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Mardi 20 . Jour 71. Huacachina/ El Chaco– Presqu’île de Paracas

Huacachina est située dans une zone de dunes, entre l’oasis d’Ica et la mer. La présence d’une lagune a permis d’y développer une micro zone touristique.

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Elle attire les amateurs de surf sur les dunes ou de ballades en buggy. Une soixantaine de ces engins, croisement du buggy de Steve Mac Queen dans « L’affaire Thomas Crown » (Ah ! la partie d’échecs avec Faye Dunaway …) avec les monstres de « Mad Max », attendent le chaland.

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En bord de dune, se niche, très intelligemment aménagé, l’ « Eco Camp ». Une douzaine de paillotes, quelques emplacements de parking, une piscine, et c’est un endroit de rêve pour une halte cocooning.

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Nous reprenons la route vers le nord, la « Panamericana Sur » le long de l’active oasis d’Ica ,pour gagner après une longue portion dans le désert, où sont curieusement implantés de nombreux élevages industriels de poulets, la presqu’ile de Paracas, triangle de terre faisant saillant dans le Pacifique qui abrite une réserve naturelle, et une petite, mais cossue, station balnéaire à l’abri de sa rade : El Chaco, où débarqua San Martin en 1820.

Dès notre arrivée, nous réservons des places pour la ballade vers les Iles Balestas, puis partons faire le tour de la presqu’île. Notre première halte sera, qui s’en étonnera, pour un resto de poissons, dans la baie de Lagunillas. Ici, c’est le bout du monde : des barques de pêche, 4 restaurants, et rien d’autre. Notre véhicule se retrouve en terrain connu: le désert péruvien est le plus aride du monde, et les plages ne sont pas très fréquentées…

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Retour à El Chaco, sans avoir vu la queue d’un animal. Ce sera pour demain ?

Bivouac sur la place voisine de l’embarcadère pour les iles.

S 13° 49’ 53.1’’   W 76° 14’ 50.1’’

Km 126   Total 10584 (recalé)

Mercredi 21. Jour 72. El Chaco – Islas Balestas

Dès 7h45 nous sommes parés pour embarquer, par fournées de 40, dans les vedettes rapides qui nous conduiront aux « Islas Balestas », haut lieu de la biodiversité et autrefois exploitations de guano (savez vous qu’il y eu une guerre à la fin du XIX° siècle entre le Chili et le Pérou, d’une part, et l’Espagne, pour la possession d’iles inhabitées mais dont les gisements de guano produisaient 200 000 tonnes exportées chaque année vers l’Europe ?)

Mais auparavant, halte sur la dune qui fait face au port de El Chaco, pour y découvrir ce qui reste un autre mystère de la région : un gigantesque candélabre de 130 m de haut, tracé dans le sable, dont la présence a été relatée pour la 1° fois par un voyageur en 1863. L’aridité du climat, moins de 20mm de précipitations par an, et l’absence de vent sur ce versant protégé, en assure la conservation.

Qui et quand l’a t­-on tracé : des conquistadores ? des marins ? des prêtres ? et quelle en est la signification ? A chacun sa vérité.

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On ne débarque pas sur les îles, aujourd’hui protégées en tant que réserve naturelle, et depuis que l’exploitation du guano a cessé, les oiseaux sont les maitres des lieux. Près de 250 000 y nicheraient, les espèces les plus spectaculaires en étant les pélicans et les pingouins.

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Quant aux pingouins, ils constituaient un mystère pour les naturalistes, peu accoutumés à la présence de ces oiseaux marins dans des zones tropicales. C’est de Humboldt que vint la lumière : il mit en évidence la présence d’un courant marin froid remontant les côtes péruviennes extrêmement favorable au développement des anchois et donc de leurs prédateurs. Il en fait, au passage, toujours du Pérou le premier exportateur de farines de poisson. (By the way, c’est pour ça qu’il y a des élevages de poulets ?)

Ce courant froid, et ces pingouins, y gagnèrent leur identité : le courant de Humboldt, et les pingouins itou, bien différents des pingouins de Magellan et des pingouins « rois » que nous avions admiré en Patagonie.

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Grégaires, ils ne semblent pas faire un pas l’un sans l’autre.

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C’est l’heure du bain, ils s’engagent dans la pente. Pas envie de se casser la gueule, ils regardent où ils mettent les palmes..

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Les deux plus hardis sont déjà en bas, et surveillent les trainards.

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Ça ne suit pas, mais, marre d’attendre, ils plongent…

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Sur les rochers, les lions de mer n’ont pas, eux, d’angoisses existentielles : les femelles et les petits se prélassent.

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Et les mâles font ce que savent faire les mâles ; ils font les beaux !

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L’après- midi, nous pousserons vers ce qui sera,  à 70km, le point le plus au nord de ce voyage, l’hacienda San José . Nous n’irons pas en effet, jusqu’à Lima, ce sera pour le prochain séjour.

Les premiers bâtiments de cette hacienda, dont son église, furent bâtis en 1688, et dédiés à l’exploitation de canne à sucre et la production de miel. A son apogée, couplée à l’hacienda proche de San Regis, elle exploitait, le mot n’est pas trop fort, 4000 esclaves d’origine africaine.

Somptueuse, son ambiance, bien qu’elle soit aujourd’hui transformée en hôtel, renvoie à la propriété de Di Caprio, dans « Django unchained »

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On ne pourra s’empêcher de penser, en visitant les sous- sols qui abritaient les cellules où étaient enchainés, maltraités et punis les esclaves désobéissants ou fuyards, où ils étaient parqués pendant les visites des inspecteurs des impôts afin d’échapper à la taxation, où les plus beaux spécimen assuraient un devoir de reproduction, de penser donc au cynisme et à la bonne conscience des hidalgos résidant un étage au- dessus, et se préparant à la messe dans leur somptueuse église au retable en ébène importé d’Espagne.

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Comble du cynisme : les esclaves devaient parcourir depuis la côte 25 km dans un tunnel de moins de 80 cm de large et de 1m60 de haut, non éclairé naturellement, pour atteindre, sans être vus, la plantation et éviter ainsi aux planteurs la taxation « per capita ».

Retour à El Chaco. Bivouac inchangé

Km 128  Total 10712

Jeudi 22. Jour 73. El Chaco / Nazca

Nous retraverserons l’oasis d’Ica, aux cultures d’asperges mais surtout aux splendides vignobles, et visiterons le domaine de Tacama, premier domaine viticole du Pérou

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Premier par son ancienneté d’abord, il fut fondé en 1540 par un compagnon de Pizzaro pour éviter l’importation de vin de messe, par sa qualité ensuite : bénéficiant d’un climat exceptionnel, il a par ailleurs profité de l’expérience de nombreux œnologues français dans les années 70. La notion d’appellation contrôlée n’existant pas au Chili, ils eurent la possibilité d’y tester plus d’une centaine de cépages pour y sélectionner les plus adaptés, cultivés très haut, comme toujours en Amérique du Sud : on y vendange les bras en l’air !

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Aujourd’hui le domaine produit, sur 300 ha, 5 cépages de blanc et une quinzaine de rouges. Le Pisco, gloire locale, résulte lui de la distillation, simple ou double, de 5 cépages spécifiques. J’en sirote en écrivant, pas un Pisco sour, il faudrait shaker et blanc d’œuf, mais façon capirihnia, c’est plus simple et ça fait autant d’effet…A la vôtre ! ( cependant, je ne trinque pas avec Michel, qui vérifie mes calculs de kilométrage. Tu n’es rien d’autre qu’un « flies fucker » !)

Retour pour le bivouac à l’Hôtel San Marcello, à Nazca

S 14.83247°   W 74,95779°

242km  Total 10964

Vendredi 23. Jour 74.  Nazca / Chala

La conduite sera pénible, mais dans un paysage splendide : des montagnes russes de 0 à 300m avec un revêtement parfois fatigué et des camions poussifs dans les montées. Peu de villages, pas plus en montagne que sur la côte. Nous descendrons jusqu’à un port de pêche, apparemment très actif, pour y acheter du poisson, mais, déception, on n’y pêche que des algues, expédiées par camions entiers, sans doute vers des usines de production d’amendements agricoles.

Dans les villages, tous les restaurants et les nombreuses gargottes servent du poisson, mais ils doivent certainement absorber toute la production locale, impossible de trouver un point de vente. On se contentera d’un déjeuner à Chala dans un beau resto de poissons, face au port, dont la pêcherie est fermée, et on y appréciera un plat d’écrevisses à la nage, à la sauce subtilement citronnée.

Bivouac en sortie de ville près de l’hôtel « Puerto Inca », bâti au fond d’une petite baie dont les côtes recèlent sur chaque rive, des vestiges de village incas.

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Une promenade dans les ruines nous permettra de constater que le sol présente de nombreux orifices, chacun constituant l’accès supérieur et unique d’une pièce de faibles dimensions, de forme circulaire, vraisemblablement à usage de greniers.

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S 15,83395°   W 74,31350°      Temp 31° à 8h

191km   Total 11145

Samedi 24. Jour 75   Chala / Mollendo

Route toujours aussi époustouflante, qui serpente en corniche entre les dunes et la mer. Belle deux voies et toujours les camions qui peinent dans les montées et vous poussent dans les descentes. On se permet quand même une petite halte pour un déjeuner d’écrevisses frites, il faut varier les plaisirs..

Très bonne surprise à La Punta ; les 100km de piste qui rejoignent Mollendo et évitent un détour de 200km ont été remplacés par une superbe route, au standard international, il y a même des voies lentes pour les camions dans les montées ! Cela nous permettra d’arriver au « Santuario Nacional » de Lagunas de Mejia, réserve ornithologique en bord de mer, ¼ d’heure après la fermeture, mais les rangers auront la gentillesse de nous laisser entrer pour y passer la nuit.

Bivouac au cœur du parc, face aux lagunes.

S 17,13228°      W 71,88172°   Temp 21° à 7h

Km 378   Total  11523

Dimanche 25. Jour 76 Mollendo

Longue ballade dans la réserve, qui héberge des centaines d’espèces, résidents ou migrateurs mais il est trop tôt en saison et les migrateurs ne sont pas encore là.

On y verra en abondance ce curieux oiseau à tête rouge que nous ne saurons identifier, des « oysters catchers » au long bec rouge qui, pour tromper l’adversaire, se nourrissent de moules, et une multitude de petits crabes qui se précipitent dans leur trou à la moindre vibration.

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Nous profiterons du marché du dimanche à Mollendo pour, enfin, nous approvisionner en poisson et, surprise ? en écrevisses.. On se les préparera, tout simple, plongées dans l’eau bouillante avec un brin de chimichurri.

Mollendo est une ville un peu décevante : comme d’hab le « Lonely Planet » est un brin trop laudateur et les maisons coloniales en bois du centre- ville ne valent pas le détour.

On s’installe sur la plage près de l’hôtel Meija, à quelques km du centre de Mollendo, hôtel pas si accueillant que ne le qualifiaient les commentaires sur Ioverlander. L’après-midi, on bulle, puis tente une baignade mais l’eau est fraiche et les rouleaux découragent vite les amateurs de natation cependant, promis, demain j’enlève le bas…

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Le soir, on pourra quand même, bien au sec, jouir d’un magnifique coucher de soleil.

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S 17,05076°   W 71,97262°

Km 32   Total 11555

Lundi 26 novembre. Jour 77. Mollendo Arequipa

Très long détour vers le nord-ouest dans un paysage toujours désertique pour nous rendre à « Toro Muerto ». Ce lieu tirerait son nom de l’extrême aridité de la région qui aurait causé la mort de nombreuses bêtes lors de transhumances, mais il est surtout connu pour son site de pétroglyphes : A quelques kms du village de Corire-Uraca, dans une zone aujourd’hui inhabitée dominant l’oasis, plus de 2000 dessins, géométriques ou zoomorphes furent gravés ou piquetés sur des blocs de tuf volcanique disséminés dans une pente sableuse.

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Dans cette pente, la marche est malaisée et les pétroglyphes mal signalés : il faut les rechercher, et les mériter !

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Destinés à accompagner des rituels en l’honneur de Pachamama, la terre mère, leur élaboration put être datée à partir de différents objet, textiles, céramiques, retrouvés sur place et démontrant trois périodes d’occupation du site : 200- 300 de notre ère, 1000- 1300 et après 1350.

D’une grande richesse d’inspiration, puisqu’on peut y voir chiens, jaguars, condors, reptiles, batraciens et quelques humains, les lamas y sont sur- représentés, sans doute parce que ce site représentait une étape importante, en raison de la présence d’un point d’eau, pour les caravanes de lamas qui traversaient la cordillère

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Partis tôt le matin, nous effectuons la visite soleil au zénith. L’endroit est trop inhospitalier pour y rester plus longtemps et nous décidons de pousser jusqu’à Arequipa où on pénètre vers 16h30, ravis d’une longue soirée pour une première découverte de la ville dont François et Josette ont vanté la beauté. Erreur, des travaux sont en cours sur la 4 voie qui traverse la ville, et comme les chauffeurs de poids lourds se moquent des déviations comme de leur premier PV, la police de la route semblant par ailleurs assez absente, ils sont contraints de faire demi-tour sur la 4 voie une fois arrivés au chantier, puis d’emprunter des petites rues parallèles. Il nous faudra 1h30 pour faire 2km..

Arrivée donc en fin de journée au « Mercedes Hostal », belle demeure classique qui reçoit des voyageurs dans sa zone camping, et excellent accueil.

S 16,40033°   W 71,54233°

Km 372 Total 11927

Mardi 27 novembre et mercredi 28. Jours 78 & 79.  Arequipa

La ville d’Arequipa, entourée d’une chaine de volcans, fut détruite par des séismes et des éruptions volcaniques en 1600, puis de nouveau soumise à des tremblements de terre en 1687, 1868, 1958, 1960 et 2001.

Le volcan El Misti, le plus proche, la domine et rappelle à tous la menace latente.

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Belle obstination que celle des habitants qui, depuis les fondateurs Aymaras, s’acharnèrent à la reconstruire. Peu de bâtiments très anciens subsistent, mais le cœur historique, autour de sa place d’armes, a été rebâti après le séisme de 1868 dans un matériau superbe, le sillar, une roche volcanique claire, et dans un style néo colonial baroque.

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Chaque immeuble nous offre sa belle façade et nous ouvre son splendide patio ; cela en fait la plus belle ville que nous ayons vu jusqu’ici en Amérique du Sud, et où il est agréable de flâner.

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Trois des cotés de la Plaza de Armas sont bordés par des bâtiments à colonnades, la quatrième étant occupée par la plus grande cathédrale du pays, qui, curiosité, est l’une des rares basiliques au monde autorisée à déployer le drapeau du Vatican. (si quelqu’un sait pourquoi, n’hésitez pas…)

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L’esplanade, face à la cathédrale, est le lieu privilégié des manifestations politiques, des évènements religieux et de fêtes profanes. Lors de notre passage, nous resterons perplexes devant un rassemblement de jolies jeunes femmes en robes de mariée. S’agit-il d’un enterrement de vie de jeunes filles, du bal des debs locales ou d’un rituel consacré à la fertilité ?

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Renseignements pris, naïfs que nous sommes, il s’agissait du tournage d’un spot publicitaire…

Construite en 1656, et rebâtie à plusieurs reprises depuis, l’une des deux tours s’effondrant à moitié lors du séisme de 2001, la cathédrale est de construction classique, et présente quelques éléments intéressants ; de grandes orgues offertes par la Belgique et qui, endommagées pendant le transport jouèrent faux pendant plus d’un siècle, une belle chaire  au piédestal démoniaque offerte par la France, et de curieuses auréoles ornant les statues du Christ.

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Joyau d’Arequipa, village dans la ville, le couvent de Santa Catalina, fondé en 1580 par une riche veuve, dona Guzman, en dévotion à Ste Catherine de Sienne, occupe 2 ha en plein centre- ville. A son apogée, au XIX° siècle, il abritait 170 nonnes et une population totale de 450 personnes. Entrées à 12 ans et vivant au sein du cloitre des novices, dans des appartements qu’on n’oserait appeler des cellules, les jeunes filles, au bout de 4 années de silence et de formation, pouvaient prononcer leurs vœux et intégrer alors le cloitre des orangers ou le cloitre majeur, ou bien quitter le couvent au déshonneur de leur famille.

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La règle de St Dominique, en vigueur ici, était bien plus libérale que celle qui nous avait été décrite au Carmel de Santa Teresa, à Cochabamba. Si les principes de sélection de la dizaine de novices qui intégraient le couvent étaient identiques, secondes filles de noblesse espagnole richement dotées, seules les exigences de chasteté et d’isolement leurs étaient communes puisqu’ici, foin de silence et de pauvreté : les nonnes vivaient dans des maisons, qui pouvaient regrouper d’une à trois religieuses et leurs servantes, maisons financées par les familles qui devaient également une dot annuelle de 100 pièces d’or.

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Heureusement, le Vatican veillait : en 1871, une réforme mit fin à ce régime de luxe et de volupté, les maisons fermées et les nonnes rassemblées dans des dortoirs, aujourd’hui transformés en musée. Plus de cuisine individuelle, un réfectoire avec lecture des évangiles. Non mais !

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S’agissait-il d’un retour au dogme, ou d’une adaptation aux nouvelles conditions économiques, la noblesse espagnole ayant déserté le pays lors de l’indépendance, tarissant les recrutements de novices fortunées ? Sans doute un peu des deux, tant il est clair que les institutions qui survivent, l’Eglise comme les autres, sont celles qui savent marier idéologie et pragmatisme.

Et on vous épargnera la description des musées visités, notamment celui dédié à Juanita, la « jeune fille des glaces », sacrifiée dans les années 1450 au sommet du Nevado Ampato, vous avez déjà eu droit aux momies incas à Salta…

Jeudi 29 et vendredi 30. Jours 80 et 81. Chivay

Quartier libre pour notre véhicule, nous nous embarquons dans un minibus pour une excursion vers le canyon de Colca. Dûment chapitrés par le guide sur le mal des montagnes, car nous aurons à franchir le col de Patopampa à 4910m, nous faisons provisions de bonbons à la coca et aurons droit, à la 1° halte à Patahuasi, à une infusion de ladite feuille. Goût de diurétique et effets douteux…

Pampa de Toccra, à une altitude de 4300m, les vigognes s’ébattent, protégées au sein de cette réserve.

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Ces vigognes sont capturées pour la tonte, puis relâchées car elles ne se domestiquent pas. Et, pour info, une bête « produit » 150g de laine tous les trois ans, laine qui s’échange 1200€ le kg !

Et en reperdant un peu d’altitude, les troupeaux d’Alpagas referont leur apparition.

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Au col, belle vue sur la chaine de volcans : Ubinas (5675m), El Misti (5822m), Chachani (6075m), Ampato (celui de Juanita, 6310m), Sabancaya (5976m), Hualca Hualca (6025m), Mismi (5597m) et Chucura (5360m).

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Seul le volcan Sabancaya est actuellement actif et se manifeste par des émissions régulières.

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A ces altitudes, une seule plante subsiste, la llareta, dont la croissance annuelle se mesure en mm et qui pourrait vivre des millénaires (notez le conditionnel, le doute m’habite..)

Halte pour l’après midi à Chivay, minuscule capitale de la région, et où l’on semble fier de ses traditions puisque de nombreuses statues de danseurs ornent les rues du bourg.

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Détail intéressant et là, je pompe texto le Lonely Planet : « les habitants descendent de deux groupes ethniques rivaux, les Cabanas et les Collagas, qui se distinguaient autrefois par des déformations crâniennes différentes et qui se reconnaissent aujourd’hui à la forme de leur chapeau et à leurs vêtements brodés ; à l’extrémité est du canyon, les chapeaux blancs en paille tressée des femmes s’agrémentent de dentelles et de paillettes, à l’ouest, ils sont en coton brodé à calotte ronde ». Aujourd’hui, en ville, tout ce petit monde se côtoie, chapeaux de coton, chapeaux de paille mêlés.

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Le lendemain, nous remonterons une partie du canyon de Colca, long d’une centaine de km, et dont la première partie est jalonnée d’une série de villages, qui abritaient les agriculteurs qui firent de cette vallée, au prix d’efforts colossaux pour y aménager des milliers de terrasses, un haut lieu du maraichage et de l’élevage bovin.

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Et naturellement la domination espagnole jalonna également la vallée d’églises, bastions de l’évangélisation.

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Et dans ces églises, aux décors chirrugueresques, (je ne m’en lasse pas..), même les saintes sont vêtues traditionnellement.

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Tôt le matin, avant l’ouverture de l’école et devant le parvis d’une de ces églises, nous assisterons à un spectacle qu’on aurait aimé trouver charmant, si les ados qui se produisaient ne montraient pas, par leur absence de sourire et d’enthousiasme, à quel point ils se sentaient contraints de s’y plier.

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Le but ultime de cette excursion sera le mirador des condors, point où la différence d’altitude entre le fond de la gorge et la crête qui la surplombe atteint 3500m, ce qui en fait, à 150m près, le second canyon le plus profond du monde. Les condors sont bien là, planant vers le ciel et portés par les thermiques.

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La ballade se terminera par quelques emplettes auprès des artisans locaux, qui nous permettront, à nouveau, d’admirer les parures locales.

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Demain, nous quittons Arequipa pour remonter vers le lac Titicaca, que nous avons négligé à notre entrée au Pérou, encore un peu bousculés par nos récentes misères mécaniques.

Samedi 1° décembre. Jour 82  Arequipa /Puno

Sur les 100 premiers km, rien de nouveau, nous empruntons le même trajet que pour nous rendre à Chivay, puis obliquons vers le nord pour rejoindre Juliaca, sur les rives du lac Titicaca. Mais avant, il faut passer un col 4528m. Par chance, moins de camions, la route est peu fréquentée, et au niveau du col, un beau lac, avec quelques flamands roses.

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La traversée de Juliaca sera difficile en raison d’importants travaux : on y bâtit un viaduc en plein centre, une autoroute doit traverser la ville. On s’en sort quand même et effectuons un petit retour en arrière sur la route menant à la Bolivie, avec pour objectif Puno, point de départ vers les « Islas Uros »

Lac Titicaca, un nom que tout le monde connait. Parce qu’il nous faisait rire quand nous étions enfants ?

Ou parce qu’il s’agit, comme le Baïkal, d’une vraie mer intérieure, perchée à 3880 m d’altitude et aux dimensions hors normes : 190 km de long, 80 km de large à son maxi, alimenté par 25 rivières et partagé entre deux pays, la Bolivie et le Pérou, avec une profondeur moyenne de 100m et 300m au plus profond.

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Ou enfin parce il évoque ces îles flottantes que leurs habitants rejoignent dans des embarcations de roseau.

C’est ce que nous sommes venus chercher ici, et nous longeons la rive sur quelques km pour atteindre un hameau et y rechercher Roger, dont l’indispensable application Ioverlander nous indique qu’il accompagne, dans sa barque, les voyageurs sur les iles, évitant la foule des tours operators.

Stop devant l’église et nous sommes vite repérés par la famille de Roger qui nous confirme sa disponibilité et nous invite à nous garer en face, de l’autre côté de la voie ferrée qui longe le lac, sur le terrain de foot, pour y passer la nuit. Rendez- vous demain 9h, pour embarquer.

S 15,31684°   W 69,99143°

Km 339   Total 12256

Dimanche 2 décembre. Jour 83  Isla Uros

7h30, on frappe à la porte. C’est Roger, que nous ne connaissions pas encore, qui vient nous inviter à déplacer la voiture : c’est dimanche, donc tournoi de foot. Les joueurs se changent, on installe les filets et les lignes de touche ont déjà été rafraichies à la chaux, sauf à l’endroit où nous sommes garés, on gêne !!!

A 8h30, Roger revient avec une perche, son réservoir d’essence et un baluchon. Les barques sont là, à moins de 20 m du terrain de foot. Peu de fond et beaucoup de vase, il faut se dégager à la gaffe, dans un beau contre jour.

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Engagés dans un chenal, et il nous faudra une demi-heure de navigation entre les roseaux, plus exactement les « totoras » pour atteindre le large.

Roger, qui se présente comme un Uros, est en fait un métis Aymara. La dernière des Uros « pur jus » a quitté cette terre en 1959 et sa langue a disparu avec elle. Les Uros étaient une tribu qui s’était réfugié, il y a des siècles, dans le labyrinthe des chenaux et des îles flottantes, pour se protéger de l’agressivité des Collas et des Incas. Ils y survécurent grâce à la pêche et aux totoras, roseaux comestibles qu’ils utilisèrent pour construire leurs embarcations et leurs habitations.

La vue se dégage, et nous pénétrons dans une vaste lagune bordée de ces îles qui font l’attrait, (l’attraction ?) de cette région.

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Nous longerons une série d’îles où accostent les vedettes de touristes, par palanquées de 40, et où les attendent de pied ferme des vendeuses de souvenirs.

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Les embarcations en roseau sont bien là, mais, accouplées, elles ne servent plus qu’à trimballer les touristes

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Heureusement Roger nous apportera un peu plus d’authenticité. Il nous mène à son île, où il réside régulièrement. Auparavant, nous passerons devant l’école, flottante naturellement

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Nous touchons enfin terre, façon de parler, chez Roger.

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Et là, grâce à ses explications, nous comprendrons ce que sont ces îles flottantes : les touffes de roseaux qui bordent les canaux et couvrent une partie des rives du lac ne sont pas enracinées au fond du lac, mais dans une couche de tourbe constituée par la décomposition de leurs racines, couche qui peut atteindre trois mètres et flotte sur le lac, comme en témoignent les blocs découpés par Roger.

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Sur ce substrat, les Uros furent contraints d’accumuler en permanence de nombreuses couches de totoras, pour pallier au pourrissement des couches inférieures, maintenir la flottabilité et permettre la construction des cases où ils s’établirent.

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Chaque case a sa fonction : cuisine, chambres, remises, et des panneaux solaires permettent m^me un peu d’éclairage et le fonctionnement d’un téléviseur, mais l’eau courante n’est pas disponible.

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Roger nous permettra d’appréhender la profondeur du lac dans cette lagune ; par un trou, foré dans l’épaisseur de la couche de roseaux et où l’eau affleure, il sondera, et filera 10m avant d’atteindre le fond.

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Chaque île est équipée d’un mirador, qui servait de tour de guet et de relais de communication, aujourd’hui, les touristes s’y prélassent.

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Sensation curieuse lorsque l’on se déplace sur une de ces îles : le sol est souple, élastique, et quand le passage d’une barque sur le chenal provoque une série de vagues, le sol ondule et semble se dérober.

A l’attache, l’embarcation en roseaux vient perpétuer la tradition.

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Nous comprendrons vite ce que contenait le balluchon : les œuvres de la femme de Roger qui, comme la plupart des habitants de ce hameau, tissent et vendent leurs productions sur les iles. Nous satisferons bien volontiers à nos obligations, à 15 sols par personne la ballade, moins de 5€, repartir les mains vides serait un beau manque de savoir- vivre..

Il faut repartir, s’engager de nouveau dans le chenal, non sans avoir salué l’église, flottante bien entendu. Si nous ne tardons pas, Roger pourra voir la fin du tournoi de foot.

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Impression un peu mitigée après cette « croisière » : gros doute sur le fait que le mode de vie traditionnel des Uros soit pérennisé ailleurs que dans les quelques gites qui accueillent les touristes ou dans des iles très éloignées, conviction que les « iliens » vivent en réalité dans les villages qui bordent le lac, où ils trouvent tout ce qui est nécessaire à une vie « normale », et où leurs enfants peuvent être scolarisés correctement, et ne se rendent sur les îles qu’en représentation. Mais au fond, qui pourrait leur en vouloir ?

Retour vers le centre de Puno pour un bivouac sur le parking près de l’ embarcadère pour les iles.

C’est dimanche, tous les restos sont pleins…

S 15° 50’ 18.7’’   W 70° 01’ 25.6’’

Km 46  Total 12302

 

Bonjour à tous.

Nous voilà rentrés à la maison, pour fêter Noël en famille.

Mais notre voyage n’est pas terminé, puisque nous n’avons pas publié le récit de notre dernière semaine péruvienne. Et comme Cusco, la Vallée sacrée et le Macchu Picchu le méritent, ce sera fait sous les prochains jours.

En attendant, tous nos vœux à tous pour une heureuse année 2019, avec une pensée particulière pour les grands voyageurs: Josette et Joël Braillard en Mauritanie, les Benistant en Inde.

Bonne fête de fin d’année

Agnès & Patrice

Lundi 3 décembre. Jour 84   Puno / Sicuani

Nous reprenons nos traces vers le nord-ouest sur ce trajet déjà effectué il y a 3 semaines. 3° traversée de Juliaca, toujours la galère. On aura tout essayé ; la « circonvolucion », défoncée, le centre-ville en travaux, bouché, et, pour cette fois les parallèles à l’axe principal. Mauvaise pioche, on tombe sur un marché. Pour en sortir, au culot, pas d’autre moyen que de prendre une rue à contre sens ; heureusement elle est courte, et ça n’émeut personne.

Halte à Sicuani, où nous avions beaucoup aimé l’hôtel Wilkamayu lors de notre 1° passage, même si le parking, commun avec un brasseur, est bruyant : on y charge des caisses de bière jusqu’à 11h du soir, mais il nous en faut plus pour nous empêcher de dormir.

S 14, 26109°    W 71,22707°

Km 198 Total 12500

Mardi 4 décembre. Jour 85   Sicuani / Cuzco

Route toujours hachée par les travaux sur chaque pont, mais le trajet est bref. On en profitera pour faire une halte dans un « lavadero », dont l’installation est en accès libre,  pour débarrasser le véhicule de deux mois de boue et de poussière, afin de la rendre un peu plus présentable pour l’hivernage.

Arrivée sur les hauts de Cuzco en début d’après midi, avec une très belle vue sur la ville, qui s’étend dans la plaine quelques centaines de mètres plus bas, et a conquis les collines alentour.

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Au camping « Quinta La La », nous aurons la surprise de retrouver un véhicule familier : l’Iveco de Sylvia et Per, compagnons de traversée l’année dernière sur le « Grande America », qui achèvent ici leur dernier grand voyage. Fatigués, ils se limiteront dorénavant à l’Europe. Nous y rencontrerons également Bruno, qui voyage sur son MAN 13 tonnes, et qui nous donnera des nouvelles d’autres voyageurs, membres du CCRSM.

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On se met d’accord avec Milli au sujet de la demande de suspension de l’autorisation temporaire d’importation : en1° étape nous irons à la police jeudi matin, pour solliciter sa visite afin d’obtenir la délivrance du certificat attestant la présence du véhicule au camping, avant de déposer le dossier à la direction des Douanes. Par ailleurs, nous avons décidé de le (et de nous..) laisser au repos jusqu’à notre départ vers la France, les excursions pendant ces dix prochains jours se feront en taxi, bus, train, ou tout autre moyen disponible.

Et comme le camping est situé à deux pas du site inca de Saqsayhuaman, en guise d’apéritif, nous attaquons sa visite, grâce au pass qui permettra de visiter une douzaine d’autres sites sur Cusco et ses environs.

Conçu par le 9° Inca Pachacutec, qui remodela le plan de la ville sous la forme d’un puma, et comprenant une forteresse pouvant héberger 5000 guerriers, un temple et un espace cérémoniel, Saqsayhuaman occupait 3000 ha sur une colline dominant Cuzco. Son sommet fut arasé pour dégager, entre la forteresse et la colline de Rodadero dominée par le « Trône de l’Inca », la vaste esplanade où se tenaient revues et cérémonies destinées à mobiliser le peuple et impressionner les visiteurs.

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La forteresse était ceinturée d’un triple rang de remparts en dents de scie, représentant les dents du puma, mais aussi visant à obliger les assaillants à se présenter de flanc.

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Ils étaient constitués d’énormes blocs polis, assemblés sans mortier et parfaitement ajustés, avec une découpe brisée propre à éviter leur glissement latéral lors de tremblements de terre. On retrouvera cet assemblage sur les fondations de plusieurs immeubles de la vieille ville, caractéristique de la construction inca, de même que les ouvertures en forme de trapèze.

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Et, pour donner une idée de la taille des blocs, car nous avons des lectrices aimant la précision, vous aurez droit à une photo avec personnages (comme pour les cartes postales anciennes, c’est plus cher, mais on ne facturera rien…)

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Km 217   Total 12717

Mercredi 5 au vendredi 14 décembre. Jours 86 à 95. Cuzco et les incas.

Séquence « Alain Decaux raconte » :

100 ans! Il aura fallu moins de 100 ans aux incas, de 1438 à 1532, pour bâtir un empire s’étendant, de part et d’autre des cordillères andines, de la région de Santiago du Chili au sud, à celle de Quito au nord, sur plus de 5000 km,.

Il ne faudra que 3 ans pour le voir disparaitre.

Née sur les bords du lac Titicaca au XII° siècle, la culture inca se développa lentement jusqu’à ce la cité de Cuzco fondée par le 1° Inca Manco Capac dans une cuvette à 3500m d’altitude, fut attaquée par les envahisseurs chankas venus du nord. Le 9° Inca, Yupanqui, qui la défendit victorieusement prit alors le nom de Pachacutec « le transformateur de la terre » et , fort de ce succès, entraina son peuple dans 25 années de conquêtes.

Considéré comme le grand homme du Pérou, pays dont la population comporte, comme celle de l’Equateur 40% d’indiens, il est honoré par un mémorial, surplombé d’une statue qui domine la ville moderne.

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Il entreprit la protection de sa capitale par un ensemble de forts, et développa une stratégie de conquête et de colonisation basée, à l’instar de celle des romains, sur des principes simples : soumission des populations par la « persuasion » et, en cas d’échec, recours aux armes ; assimilation par l’apport de croyances nouvelles, sans toutefois les imposer ; construction d’un réseau de routes et de sentiers irriguant l’empire, jalonnés de fortins tous les 20km et de villes de garnisons pour disposer de « forces d’intervention » aptes à réprimer rapidement tout soulèvement et assurer le contrôle des provinces les plus éloignées,

Cette stratégie, adoptée également par ses descendants, jointe à l’ouverture d’esprit des incas, prompts à assimiler les connaissances des peuples soumis ( Huaris, Chimu, Sican, Chancay, Chachapoyas, Aymaras..) qui leur apporta la maitrise de domaines aussi variés que l’urbanisme, l’architecture, la maçonnerie, l’astronomie, l’agronomie, la métallurgie des métaux précieux et du cuivre, leur permit de coloniser les régions andines de ce que sont aujourd’hui l’Equateur, le Pérou, la Bolivie, le Chili et l’Argentine.

Ils y implantèrent une forme de société basée sur un système de castes, sur le respect absolu de l’autorité détenue par l’Inca, incarnation de Dieu sur terre, et sur la discipline, imposant le travail forcé et permettant le contrôle de la production agricole et des stocks de vivres. Un embryon de politique sociale était pratiqué avec la répartition des surplus aux nécessiteux, mais le tout tenait au prix de la répression féroce des nombreuses révoltes qui émaillèrent la période, le joug inca étant mal toléré par les peuples asservis.

Mais, peuple de montagnes, jamais ils n’eurent accès à ce qui fit la force des civilisations qui, à la même époque, développaient aussi leurs empires : Ming en Chine, Ottomans sur le pourtour méditerranéen, villes hanséatiques, ibériques ou italiennes où se développaient les technologies qui leur permettraient la traversée des océans et la conquête de continents : les Incas ne connaissaient pas la roue, encore moins la navigation, leurs bêtes de somme, les lamas, étaient limitées à des charges de 25kg, jamais il ne maitrisèrent la métallurgie du fer et ignoraient tout de la pyrotechnie et donc des armes à feu. La communication au sein de l’empire, bien que rapide grâce au réseau routier et un système de coursiers susceptible de transmettre une information sur 250km en une journée, était, elle, handicapée par l’absence d’écriture, et l’économie par celle de la monnaie.

Ces faiblesses, criantes, portaient en germe la défaite de la civilisation Inca face à des envahisseurs déterminés, brutaux, maitrisant les techniques de combat dont ils étaient démunis, mais elles ne suffisent pas à expliquer l’effondrement brutal de l’Empire, qui sera vaincu par une poignée de soudards.

Francisco Pizzaro, analphabète mais ci devant marquis de los Atabillos, débarqua aux Amériques à 27 ans, en 1502 (10 ans seulement après Christophe Colomb, il devait être pressé de faire fortune..). Il y guerroya dans des expéditions qui, parties de Panama, atteignirent les côtes péruviennes, jusqu’en 1528, année où il retourna en Espagne pour quémander le soutien de Charles Quint.

Celui-ci lui accorda d’importants privilèges et lui permit d’organiser une 3° expédition : à bord de trois caravelles, accompagné de ses frères, à la tête de 170 hommes et 37 chevaux, il débarque sur les côtes péruviennes en 1532.

Il est accompagné d’un allié redoutable et dont il n’a pas conscience : le virus de la variole, qui véhiculé par les peuplades rencontrées lors de leur progression et précédant les conquistadores, anéantira rapidement des dizaines de milliers de vies indigènes.

Et, pour son malheur, l’empire inca est déchiré : à la mort de l’Inca Huayna Capac, en 1525, ses fils Huascar, basé à Cuzco et soutenu par le peuple, et Atahualpa, qui dirige l’armée du nord, aguerrie par ses campagnes équatoriennes, se disputent le pouvoir. La guerre civile réduit de nombreuses villes à l’état de ruines, voit la victoire d’Atahualpa en avril 1532, et laisse le pouvoir exsangue.

A l’arrivée sur place des espagnols, en septembre 1532, Pizzaro sollicite une entrevue, sans armes. Atahulpa, qui prend les eaux dans la ville thermale de Cajamarca, sur les hauts plateaux du nord, l’accueille avec bienveillance, jusqu’à ce qu’une attaque surprise ne permette aux espagnols de le faire prisonnier, et de « liquider », avec l’aide d’indiens ralliés trop heureux de se libérer du pouvoir impérial, des milliers de guerriers incas seulement équipés de gourdins, de frondes et de casques en vannerie, voire désarmés.

Quel fut le poids de la croyance en le dieu Viracocha, dieu universel qui fut initialement le dieu principal de la cosmogonie inca puis supplanté par Inti, le dieu Soleil, et dont les représentations indiquent une haute stature, un visage barbu à la peau claire et qui, selon la légende, devait revenir sur terre, dans la victoire espagnole ? Sans doute bien moindre que le cynisme (les cyniques diraient ; le pragmatisme) de Pizzaro, qui, non content de se saisir d’Atahualpa sur une trahison, lui fit croire à sa libération contre rançon, 6 tonnes d’or quand même, mais le garda prisonnier malgré le paiement, et lui fit subir le supplice du garrot au bout de huit mois, après avoir mis sur le trône un fantoche, Manco Inca, demi-frère de Huascar, investi Cuzco, le 15 novembre 1533 et installé une garnison à Saqsaywaman pour contrôler la ville.

La dernière tentative de résistance inca eu lieu 3 ans plus tard, quand Manco Inca, décidé à reconquérir l’empire et soutenu par le peuple exaspéré par les exactions espagnoles, assiégea Cuzco à la tête d’une armée de plus de 100 000 hommes, et réussit à investir la forteresse de Saqsaywaman . Les conquistadores frôlèrent la déroute : une percée désespérée par un des frères Pizzaro, Juan, à la tête de 50 cavaliers et au cours de laquelle il périt, retourna la situation. Il faut dire que l’intervention de la Vierge fut déterminante.. (si, si, de nombreuses peintures religieuses en témoignent !) Manco Inca se retira alors à 60km, à Ollantaytambo, puis dans la jungle à Vilcabamba, où il fut assassiné en 1544 par des soldats espagnols.

Les espagnols, une fois la ville pillée et les temples incas détruits pour effacer toute trace de cette culture païenne et récupérer les blocs de pierre en vue de construire la ville coloniale, se tournèrent vers Lima, fondée par Pizzaro en 1535, bien plus propice au commerce.

Il y sera assassiné en 1541, lors de guerres entre conquistadores, pendant que Cuzco devenait une ville provinciale, quasi déserte : la population de l’empire inca, de 10 millions de personne avant la conquête, ne dépassait pas 600 000 survivants.

 

Nous ne détaillerons pas par le menu ces journées qui seront consacrées à la visite de la ville coloniale et de vestiges incas, aux excursions vers la Vallée Sacrée, mais aussi aux formalités administratives pour le véhicule, à sa préparation pour l’hivernage et à quelques périodes de repos, nous sommes en effet encore un peu courts en souffle !

Juste quelques repères :

- Nous admirerons la vaste place d’armes, bordée de maisons coloniales aux arcades ombragées avec, sur un des côtés, la cathédrale, flanquée des églises « del Triunfo » et « Jesus Maria », et sur le pan mitoyen, l’église jésuite. Leur proximité, ou leur antagonisme? fait sens.

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Au centre de la place, l’Inca Atahulpa, martyr des espagnols à 31 ans, continue à montrer la voie…

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- De Qorichanka, qui fut le temple le plus riche de tout l’empire inca et sur les ruines duquel furent bâtis le couvent et l’église San Domingo, ne subsistent que le soubassement du mur d’enceinte et, enchâssés dans le cloitre, des vestiges de maçonnerie.

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Panthéon des rois Incas, aux murs extérieurs dont le faîte était recouvert de 700 feuilles de 2kg d’or chacune, le temple abritait des salles consacrées à la lune et aux étoiles, aux murs tapissés de feuille d’or et d’argent, et un bassin octogonal couvert de 55kg d’or. Le tout fut bien vite pillé et fondu lors de la destruction du temple. Ses vestiges ont néanmoins été bellement rénovés et mis en valeur au sein même du couvent dominicain, ce qui est un exploit, et un intéressant musée y présente la culture et la cosmogonie inca.

-Intéressantes aussi les salles consacrées à l’« Ecole de Cuzco ». Ces artistes, influencés par les œuvres de la Renaissance, notamment celles de peintres flamands et vénitiens qu’avaient importées les jésuites, se consacrèrent bien sûr à des thèmes religieux, mais en y intégrant des apports culturels locaux. Ainsi les Vierges sont-elles toujours représentées avec des robes dont la coupe en triangle et l’ourlet dessinant une rivière symbolisent la Pachamama, la Terre-mère.

Il faudra nous croire sur parole, les prises de vue dans les églises et les musées étant interdites, mais nous aurons la surprise d’y remarquer une crucifixion où la Vierge et St Marc, de part et d’autre du Christ en croix, ont la joue gonflée par une chique de coca …

Nous nous arrêterons également devant une statue de la Vierge, enceinte jusqu’aux yeux. Je ne crois pas que nous n’en ayons jamais vu ailleurs ! Et dans le même registre, à la cathédrale, le plat autour duquel sont rassemblés le Christ et les apôtres pour une Cène de facture très classique, ce plat donc, contient un cuy grillé. Pour ceux qui l’ignorent, le cuy est tout simplement un cochon d’inde, animal dont l’élevage fait encore la prospérité des paysans de la vallée de Sicuani et qui, grillé, constitue un met très recherché (j’ai testé, c’est proche du lapin, Agnès, quant à elle, a refusé l’expérience..)

-L’église St Blas, avec son autel baroque ruisselant de dorures et une chaire extraordinaire, la plus belle du continent, mérite la visite ; cette œuvre d’une vie aurait été sculptée dans un seul tronc par un autochtone ayant été guéri d’une maladie mortelle …

Mais Cuzco, ce ne sont pas que des vestiges et des églises, c’est aussi une ville qui vit, que l’on gagne en dévalant les ruelles où subsistent des cactus sur les murs en adobe (c’est mieux que des tessons de bouteille), où les métiers à tisser, même les plus simples, sont en production, où les jus de fruits sont toujours frais, où les enfants, comme dans tous les pays d’Amérique du Sud, vont à l’école en uniforme british, où les motards de la police, en tenue US,  pour peu qu’on leur demande gentiment de prendre la pose, savent aussi sourire, et où les forces de sécurité marquent le pas à la mode allemande.

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Et, pour les membres de la Protection Civile, le pas de l’oie avec une brouette, bonjour !

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Aux portes de Cuzco, à quelques km (et à pieds !), nous découvrirons Puka Pukara et Tambomashay, bastions avancés et thermes incas jalonnant les parcours touristiques, avant les points d’orgue : la Vallée Sacrée et le Machu Picchu.DSCN7998

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- Edgard, le mari de Milli, nous conduira en taxi dans la Vallée Sacrée et l’excursion commencera par le site de Pisac, son église coloniale et ses superbes terrasses agricoles incas.

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-Nous poursuivrons par les terrasses de Moray, profonde cuvette creusée dans l’argile dont les archéologues pensent qu’il s’agissait d’une station agronomique destinée à étudier les facteurs influençant la croissance des plantes, grâce à des expositions et des hydrologies variées.

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-Antérieur aux incas, car datant de plus de 2000 ans, le site de Salinas, alimenté par un ruisselet qui traverse des couches salines, regroupe près de 3000 bassins où l’on recueille encore le sel commercialisé dans toute la région.

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-Surplombant la vallée du rio Urubamba, la place forte d’Ollantaytambo domine son village, typique de l’urbanisme inca, et est accessible par une série de terrasses, si escarpées que, en 1536 les espagnols ne parvinrent à en déloger Manco Inca qu’au prix de d’assauts répétés. Au sommet, on trouve des constructions à usage guerrier et un temple inachevé dont les blocs mégalithiques le constituant nécessitèrent, pour les acheminer, le détournement du rio.

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Caractéristiques du système inca, les magasins de vivres situés à flanc de montagne étaient faciles à défendre et leur l’exposition déterminait le type d’aliments à y conserver, le versant à l’ombre, dans ces frigos naturels, étant naturellement dédié aux plus fragiles.

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Notre séjour à Cuzco se terminera en apothéose par le Machu Picchu. Et comme nous sommes hors saison, il ne sera pas nécessaire de réserver les billets d’entrée trop longtemps à l’avance, réservation indispensable cependant, l’accès est limité à 2500 personnes par demi- journée. (On notera au passage une organisation hyper rodée, aussi bien à Peru Rail qu’à l’agence du Ministère de la Culture qui délivre les billets : un scan de passeport et on vous crache les billets nominatifs)

Pas de trajet exclusivement routier pour ce déplacement : l’ accès à Agua Calientes, base de départ vers le site , sur les rives du rio Urubamba, n’est possible que par le train qui en descend les gorges, avec deux options : trajet complet depuis Cuzco, plus exactement depuis la gare de Poroy, ou jusqu’à Ollantaytambo, puis deux heures de marche sur les traverses de chemin de fer, aucune route ne desservant Agua Calientes.

Vu notre âge avancé, nous choisirons la 1° option, et en voiture panoramique s’il vous plait, autant profiter du paysage, même si le trajet n’est pas donné : 150€ l’aller- retour pour 95 km (vous avez dit monopole ?)

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Le service sera à la hauteur : pour des voitures de 48 places, et nous ne sommes qu’une vingtaine, 3 employés qui nous bichonnent, avec une petite collation pour calmer les impatiences.

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Et le choix des voitures panoramiques se justifiera grâce aux magnifiques échappées sur les gorges et les sommets qui les surplombent.

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Il nous faudra plus de 3 heures pour arriver à Agua Calientes, le train et ses trois voitures ne dépassant pas 30km, et nous ferons même une marche arrière dans un double aiguillage en forme de « Z » permettant de négocier un passage trop pentu.

Sur place, deux choix à nouveau : les navettes en bus qui permettent, par 8km de lacets vertigineux, de gagner le site à 2430m d’altitude, ou la trace directe par 800 marches. Vous aurez deviné quel fut notre choix.

Dans les deux cas, aperçu somptueux sur les gorges, le rio, et, au fond, Agua Calientes.

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Le site resta toujours ignoré des conquistadores, et on le comprend vu son emplacement. Il ne fut « découvert », par l’historien américain Hiram Bingham qu’en 1911, alors qu’il recherchait la cité de Vilcabamba, tombeau de Manco Inca. Il fut dégagé de la végétation par les équipes américano-péruviennes dans les années 30 à 40.

Nid d’aigle construit au pied du piton du Wayna Picchu, on se perd encore en conjectures sur la fonction du site, qui vu ses dimensions, n’abritait pas plus de 500 habitants, et sur la date de sa fondation qui n’a pu être établie. Fondé par Pacahutec en même temps que le réseau de forteresses protégeant l’empire, puis déjà déserté à l’époque de la conquête ? Construit dans les dernières années de l’ère inca ? La seule certitude est qu’il s’agissait d’un important centre cérémoniel, abritant également des fonctions politiques et administratives, et qu’il était au centre des échanges entre les régions de l’Amazonie et de la cordillère, puisqu’au moins 8 routes d’accès, dont le célèbre « Chemin de l’Inca », y convergeaient.

N’ayant pas la prétention d’écrire un guide de voyages qui décrirait chacun des vestiges, on se bornera à en produire quelques photos, pour laisser rêver les lecteurs.

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Au sommet du Wayna Picchu,peu visibles à l’œil nu, les magasins de vivres.

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Et, pour terminer, dominant la cité, l’Intihuatana, le « poteau d’amarrage du soleil », qui servait à prédire les solstices.

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De retour à Cuzco, nous aurons la confirmation que nous pouvons laisser le véhicule sur place pendant une année. Décollage donc comme prévu ce vendredi 14 décembre pour Paris via Lima et Sao Paulo.

Notre prochain périple nous permettra de découvrir le nord du Pérou, l’Equateur et la Colombie, « mais ceci est une autre histoire »

Excellente année 2019 à tous, et merci pour votre fidélité.

Agnès & Patrice

Les sacs de voyage se remplissent (curieuse entrée en matière, non? on dirait que ça se fait tout seul), mais on n’a pas échappé  aux questions existentielles: quels vêtements emporter ?

On ne se souvient plus de ce qu’on a laissé dans le véhicule, c’est si loin, déjà 10 mois!

Par contre, côté culture, on est paré: Agnès m’a offert le dernier Piketty « Capital et idéologie ». 1200 pages, 170 graphiques, un pavé de 1128g, avec ça, je tiens jusqu’en Alaska, mais je ne ferai pas de notes de lecture…

Nous avons dû retarder notre départ, l’année a été difficile pour Agnès qui a enchainé quelques soucis de santé avec, en point d’orgue, une intervention au genou pour régler un problème de ménisque. Elle n’est pas encore prête pour crapahuter, mais il est temps de partir et nous serons très prudents dans nos projets de randonnées, tant qu’elle ne sera pas au top.

Décollage prévu le 16 octobre, et arrivée à Cusco en fin de journée, sauf surprise. L’heure sera tardive et nous avons réservé un hôtel près de l’aéroport: arriver de nuit et dormir dans un véhicule froid, encombré de matériel et sans électricité ne nous parait pas judicieux…

Ensuite, visite de la partie amazonienne du Pérou (ce qui n’a pas brûlé..), puis le nord du pays. Et après, c’est le brouillard total: nous pensions visiter l’Equateur, puis la Colombie, et enfin expédier le véhicule  depuis Cartagena vers Veracruz, au Mexique, où nous avions l’intention de le laisser 6 mois en gardiennage.

Cela parait sévèrement compromis vu la situation en Equateur où les routes sont barrées et l’état d’urgence proclamé. Pas les meilleures conditions pour le tourisme!

Nous recherchons donc un plan B, pour l’instant rien en vue.

A bientôt donc, pour les prochaines éditions de ce journal et bienvenue aux nouveaux lecteurs  « abonnés » : Jean-Pierre et Michel, Rémy et Jacqueline.

Mercredi 16 octobre . Jour 1  

Que voilà un voyage qui commence mal : longue attente à l’enregistrement d’Iberia à Orly, puis l’employé qui nous demande de lui présenter notre billet de retour. Stupeur !

Les règles internationales, que nous avions oubliées, et qui d’ailleurs ne nous avaient pas été appliquées lors de notre précédent voyage vers Montevideo, imposent cette disposition pour les voyageurs sans visa, ce qui est notre cas puisque nous resterons moins de trois mois au Pérou. Nous protestons, sans succès, demandons à rencontrer le supérieur hiérarchique à qui nous présentons les documents douaniers du véhicule prouvant qu’il est en dépôt sur place et que, vu la limitation dans le temps de l’autorisation temporaire nous quitterons forcément le pays.

Rien n’y fait. A notre demande, elle appelle son propre supérieur, ne parvient pas à le joindre, et nous intime d’attendre pendant que l’enregistrement continue.

Il va être clos, nous laissant tout marris.

Seule solution : acheter un billet au départ de Lima, le moins cher possible. Mais Iberia n’est pas une compagnie low cost, et le délai qui nous est laissé rend impossible un achat sur internet, on n’est pas si geeks que ça, malgré l’assistance téléphonique d’Eulalie qui fait de son mieux pour nous trouver une solution.

Bien coincés, on achète, cher, deux places sur un vol Lima – Santiago, qui ne nous serviront pas, on enregistre les bagages, derniers passagers du vol, et on se rend en hâte à la salle d’embarquement.

Puis, là, ça traine, et de nouveau dans l’avion : nous décollerons avec une heure de retard. C’était bien la peine de nous mettre la pression ! Evidemment on arrivera à Madrid à la bourre.

Sur place, nous découvrons que l’embarquement du vol pour Lima est dans un terminal éloigné, qu’il faut prendre une navette ferroviaire et que le transfert nécessite au minimum 27 mn. On cavale (enfin, on se dépêche, nos sacs cabines sont lourds, chargés d’ordi, de liseuses et d’appareils photos), jusqu’à la salle d’embarquement que nous découvrons vide, l’avion est parti, sans nous….

Le service clients Iberia nous trouve un vol sur Latam à 1h du matin, et nous fournit des coupons pour les repas dans un resto de l’aéroport. Et il nous faut d’abord récupérer nos bagages, ils n’ont pas été chargés dans le vol pour Lima (on aurait été surpris qu’ils courent plus vite que nous).

On attaque par un repas dans « Le » resto qui accepte les coupons. Plats de cantine, boulettes frites ou poulet de batterie frites : c’est le menu réservé aux voyageurs laissés pour compte. Je comprends mieux la mimique de l’employé quand je le remerciais chaleureusement pour ces repas de gastronomie espagnole…

Longue après midi d’attente dans le terminal, de temps en temps on marche pour se dégourdir les guiboles (6km quand même au podomètre sur la journée) et, pour le repas du soir, même menu dans le même resto, il n’y en a pas d’autre qui accepte les coupons.

On laisse tomber et nous rabattons sur le stand de jambon ibériques, où on s’envoie une assiette de pata negra de ballotta (**** , le ***** est vraiment trop cher) , sur du pain grillé imprégné d’huile d’olive, arrosé d’un verre de blanc.

Même plaisir que lors de notre précédente escale à Madrid, il faut bien compenser. (A propos, est ce que le concept existe en France ? ça ferait un tabac)

Long vol, 11h 30, jusqu’à Lima, et à l’immigration, on ne nous demande pas nos billets de retour. Les boules…

Nouvelles cavalcades dans les couloirs, la récupération des bagages a été longue (qui ignore l’angoisse du voyageur guettant ses valises sur les convoyeurs ?), puis dernier vol pour Cuzco, et taxi jusqu’à Quinta la la, où on arrive à l’heure prévue, mais plus crevés, puisqu’on a passé la nuit dans l’avion au lieu de l’hôtel.

Jeudi 17 octobre – Mardi 22 octobre. Jours 2 à 7. Cuzco

Accueil chaleureux de Milli que nous retrouvons avec plaisir, et redécouverte de notre véhicule. Sale, bien sûr, 10 mois d’intempéries laissent des traces

Milli se chargera de descendre à la douane pour demander la cessation de la suspension temporaire de l’autorisation d’importation en détaxe du véhicule (fermez le ban..). Elle nous explique que la durée qui restait dans l’autorisation initiale recommence à courir, il nous reste donc 66 jours pour sortir du Pérou. Pas de problème pour nous, mais à savoir pour ceux qui solliciteraient une suspension à la fin de la durée de validité de l’autorisation initiale.

La remise en état du véhicule commence par le branchement et la mise en charge des batteries, jusqu’ici ça va, le rangement des bagages, et une rapide descente en ville pour des courses légères. Il nous faut nous réhabituer à l’altitude, le souffle est court et on est un peu migraineux. De plus, contrairement au séjour précédent où nous étions arrivés par la route, nous n’aurons pas eu d’accoutumance progressive à l’altitude, et le camping est à 3600m.

Coucher tôt, décalage horaire oblige, et nuits hachées. Et, pour être complet, le médicament prescrit contre le mal des montagnes, le Diamox, a pour effet d’accélérer la diurèse, je ne fais pas de dessin..

Les jours se suivent, avec une météo bizarre: grêle, pluies diluviennes, puis ciel dégagé avec un indice UV à 13, on se tartine, puis on sort les capes de pluie.

La fin de semaine retarde les activités incompressibles (visite de contrôle de la douane, révision du véhicule), et on vit un peu au ralenti, avec quelques descentes en ville, toujours aussi attirante, en particulier le marché avec ses couleurs violentes, ses odeurs tout autant, et ses fruits inconnus.

De longues périodes d’oisiveté. On écoute les play lists que nous avaient préparées Paul et Bertrand, merci à eux.

Peu d’envie de faire des photos, ce sera donc une édition sans, et beaucoup de lecture des infos, cette année nous nous sommes abonnés à l’édition numérique du « Monde », et on suit le fil de « France info ». Bien nous en a pris :  l’Amérique du sud connait une poussée de fièvre. Au Chili et en Equateur, les politiques d’austérité imposées par les droites au pouvoir provoquent des explosions sociales, en Bolivie, Evo Morales, seul président indigène du continent, est contesté après avoir un peu tordu la constitution pour se représenter, et en paye le prix. Et comme le comptage des votes du présent scrutin est douteux, ça sent le roussi.

En ce qui nous concerne, égoïstement, Chili et Bolivie sont derrière nous, le Pérou est stable, et l’Equateur s’est calmé après recul du gouvernement. Mais les voyageurs, actuellement au Chili, n’osent plus circuler et cherchent désespérément des infos sur les blogs.

La douane vient de passer pour vérifier la présence du véhicule et nous expédiera par mel ce soir (inch’Allah), le certificat de levée de la suspension.

Demain, on prend la route, enfin ! pour Puerto Maldonado, dans les basses terres amazoniennes, on a sorti les produits anti moustiques.

Mercredi 23 octobre. Jour 7   Cuzco / Mazuco

Si nous pensions descendre gentiment de Cuzco, 3500m d’altitude, à Puerto Maldonado, à 250m, nous nous sommes gentiment bercés d’illusions. Rien de bien nouveau jusqu’à Urcos, 2800m, nous avions déjà parcouru cette route à plusieurs reprises. Une bonne surprise : la ville, qui était en chantier lors de notre dernier passage en raison de la construction d’un pont, se traverse maintenant facilement.

On s’engage ensuite sur la 30 C « Interocéanique Sud » qui relie les deux océans, traversant le Pérou et le Brésil, excellente route à deux voies, très bien entretenue. Mais avant le Brésil, il y a encore un peu de cordillère andine.

Montée sérieuse pour atteindre le col de l’ Abra Cuyuni », à 4185m. On se dit que c’est déjà pas mal pour une mise en jambes. Descente rapide puis, rebelote, en plus sec et en plus long jusqu’à l’Abra Pircuyani, à 4725m. On fera quasiment toute la montée en seconde. Peu de trafic, peu de poids lourds, heureusement.

On se lance dans la descente et, au bout d’une trentaine de kms, on se dit que ce voyage semble devoir être baptisé la « scoumoune » : un voyant orange s’allume, indiquant un défaut moteur, et je ne parviens plus à dépasser les 2000 tours/mn. Angoisse, et incompréhension, le véhicule sort tout juste de révision ! On descend poussivement jusqu’au premier bourg un peu important, sans vraiment prendre garde au paysage, aux quelques effondrements de chaussée causés par une pluie récente, ni à la température qui a sensiblement augmenté.

A Mazuco, nous trouvons un atelier où deux jeune types, perplexes devant un turbo démonté, nous renvoient chez le voisin, électricien auto.

Miracle, vu l’environnement, il possède une console et peut scanner la carte électronique du véhicule. Je coupe le contact, le remets, le défaut a disparu…

Je teste, l’accélération, OK jusqu’à 4000 tours, il scanne la carte : R.A.S. Mystères de la technique !

L’électricien ne voudra rien pour sa prestation, 10 mn il est vrai, et nous repartons en quête d’un bivouac, que nous trouverons à Santa Rosa, sur le parking d’une station-service « Servi Aldo », après avoir essuyé trois refus.

Km : 361 Total 375

S 12° 55.534’    O 70° 17.880’

Altitude 320m

Jeudi 24 Jour 8 Mazuco / Puerto Maldonado

Départ matinal, le soleil se lève à 5 heures. A 7heures, il fait déjà 27° !

La route est rectiligne, le paysage très semblable à celui du Pantanal : rizières, bananeraies, vergers et potagers dans les zones habitées, forêt luxuriante (comment éviter cette banalité dans ces régions ?) la plupart du temps. De temps en temps, quelques cabanes sur pilotis, une école en dur, et toujours les « rompe muele », ces dos d’âne qui ne vous pardonnent pas de les avoir oubliés.

Nous sommes vite stoppés par une barrière de chantier. Et là, nous comprendrons le mode de gestion des passages alternés : une moitié du temps pour un sens, une moitié pour l’autre, et, comme disait Escartefigue, une troisième moitié pour les travaux. Nous patienterons ainsi 40 mn avant de voir s’ouvrir la barrière.

Fin du trajet jusqu’à Puerto Maldonado plutôt relax, et Agnès nous guidera magistralement jusqu’à l’ « Anaconda Lodge », repéré sur IOverlander.

L’endroit a dû connaitre de meilleures heures. Une grande parcelle boisée où ont été aménagés, à minima, une dizaine de bungalows, des allées qui nécessiteraient un bon débroussaillage et ne permettent pas le passage de véhicule.

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Mais il a deux points forts : la piscine, et la cuisine thaï.

Le lodge est en effet la propriété de Donald et de son épouse thaïlandaise. Ils y survivent avec la fille de celle-ci, âgée d’une trentaine d’années. Survivent car le peu de touristes qui vient jusqu’ici est hébergé près de la réserve de Tambopata, rares sont ceux qui résident en ville, il n’y a rien à y voir, sauf le pont, qui enjambe sur le rio « Madre de Dios » et conduit vers le Brésil.

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Donald est un personnage : né au Pérou, élevé en suisse, il a été militaire, puis guide touristique et s’est installé ici depuis une dizaine d’années. Il nous fait penser à ces vieux coloniaux décrits par Georges Conchon. Vêtu d’un bermuda, un verre de blanc en permanence à portée de la main, il semble pratiquer à l’extrême l’exercice difficile de la délégation. En deux jours, nous ne le verrons rien faire, si ce n’est caresser le ventre de sa guenon en nous expliquant que son comportement était changeant, la petite est enceinte.

Sa passion pour les animaux est réelle, il identifie tous les oiseaux , les repère dans la ramure, tel ce toucan.

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Il nous surprendra, à la nuit, au bord de la piscine, lorsqu’il nous invitera à observer avec lui les arabesques des chauves-souris, attirées par les cris de leurs congénères qu’il reproduit grâce un petit magnétophone. Moment hors du temps…

Km 141 Total 516

S 12° 35.887’    O 69° 13.064’   Altitude 230m

Vendredi 25 octobre Jour 9  Puerto Maldonado

Nous avions réservé, auprès de nos hôtes, une excursion d’une journée autour du lac Sandoval, dans la réserve de Tambopata, point d’intérêt de cette région.

Un taxi nous récupère au lodge, nous dépose à l’embarcadère où attendent déjà une quinzaine d’autres voyageurs. Certains ont réservé des circuits de 2 jours, d’autres de 3 ou 4. On se retrouve vite à glisser sur le rio « Madre de Dios », large de bien 500m, jusqu’à un lodge d’où une partie du groupe prend possession de ses locaux, puis on repart vers la réserve.

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Longue marche d’approche, le genou d’Agnès tient, puis à bord de longues barques, tour du lac, entrecoupé d’une pose déjeuner. Nous dégustons le riz végétarien que l’on nous avait distribué le matin, roulé dans des feuilles de bananier.

La faune n’est pas aussi riche que celle que nous avions découverte au Pantanal, ou plus méfiante.

Quelques instantanés :

Les loutres qui se prélassent dans la mangrove, avant de tenter une petite traversée. Elles se déplacent toujours en groupe, craignant les gros caïmans noirs.

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Les tortues, que les papillons aiment bien chatouiller

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Une petite variété d’oiseaux dont un cormoran qui voudrait impressionner ses potes, ça les ferait plutôt marrer.

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Des singes, capucins et sapajous, les deux espèces étant fréquemment mêlées.

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Une escadrille de chauve- souris. On dirait des « Rafales Marine » sur le pont du Charles de Gaulle. De près, ne sont-elles pas mimi ?

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Et, partout, de fantastiques papillons, qui, parfois, se rassemblent en bouquet.

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Sur le chemin du retour, à la nuit, on cherchera les petits caïmans blancs, sur le bord du rio. Rien ne les dérange.

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Arrivés au lodge à l’heure du repas du soir, une seule surprise : Les femmes sont en cuisine, Donald est bien là, partageant le diner avec les voyageurs, mais il est passé au rouge…

Samedi 26 Jour 10   Puerto Maldonado – Quelque part sur la route

Retour sur nos pas, on se dit que ce que nous avons vu ne valait pas vraiment 1000km et trois jours de route.

Nous souhaitons dormir à moins de 2500m d’altitude, pour nous réaccoutumer. Cela sera fait en nous arrêtant tôt dans la montée de l’Abra Parcuyani, en bordure de route, près d’une posada fermée en cette saison mais où l’on nous accepte bien volontiers. En remerciements, vu les poulets qui courent partout, nous achèterons une douzaine d’œufs et laisseront un petit souvenir de Paris. La joie de la propriétaire nous surprendra.

S 13° 33.064’   0 70° 53.338’

Altitude 2165m

Km 288 Total 804km

Dimanche 27 Jour 11   Retour à Cuzco

C’est jour de marchés dans tous les villages traversés. C’est bondé et on ne s’arrêtera pas pour immortaliser la foule des paysans venus vendre leurs produits ou acquérir l’essentiel. Dommage car les coiffes des femmes sont exceptionnelles, larges et colorées, souvent pailletées.

Lors d’une halte, pourtant, je pourrais saisir, de loin, trop loin pour que je puisse demander l’autorisation, l’une d’entre elles. Me voyant, elle tente de se dissimuler derrière un buisson. Elle ne gagnera pas un prix de camouflage !

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Nous la rejoignons et là, souriante, elle prend la pose, puis sollicite une petite gratification, que nous acceptons bien volontiers. La photo n’étant pas très réussie, je la garde pour moi..

Arrivée à Quinta la la à l’heure du repas, petite sieste, puis corvée de lessive pour Agnès (c’est bien la peine de me moquer de Donald) et blog pour moi.

A la tombée de la nuit (ici c’est 17h30/18h), on frappe à la porte. Un de nos voisins hollandais vient nous inviter pour des « happy hours ». Et chacun d’apporter ses sièges, ses verres, du liquide et des bricoles à grignoter, et nous nous retrouverons à une quinzaine, de tous pays, à prendre l’apéro en échangeant des expériences de voyage.

Je n’ai pas noté le kilométrage, ça sera pour demain, le suspense ne doit pas être insoutenable.