Mercredi 13 novembre Jour 28   Balsas / Tingo Viejo

Mauvaise nuit, la chaleur, l’anticipation de la route à venir l’ont rendu courte. Départ dès 6h30, il fait déjà 21°.

La route sera identique à la veille, étroite, vertigineuse, et nous fera franchir les cols de l’Abra Chanchillo à 2500m (une broutille !) et de l’Abra Calla Calla, à 3600m, avant d’attaquer une longue descente, dans les mêmes conditions perilleuses. Heureusement, la région est peu peuplée et nous ne croiserons que trois véhicules sur les 85 kms qu’il nous faudra près de 3 heures pour franchir.

La pente s’adoucit, la route s’élargit, un peu, et nous arrivons dans la vallée du rio Utcubamba, au village de Leymebamba, où nous faisons halte pour visiter le musée dédié à la civilisation Chachapoyas.

Ce très joli musée, de construction récente, a été implanté ici pour abriter les 219 momies qui ont été découvertes par des ouvriers agricoles en 1996 dans des falaises surplombant le Lago de los Condores, à 8 heures de marche dans la montagne.

La civilisation chachapoya, ou « peuple des nuages », qui se développa dans cette haute vallée tropicale de l’Utcubamba de l’an 500 de notre ère à 1493 environ, a laissé de nombreux vestiges qui ne furent découverts que tardivement du fait de leur inaccessibilité.

Deux types d’habitats la caractérisent : des habitations troglodytes, à flanc de falaise dont la position constituait une défense naturelle et que les maquettes du musée permettent de visualiser, et des forteresses en nid d’aigle, la plus remarquable étant celle de Kuelap.

dscn8884

Les momies étaient conservées dans des sarcophages verticaux, aux lignes étonnement modernes, dont le musée présente des reproductions, ainsi que la collection de momies.

dscn8879

 

dscn8893

Chamans et bâtisseurs, les chachapoyas évoluèrent indépendamment des civilisations voisines, du fait de leur isolement. Féroces guerriers, on retrouva sur ces sites nombres de crânes marqués de trépanations ou de scalps.

L’expansion de l’empire inca au XV° siècle se heurta à leur résistance acharnée, de courte durée du fait de l’arrivée des conquistadores, et les chachapoyas n’apprirent jamais la langue Quechua.  Cette période fut émaillée de nombreuses révoltes jusqu’à la conquète espagnole, à laquelle les chachapoyas s’empressèrent de contribuer en leur prêtant main forte contre les incas lors de l’affaire de Cajamarca, et l’influence inca sur la région resta marginale.

On présente néanmoins au musée des quipus, pièces exceptionnelles que nous n’avions pas remarquées à Cuzco.

dscn8887

Ces assemblages de cordelettes constituaient le support de transmission d’informations qu’utilisaient les incas, qui ne disposaient pas, on l’a vu, de l’écriture : ils servaient à la fois de calendriers, de registres généalogiques, de bases de données statistiques et comptables. La nature et la couleur des fibres utilisées, le type de torsion, le type de nœud et leur position, le nombre et la position des cordelettes secondaires répondaient à une codification précise, maitrisée uniquement par des spécialistes capables de les interpréter, et de les réaliser.

Plus bas dans la vallée, nous avons décidé de nous arrêter pour déjeuner au restaurant hostal « El Tingo », à Tingo Viejo, pour plusieurs raisons. Parce que c’est une bonne base de départ pour visiter le site de Kuelap, parce que la faim nous pousse, mais surtout parce que nous voulions rencontrer les propriétaires : Eulalie et Thomas y avaient séjourné il y a 4 ans et étaient partis randonner à pied vers Kuelap, cinq heures de marche, suivis (guidés ?) par Rex, le chien de l’hôtel. Au retour, impossible de ramener le chien en « collectivo », refus du chauffeur. D’où les remords de ces jeunes gens, rongés de culpabilité à l’idée que le chien n’avait pas retrouvé son chemin.

Les propriétaires, à la vue des photos de Rex, avec Eulalie et Thomas, que nous leur montrons sont tout émus. Le chien était bien revenu ce jour là, mais, victime de cette habitude d’accompagner les voyageurs, il avait plus tard suivi un combi et, volé ? accidenté ? n’était jamais revenu, au grand regret de la famille, dont on perçoit encore la vraie émotion.

Nous déjeunerons sur place, puis une petite sieste. A 14h30, on apprend qu’il est trop tard pour attraper la télécabine qui, depuis peu, permet d’accéder à Kuelap en évitant 40 km de piste. On remet à demain, une après midi de repos ne nous fera pas de mal.

S 06° 22’44.9’’    0 77° 54’ 20.6’’ Altitude 1800m

Km 136  Total 3948

Jeudi 14 novembre Jour 29 Tingo Viejo / La Choza

MotoTaxi pour aller de Tingo viejo à Tingo Nuevo, où se trouve la billetterie. L’engin peine dans la montée, le pilote joue sur les vitesses, puis s’arrête, pour embarquer une mémé. Elle n’est pas grosse, heureusement, et on se serre sur la banquette.

Redémarrage poussif, on tressaute d’un côté à l’autre de la piste quand la moto prend un peu de vitesse. Soudain, des glapissements s’élèvent de l’arrière de la machine, et on réalise, avec le pilote et la mémé, qu’un chien s’est invité pour la ballade en sautant sur la plate- forme arrière. Maintenant il veut descendre mais, effrayé par la vitesse (façon de parler) et les cahots, il n’ose pas sauter, et braille. Cela durera un bon km, et on aura droit à toutes les vocalises qu’un chien peut émettre, jusqu’à ce que le chauffeur, fatigué du concert, ralentisse, lui permettant de sauter et de filer la queue basse, sous les quolibets de la mémé.

Belle billetterie, un vrai hall de gare, où l’on patiente jusqu’au départ de la prochaine navette qui nous conduit en  10 mn par une très belle route 200 m plus haut, jusqu’à la gare de départ des télécabines, réalisation de l’entreprise française Poma. Cette installation, voulue par les autorités pour développer le tourisme dans la région « Amazonias », permet de franchir une vallée encaissée et d’atteindre, en 20 mn, l’entrée de la forteresse de Kualap, 700m plus haut.

Une vingtaine de minutes de montée, et on est au pied des formidables murailles, plus de 20m de hauteur, de Kuelap. Il s’agit en fait d’un village fortifié, long de 700m et qui abritait, sur 3 niveaux, 3500 habitants dans près de 400 constructions circulaires.

dscn8945

dscn8949

Toutes de même plan, d’un diamètre de 6 à 10 m, elles étaient constituées d’une plate- forme périphérique, de murs maçonnés et coiffées de hauts toits de chaumes. Ornées extérieurement de motifs en losange au niveau du soubassement, elles comportaient une entrée étroite sans autre ouverture, un puisard permettant de drainer les eaux pluviales percolant à travers le toit de chaume et une zone réservée à l’élevage des cuys.

dscn8940

dscn8928

dscn8925

Seuls deux édifices avaient un usage cérémoniel : une tour, à l’extrémité de la forteresse, qui aurait servi de tour de guet et à des rites visant à appeler la pluie (on se demande pourquoi, avec ce qui tombe..), et une construction exceptionnelle, surnommée, par sa forme, « el tintero » (l’encrier) : il s’agit d’une salle souterraine, en forme de quille de bowling, dans laquelle furent retrouvés des squelettes d’animaux portant des marques de sacrifice, exécutés sur la plate -forme avant d’y être précipités.

dscn8937

La maquette permet d’en comprendre la structure.

 dscn8905

Déjeuner à l’auberge, ( avec le pire steak que j’ai jamais mangé : viande fibreuse, dilacérée par l’attendrisseur, qui semble avoir été conservée séchée, puis servie frite, imbibée d’huile, une recette que l’on ne retiendra pas) avant de prendre la route de la petite ville de Chachapoyas, où on s’autorisera une séance café/internet sur sa jolie, quoique très simple, place d’armes : Chachapoyas, étape importante sur la route de l’Amazonie, aurait été la 3° ville fondée par les espagnols après Lima et Piura

Très longue descente ensuite dans les gorges magnifiques du rio Utcubanca, aux eaux boueuses semées de rapides.

Bivouac en bord de route, face au resto La Choza

S 05° 54’ 24.8’’    O 078° 07’ 41.2’’  Altitude 720m   Température 25° à 17h30

Km 117 Total 4065

Vendredi 15 novembre Jour 30  La Choza / Chulucanas

Journée consacrée à rouler, nous voulons nous rapprocher rapidement de la côte pour profiter des derniers jours en bord de mer, et terminer notre périple péruvien avant le 19 afin d’éviter de devoir renouveler notre assurance auto, valable un mois. On poursuit donc notre descente des gorges du rio Utcubanca, toujours aussi impétueux.

Puis la vallée s’élargit, et les rizières s’étagent au pied des collines. C’est la saison du repiquage, et on s’active dans les parcelles d’un vert tendre pour lier les bottes des pousses qui seront transplantées.

dscn8951

dscn8955

Au niveau de Jaen, confluent entre le rio Utcubanca , que l’on abandonne après 200km, et le rio Chamaya. Tous deux se jettent dans le rio Maranon, s’écoulant nord-est, vers l’Amazonie. Nous piquerons, nous, vers l’ouest, en remontant la vallée du rio Chamaya, en direction de Piura.

Notre dernier col péruvien sera l’Abra de Porculla, à 2137m. Raide, mais montée assez rapide, comparativement à ce que nous avions vécu depuis Cajamarca.

On quitte la direction de Piura pour un petit détour vers Chulucanas, village réputé pour la qualité de ses artisans. La bonne surprise est que la piste d’accès, que notre guide nous annonçait médiocre, est maintenant goudronnée. Les choses évoluent vite au Pérou, qui investit de façon impressionnante dans son réseau routier, et les entretient avec constance, malgré des routes fréquemment soumises à des éboulements, voire des portions, en bordure de rios, emportées par la violence du courant. Un seul bémol, la voirie dans les villes, un cauchemar.

Bivouac à la station Primax à l’entrée du village, on en profite pour refaire le plein de GPL (et de bière fraiche, il fait 33° à 17h !)

S 05° 07’ 16.7’’    O 80° 10’ 23.7’’

Km 409 Total 4474

Samedi 16 novembre Jour 31  Chulucanas / Lobitos

La mauvaise surprise est qu’il n’y a pas de céramistes dans le village, contrairement aux indications de notre guide. Nous rebroussons chemin et bifurquons en direction de Ancatada, petit village à quelques kms où se trouvent les ateliers des céramistes. La route est jolie, et serpente entre les bananeraies. Sur chaque arbre, un régime, emballé. Pour le protéger des parasites ? La question est ouverte.

Visite de deux céramistes à Ancatada. Comme toujours, le Lonely planet s’est montré exagérément enthousiaste : ce n’est pas Vallauris… On repart bien vite, jusqu’à Catacaos où se tient toutes les fins de semaine, un marché d’artisans. Beaucoup plus sympa, on y fait quelques emplettes.

Puis direction Piura, la capitale de la région, le paysage de garrigue poussiéreuse devient de plus en plus poussiéreux et de moins en moins garrigueux , les habitations, plutôt baraques que maisons, s’égrènent le long de la route dans ce morne décor. On se demande de quoi vivent les habitants, aucune culture n’est visible. Un micro- élevage peut être ?

Une fois au cœur de la grande ville, contraste brutal : un gigantesque centre commercial aux galeries marchandes abritant les habituels H&M, Zara, Bata et consorts comprend également un supermarché extrêmement bien achalandé. On y recharge notre cambuse, bien vide, on s’y starbuckise pour bénéficier de la wifi et whats’apper avec la famille, et on se dit que deux mondes se côtoient sans se voir.

Retour sur la panaméricaine, qui traverse maintenant de magnifiques rizières, puis déviation pour rejoindre la côte. La ville de Talara, où les carcasses de bateaux de pêche jalonnent les rues , est bien vite oubliée, c’est devenu un port pétrolier. La route côtière qui remonte vers le nord est dans un état épouvantable jusqu’à ce que l’on ait quitté la ville, puis se transforme en bonne piste traversant les champs pétroliers et les dépôts de matériel d’extraction, dans un paysage lunaire, et enfin en bonne route aux abords de Lobitos.

dscn8977

Bivouac au lodge « las Cabanas de Neto », à 50 m de la plage, avec vue sur les plate-forme pétrolières, au large.

dscn8971

La nuit, leurs feux pointilleront l’obscurité.

S 04° 27’ 12.7’’     O 81° 16’ 43.9’’

Km 238 Total 4712

Dimanche 17 Jour 33 Lobitos/ Zorritos

Matinée pépère dans ce lodge pour routards où on notera la prescription suivante (je traduis) : « interdiction de fumer des pétards de marihuana à moins de 100m des locaux »

Le hameau, qui comportait une pêcherie, est quasi abandonné, des épaves de bateaux pourrissent sur la plage et nombres de bâtiments sont en ruines. Dans ceux qui résistent au temps se sont installée 2 ou 3 écoles de surf, désertes en cette saison. Est-ce l’activité pétrolière qui a condamné la pêche artisanale où y a-t-il d’autres raisons ?

Les quelques pêcheurs qui y croient encore devraient être rentrés en fin de matinée. On n’en verra aucun, au bout du ponton, les pelicans squatteñt les barques et c’est râpé pour acheter du poisson frais. Repos dominical ?

dscn8968

On quitte donc Lobitos par la piste d’une dizaine de kms qui doit nous ramener, à travers des champs pétroliers, vers la panaméricaine. Le paysage est aride, ingrat, sillonné des pipelines et des gazoducs qui gavent les cuves de stockage.

Trajet beaucoup plus cool ensuite sur une route un peu déformée, mais qui serpente dans les collines à la végétation typique de « forêt sèche », et vient de temps en temps se rafraichir dans des anses baignées des rouleaux du Pacifique, où se sont développées de petites stations balnéaires ou, plus intéressant, des pêcheries artisanales.

dscn8997

Peu de pêcheurs sur les pontons en ce dimanche, mais les rares présents, en étêtant et en étripant leurs prises, attirent pélicans, mouettes et autres spécialistes du vol planant, particulièrement spectaculaire vu le vent violent (on y perdra chacun notre chapeau, cadeau aux tortues qui viennent participer au festin).

dscn8987

dscn9003

dscn8995

On poursuivra notre ballade côtière jusqu’à Zorritos, pour bivouaquer dans ce qui apparait, avec ses ombrages, sa piscine, son décor en bois flotté et ses hamacs en bord de plage, comme une vraie oasis, le « Grillo 3 puntas »

dscn9006

S 03° 41’ 47.0’’    W 80° 42’ 19.3’’

Km 151 Total 4863

Lundi 18  Jour 34 Zorritos / Puerto Pizzaro

Matinée tranquille, l’étape est courte. Toujours le long de la côte, nous traversons rapidement Tumbes et arrivons à Puerto Pizzaro, dernier bourg avant la frontière. Pas de problème pour se garer, la route qui mène au centre du village est en cul de sac, avec un parking au bout. On s’y installe, on y sera très bien pour notre dernière nuit au Pérou.

Pas le temps de se balader dans le village, la marée est descendante et il sera bientôt impossible de faire la promenade vers la mangrove en bateau. Un rabatteur nous amène à son compère et on embarque. En route, on se rendra compte que le bateau doit être le plus vieux de la flotte, mais le type est sympa, bavard (un de plus qui croit que je parle espagnol !), on oublie le reste.

dscn9016

Balade dans la mangrove, c’est vite dit, on passe en revue les bateaux de pêche, on fait un tour dans la baie pour contourner les bancs de sable et on remonte un court estuaire bordé, effectivement, de mangroves, jusqu’à un élevage, tristounet de crocodiles.

dscn9009

dscn9043

dscn9029

Mais le moment aura été agréable et se terminera par un excellent Ceviche / riz aux fruits de mer, sur la place du village. Que demander de plus ?

Demain, nous passons en Equateur

Km 48 Total 4911

S 03° 30’ 03.0’’      O 80° 23’ 23.7’’

3 commentaires pour “2019-11-18 Piura

  1. Guillaume de Massia le 19 novembre 2019 à 12 h 43 min a posté:

    merci ce sera pour mon prochain voyage.Etant bloqué à la frontière Bolivienne je vais redescendre sur Nasca pour remonter en Bolivie. vous remontez vers le nord et moi je descends vers le sud.

    bonne route et encore merci pour vos reportage toujours interessant

  2. jeannette et bernard Bara le 19 novembre 2019 à 16 h 46 min a posté:

    un beau récit et de jolies photos ! Que de demander de plus pour nous qui sommes assis devant notre écran …… on stresse un peu quand vous amorcez les routes vertigineuses , mais on rigole bien quand le chien vous accompagne en moto taxi ……. ça nous évoque la bande dessinée de notre enfance : « Caroline et ses amis  » en bateau , en avion ….. et cette fois en moto taxi !
    La dite Caroline était toujours accompagnée de ses animaux familiers pour vivre des aventures extraordinaires …….
    bonne route et bon passage de l’équateur !

  3. Michel et Emmanuelle le 27 novembre 2019 à 14 h 00 min a posté:

    Bravo pour ce chapitre passionnant et très innovant en verbes et locutions! Mais le temps me presse , Je m’en vais continuer à pointiller avant la nuit !! Bises à vous deux ! Michel et emma.

Répondre à jeannette et bernard Bara Annuler la réponse.

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>

Post Navigation