Samedi 18 Jour 32    Boukhara-Shakhrjsyabz  

Direction sud est vers Qarshi, que nous atteindrons pour déjeuner après 170km de mauvaise route. A l’approche de la ville le paysage désertique change progressivement et nous traversons une steppe verdissante où apparaissent les premières nappes rouges de coquelicots.

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 Elle se transforme ensuite en un vaste plateau où alternent pâturages, céréales et vergers. Qu’ils soient en pleine maturité, près des villages, ou jeunes plantains dans la plaine, tous les arbres ont le tronc blanchi à la chaux. Région fertile où nous percevons à l’est, les premiers contreforts montagneux, il nous faut y faire attention aux nombreux troupeaux de moutons bruns qui envahissent la route. De même, en ville, les carrioles des gitans qui récupèrent les déchets constituent des obstacles inattendus, surtout lorsque l’âne, épuisé, s’effondre au milieu du trafic et refuse de se relever.

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Pause  près d’un monument aux morts  pompeux avec ses vitraux à la gloire des soldats tombés pour la patrie, aujourd’hui très négligé ; l’étoile soviétique qui en couronnait la flèche a été démontée, ne subsiste que le croissant islamique. En escaladant le tumulus, nous  assisterons à la cueillette des coquelicots, qui sera suivie de la séance de pose devenue une habitude lors de tout contact avec les habitants. Nous n’avons jamais été autant photographiés !

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N 38° 51.007’  E 65° 46.950’ 

 Après G’uzor, la route remonte plein nord et longe, dans le lointain, la ligne de crêtes. Halte à Shakhrjsyabz (Chakhrisabz) ville natale de l’Emir Timour (Tamerlan, nom jamais utilisé ici car il signifie Timour le boiteux)

 Nous atteindrons avec difficulté le point de bivouac prévu, la  zone étant un vaste chantier. On a manifestement entrepris d’y  réaliser un grandiose parc mettant en valeur les vestiges du palais Ak Saraï (Palais blanc) qu’y fit bâtir  Timour pendant 24 ans, à la fin du XIV° siècle.

Que veut-on faire de Timour dans l’histoire officielle de l’Ouzbekistan, lui qui reste en Occident comme l’un des  symboles, après Attila et Gengis Khan, du conquérant sanguinaire ? Il soumit toute l’Asie centrale, de l’Ukraine à l’Iran, du nord de l’Inde à l’ouest de la Chine et sous ses 35 ans de règne, 1 million de personnes auraient péri.

Ne subsistent aujourd’hui de ce palais que les portes monumentales, décorées de majoliques bleues, une mosquée et un mausolée, mais une partie de l’enceinte ainsi que l’emplacement du centre de l’édifice, symbolisé par une gigantesque statue du conquérant, en laissent imaginer les dimensions hors normes. C’est bien le Versailles Ouzbèk.

Bivouac en bordure du parc.

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N 39° 04’ 392    E 66° 49’ 114  Altitude 624m

Km 305 Total 7994 

Dimanche 19 Jour 33     Shakhrjsyabz – Samarcande 

84 km et le col de Takhtakaracha, 1700 m d’altitude, nous séparent de Samarcande. L’état de la route, la raideur de la pente, avec de nombreux passages à 12%, puis la traversée de la vieille ville (les GPS ignorent les périphériques qui nous auraient conduits directement aux avenues pénétrantes) expliquent les 3h30 qu’il nous faudra pour les franchir.

Direction le parking de l’université, situé derrière l’hôtel Afrasiab , aujourd’hui rebaptisé « Kuk Sarai» où nous avons rendez vous avec notre huide. C’est à  500m du Registan, cœur de la ville, endroit idéal pour la découvrir. Petit reconnaissance tranquille du centre ville l’après midi. En première impression, c’est bien la plus belle ville de la route de la soie.

Plusieurs visites de voitures de police sur le parking, les agents se montrent serviables et curieux de notre périple. L’un d’eux nous fait comprendre qu’il est en charge de surveiller la zone et qu’on pourra dormir tranquilles… Puis petit rituel de remplissage des réservoirs au jerrycan, notre guide nous a trouvé un fournisseur à 3700 soum/l.

Estimant l’avoir mérité, nous nous offrons un petit apéro du pays : Une terrine de la ferme de la Garriguette, accompagnée d’un rosé Ventaillac bien frais. Il faut savoir faire une pause….. 

Km 84  Total  8078 

Lundi 20 J34    Mardi 21 J35    Mercredi 22 J37  Samarkand 

Les panneaux accueillant les visiteurs nous donnent la réponse : Emir Timour est bien le héros national, le père de  l’Ouzbékistan, et Samarkand sa ville. Il l’a façonnée pour magnifier son règne et tous les  édifices, medersas, moquées, mausolées, construits entre 1370 et la fin du siècle suivant y sont le fruit de ses décisions ou de celles de ses descendants en sa mémoire.

Le plus marquant est naturellement le Registan, ensemble magistral de trois medersas encadrant une place où se tenait autrefois un important bazar, (ce qui donnera l’occasion de réaliser notre première photo panoramique grâce à « Windows live »),

 Registan Samarcande DSC_0988_055

A ne pas manquer également la mosquée de Bibi Khanoum, femme chinoise de Timour, le mausolée du Gour Emir où il repose avec deux de ses fils et deux de ses petits fils et la nécropole Chah-i-Zinda, vaste ensemble d’une trentaine de mausolées qui abritent les tombes de ses proches.

Tous ces sites, dont certains sont somptueusement décorés intérieurement de mosaïques ou de majoliques à dominante bleue, sont concentrés dans un périmètre où les avenues piétonnières, les jets d’eau, les  parterres de gazon fleuris  rendent la promenade très agréable.

Question subsidiaire et prosaïque, pourquoi les jardiniers sont ils tous des hommes alors que le nettoyage et l’entretien des routes n’est assuré que par des femmes, toutes portant des foulards enveloppants et des gilets orange ?

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Le nouveau petit musée, qui jouxte l’observatoire d’Ulug Beg, petit fils de Timour, mérite la visite. Ne subsiste de l’observatoire, bâtit sur la colline la plus haute de la ville, que le support du gigantesque sextant qui en constituait l’instrument principal.

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Cependant le musée éclaire, grâce à de nombreux documents d’époque et de superbes miniatures, le rôle éminent que joua ce monarque dans les sciences de son temps : Astronome, il était l’égal d’un Haley ou d’un Tsycho Brahé et ses tables de déclinaisons furent éditées dans toute l’Europe au XVII°, il fut aussi philosophe et poète. Il et administra  l’empire de son grand père pendant un règne de 40 ans, guerroyant de temps en temps aux frontières mais, sans doute plus attiré par les sciences que part la politique, il suscita la vindicte des religieux et finit assassiné sur l’ordre de son fils, alors qu’il entamait un pèlerinage vers la Mecque 

Dans ces sites historiques ou redevenus religieux, nous sommes toujours frappés par le nombre de visiteurs ouzbek. Les anciens portent la coiffe carrée noire caractéristique des régions d’origine turkmène, et les ainées des vêtements brodés de motifs de couleurs vives. Pour elles, le foulard est de rigueur. C’est aussi souvent le cas pour de plus jeunes qui les accompagnent, ce que nous n’avions pas noté plus au nord, dans les régions à dominante Tadjike.

Au-delà de la coiffe, impossible cependant pour nous, et nous le regrettons, de distinguer sur leur physique ou leur costume un Kazakh d’un Ouzbek, un tadjik d’un Turkmène, un Kirghize d’un Pachtoune. Ce pays a subi tant d’invasions et de brassages qu’on ne peut, dans une ville moderne de cette taille, espérer retrouver des communautés qui auraient conservé les costumes traditionnels. Cela sera peut être différent quand nous nous enfoncerons dans les montagnes du Tai Shan.

Nous retiendrons cependant à quel point cette histoire bouleversée a impacté l’identité même des populations : Boukhara parle perse, Samarkand Turkmène. L’écriture a été persane, ensuite arabe, puis cyrillique, elle est, depuis l’indépendance en 1991, latine.

Dans les cimetières, les stèles de style soviétique, caractères cyrilliques et photos des défunts médaillés, voisinent avec les coupoles des mausolées musulmans.

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Les Ouzbèk ont bien du mérite à cultiver un sentiment national, il est compréhensible que Timour les y aide… 

Nous finirons la journée par le bazar. Outre les fruits secs, les fruits et légumes locaux ou importés, on y trouve des pains ronds, conservés chauds dans des couvertures, à l’aide de brouettes ou de voitures d’enfant.

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 Nous y achèterons des raisins secs à un vieillard que cela comblera de plaisir. Il tiendra, pour nous remercier, à jouer avec nous à « Je te tiens par la barbichette », barbichette qu’il a fort bien taillée. Agnès est passée la première, ça l’a un peu perturbée et nous ignorons toujours le sens de cette petite cérémonie.

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Nous transférons nos véhicules vers la cour de l’hôtel « Kuk Serai». Les tarifs augmentent, 50 000 soum par véhicule et par nuit. 

N 39° 39.1422’  E 66° 58.0824’  Altitude 730m

 

5 commentaires pour “Samarkand

  1. Mamie le 23 avril 2015 à 9 h 27 min a posté:

    Je viens de lire les deux derniers messages. Je regrette de ne pas avoir pu vous suivre pour connaître tous ces paysages et ces cultures différentes. Les monuments sont magnifiques, vous reviendrez avec plein de couleurs dans les yeux et d’odeurs dans le nez. Agnès, tu nous feras part des sensations « barbichette ». J’ai de vos nouvelles par Jean-Louis et Jo, je m’aperçois de l’utilité d’internet…
    Profitez bien , à bientôt.
    PS info familiale: Jean-Pierre a enfin une nouvelle hanche depuis hier. Il va bien et toute la famille aussi.

  2. Annette Jean Louis le 23 avril 2015 à 20 h 47 min a posté:

    Hello,
    Agnes est superbe sur fond bleu!!
    nous venons donc de voir Jean Pierre qui grogne un peu car c’est encore douloureux mais sinon ça bien et il nous a donc prié de donner de ses nouvelles à Agnes.

    Patrice nous fait découvrir ses talents d’ecriture, continue comme ça!!!

    ps: et la caferière Nesspresso?? je n’ai toujours pas la réponse.

    bises

  3. Michel et Emmanuelle le 23 avril 2015 à 22 h 03 min a posté:

    bravo!!
    Plus vous avancez , plus vos messages sont intéressants , bien écrits et illustrés de photos superbes !!
    Boukhara c’etait pas mal, mais Samarcande ça donne vraiement envie !!
    continuez!!
    ps: beau temps a Paris!

    ps 2: Bises a mamie (Pauline), jean-louis et annette !

  4. Josette et François le 26 avril 2015 à 22 h 12 min a posté:

    La distinction des ethnies n’est pas une mince affaire ; suggestions pour reconnaître
    - un kazakh : faire tourner le premier venu sur lui même et regarder l’intérieur de sa veste: en effet quand on tourne Kasakh on peut constater que son AOC est bien inscrite sur l’étiquette
    - un ouzbek : faire passer une jolie fille devant un petit groupe exclusivement masculin constitué des ethnies régionales de l’étape; l’individu qui présente soudainement une protubérance dans son pantalon est un ouzbek c le monsieur pour reconnaître

  5. Josette et François le 26 avril 2015 à 22 h 50 min a posté:

    C’est parti trop vite ! Revenons en à cette protubérance ..
    elle atteste qu’il s’agit d’un ouzbek car chacun sait que l’ouzbek y s’tend.
    (Agnès , Patrice vous n’êtes plus les seuls à savoir que je ne m’arrange pas!)

    Merci pour ce billet qui nous fait admirer des monuments magnifiques, mieux connaître l’histoire de ces contrées lointaines, croiser d’autres regards…
    Bises
    Josette et Francois

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