, si vous les revoyez ou si vous avez échangé vos adresses, pour quand ils passeront à Suze
Donnez leur le bonjour de François et dites leur qu’après avoir renoncé à manger du cuy il s ‘abstiendra de goûter la soupe de tortue
PS Agnès superbe Chapeau dont l’inscription témoigne que ce n’est pas un panama
Bises
François
Hello,
Je me joins aux autres pour vous féliciter pour ce blog toujours aussi agréable à lire.
Par contre tu ne manques pas de culot… Mettre une photo d’Agnès et juste en dessous parler d’un musée…
La bise.